Le Pakistan a lancé tôt hier une offensive terrestre contre les talibans et Al-Qaïda dans le nord-ouest du pays, près de la frontière afghane, après une vague d'attaques qui ont fait plus de 175 morts. Un test crucial pour l'allié nucléaire des Etats-Unis, que l'insurrection du Sud-Waziristan tente de faire tomber. Le général Athar Abbas, porte-parole de l'armée, a confirmé dans la soirée que les troupes visaient les talibans pakistanais. Des bombardements ont tué onze insurgés, selon des responsables locaux du renseignement. Plus de 30.000 soldats participent à l'opération annoncée pour certaine il y a deux semaines, ont précisé à l'Associated Press des responsables du renseignement, du gouvernement et de l'armée ayant requis l'anonymat. L'offensive pourrait durer deux mois. L'aviation préparait le terrain depuis des mois en bombardant les talibans, ce qui a provoqué l'exode de 90.000 à 150.000 civils depuis juillet, selon Amnesty International. Les attaques incessantes des 15 derniers jours et une prise d'otages sanglante au QG même de l'armée avaient rendu l'intervention d'autant plus urgente. Sanctuaire des talibans qui veulent renverser le gouvernement d'Islamabad soutenu par les Etats-Unis, le Sud-Waziristan sert aussi de base à des groupes islamistes pakistanais et étrangers pour lancer des attaques contre des cibles américaines et de l'OTAN en Afghanistan et en Occident. Mais cette région montagneuse est difficile d'accès et les tribus qui vivent le long de la frontière poreuse avec l'Afghanistan rejettent toute interférence du gouvernement central dans ces zones semi autonomes. Soutien US C'est la quatrième tentative depuis 2001 pour déloger les talibans du Sud-Waziristan. Les trois offensives précédentes s'étaient soldées par des trêves négociées laissant de facto la région aux mains des fondamentalistes. Cette fois, Islamabad exclut tout accord, surtout après avoir réussi à reprendre le contrôle de la vallée de Swat, dans le nord-ouest également. Le gouvernement veut aussi profiter de l'unité nationale récemment retrouvée face aux attaques des insurgés. L'opération lancée hier devrait surtout viser les talibans de Baitullah Mehsud, important chef de guerre tué par un missile américain en août mais rapidement remplacé par Hakimullah Mehsud, tout aussi opposé à Islamabad. L'armée s'attend à des actes de guérilla : embuscades, attentats-suicide, bombes sur les routes... Hier, l'explosion de l'un de ces engins au passage d'un convoi des forces de sécurité à Lhada a fait un mort et trois blessés, selon les autorités. A Makeen, l'un des principaux repaires des djihadistes, un habitant interrogé par téléphone a affirmé que la population était terrifiée et qu'un couvre-feu interdisait de sortir. « Nous avons entendu des bruits d'avion et d'hélicoptères ce matin, puis des explosions. Nous entendons aussi des coups de feu. Il semble que l'armée échange des tirs avec les talibans », a témoigné Ajmal Khan. Les informations sont quasiment impossibles à vérifier sur place car les étrangers doivent obtenir une autorisation spéciale pour se rendre dans les zones tribales, également dangereuses pour les journalistes pakistanais. Le général Abbas a récemment déclaré à l'AP que l'assaut terrestre viserait le territoire des Mehsud, soit environ la moitié du Sud-Waziristan, où se trouveraient 10.000 insurgés locaux et environ 1.500 combattants étrangers, origine « l'encadrement, l'expertise et la formation ». L'armée tenterait de conclure des accords avec des chefs coutumiers et des commandants locaux opposés aux Mehsud. En dépit de relations parfois houleuses avec Islamabad, les Etats-Unis soutiennent l'intervention au Sud-Waziristan et comptent fournir du matériel facilitant la mobilité, les opérations de nuit et les frappes de précision, d'après un diplomate américain. L'armée pakistanaise demande aussi des équipements supplémentaires comme des hélicoptères Cobra ou du matériel de surveillance des communications téléphoniques par satellite. AP, R. I.