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Amin Zaoui : Ne pas connaître sa propre culture et renier celle de l'autre est un danger
Publié dans El Watan le 14 - 09 - 2012

– Vous citez dès la première page de votre roman une phrase d'Ibn Arabi autour de la tolérance religieuse. Une manière de nous introduire directement dans le vif du sujet ?
Je pense que notre rôle en tant qu'intellectuel, créateur et universitaire, est d'aller chercher le mal dans ses racines. Nous vivons une époque d'intolérance, et pour interroger cette intolérance, il faut aller plus loin dans l'histoire, le patrimoine, et aussi dans les noms phare de l'histoire, tant des musulmans que des autres, pour essayer d'analyser ce phénomène, à savoir comment nous en sommes arrivés à cette culture de la haine. Je crois que des érudits comme Ibn Arabi, l'Emir Abdelkader, Voltaire, Al Bastami ou Al Hallaj, des personnalités marginalisées par la culture arabo-musulmane de l'époque, avaient envoyé des signaux significatifs, parfois interdits par la culture du pouvoir. Je m'intéresse à ce sujet, pour réveiller les consciences et encourager à aller chercher dans notre patrimoine cette tolérance qui a toujours existé entre les religions juive, chrétienne et musulmane. Quand je lis l'histoire de Tolède, aux XIe et XIIe siècles, je me rends compte à quel point c'était une cité extraordinaire, multireligieuse, qui a abrité toutes les tendances. Quand on écrit un roman, il est important de ne pas aller seulement sur des concepts idéologiques et politiques, mais aller vers le savoir, la science, l'héritage et ses symboles.

– Reconnaissez-vous, à travers votre roman, que l'Algérie est multiconfessionnelle ?

Tout à fait. Je le dis et redis à haute voix : l'Algérie est un pays pluriel dans la religion, les langues, et a toujours été ainsi. Sans cette pluralité, sans cette diversité religieuse et linguistique, on ne peut pas avancer dans une Algérie moderne, celle de demain. Mon livre est un message dans ce sens. Le dernier juif de Tamentit est un personnage, qui après avoir constaté qu'il n'y avait plus de juifs dans le village, oscille entre deux religions, c'est-à-dire juive et musulmane. La communication entre les communautés a toujours existé, je le souligne. Pour exemple, la façon dont les gens de Ghardaïa et de la région des M'zab ont accueilli les juifs chassés de Tamentit.

– Aujourd'hui, les juifs d'Algérie ne sont pas reconnus par la société…

Malheureusement. Cela est dû à une absence de conscience de l'histoire de l'Algérie. On ne peut pas construire un avenir sans vraiment lire attentivement le passé. On ne peut se permettre de supprimer une partie de ce passé commun. Les juifs d'Algérie sont algériens. La Kahina était juive, c'est un grand symbole de notre histoire. Et au-delà de ses convictions religieuses, elle était algérienne.

– Pensez-vous que la société algérienne manque de tolérance ?

Se méfier de l'étranger est une réalité en Algérie, encouragée par le manque de contact, c'est-à-dire la présence physique de l'étranger. Il y a des Algériens qui ignorent qu'être chrétien en Algérie, c'est aussi être algérien. Il faut reconstruire cette génération avec l'idée de pluralité autour d'elle. C'est par la culture et la liberté que nous arriverons à nous parler sincèrement.
Le dernier juif de Tamentit s'articule autour de plusieurs chapitres, donnant la voix à Barkhahoum, puis à Abraham. Le «je» du narrateur s'est multiplié.
En écrivant un roman, on y plonge. On n'est pas tout-à-fait conscient de la structure, tout vient spontanément. Ceci dit, mon roman emprunte au patrimoine la tradition orale, puisqu'il donne la parole à des personnages dont le dialogue se fond dans la trame. C'est ce qu'on appelle une polyphonie, qui vient de la culture de l'oralité. J'avoue qu'en écrivant, la présence de ma mère est omniprésente, c'était une grande conteuse qui m'a sans doute transmis sa force de narration.

– Derrière ces questionnements, il y a cette invitation au dialogue… entre les religions ?

Totalement. Le message intellectuel de ce roman est que chaque voix annonce une couleur de religion, une appartenance, une référence d'une culture, d'une histoire, des ancêtres. Mon roman n'est pas une histoire du passé, il trouve son cadre dans les quartiers d'Hydra, où les personnages discutent, s'épanouissent et vivent normalement leur vie sans contraintes. Abraham ne pouvait pas faire l'amour avec autant de plaisir et de délire si il n'avait pas fait la paix avec le passé. C'est la même chose pour Barkhaoum.

– Tout au long du roman, les scènes érotiques cohabitent avec une réalité algérienne. Quel est le message que vous adressez au lecteur algérien ?

Mes romans précédents, tels que Festin de mensonges ou La chambre de la vierge impure ont connu un vif intérêt de la part des lecteurs. J'avoue que j'ai été très surpris de voir cet engouement, même à l'intérieur du pays. J'ai relevé que mon lectorat était jeune composé, notamment, d'étudiants. Les gens qui me lisent connaissent mon style, le lecteur algérien est un lecteur courageux. Quand il a confiance en un écrivain ou un texte, il l'adopte, sans tabous. Le tabou est plus présent dans la tête de l'écrivain, que dans celle d'un lecteur, qui se donne la peine de lire un livre.

– Traiter de la sexualité rapproche-t-il de «l'éducation sentimentale» ?

A mon sens, un écrivain n'a pas uniquement la fonction d'écrire un beau texte, car au-delà de la littérature, il a un rôle sociologique à jouer, notamment dans la construction du lecteur. Du moins le lecteur qui aime critiquer, casser, se regarder dans le mémoire, et qui n'a pas peur de lui-même. C'est une littérature de l'éducation et de la pédagogie enveloppée dans le beau.

– Certains soutiennent que vos romans sont «pornographiques»…

Ceux qui le prétendent n'ont jamais lu Amin Zaoui. Bien sûr, les moralistes et les conservateurs n'aiment pas mes livres. Je n'écris pas pour eux mais pour la modernité et pour un lecteur qui se veut libre. Je crois que la littérature est la sœur jumelle de la liberté. Les auteurs qui ont des commissariats ou des mosquées dans leurs têtes, ne peuvent produire un texte libre où le lecteur se retrouve.

– Une liberté qu'on retrouve dans le couple du Dernier juif de Tamentit ?

Le couple Barkahoum et Abraham est libre. C'est le modèle type du couple algérien. Qui ne rêverait pas d'avoir une petite amie comme Barkahoum ? Même chose pour Abraham, c'est une fusion charnelle, sentimentale. Ils parlent de la philosophie, de la mort, d'histoire et de culture, en même temps le corps est là.
Il y a une relation très intrigante dans votre roman, celle de Lala Zhour et de Barkhaoum. Vous démontrez clairement que l'esclavage est une réalité historique.
A travers ce rapport choquant et déchirant entre les deux personnages, j'ai voulu souligner que nous n'en avions pas fini avec ces traditions dans le monde arabo-musulman. Pour exemple, en Mauritanie, au Yémen, ou en Arabie Saoudite, pour ne citer qu'eux, l'esclavagisme est une réalité. Ce qui se passe en Egypte, autour de l'excision est également une forme abjecte de l'esclavage. Le corps est mutilé, donc prisonnier et privé de son humanité. L'histoire de ses deux femmes, est d'alerter le public sur cette plaie que nous traînons depuis des siècles. La liberté de la femme passe avant tout par la liberté de son corps, de son esprit, de ses actions, de son indépendance économique.

– Les derniers événements à Benghazi illustrent-ils ce rejet ?

Bien sûr. Si nous avions produit nos propres films sur le Prophète de l'islam, sur la civilisation musulmane, l'autre ne rejetterait pas autant ce que nous sommes. On ne parle jamais de la vie du prophète Mohamed, ni de ses relations avec son entourage, ses voisins, etc. La religion est devenu un tabou, ne pas connaître sa propre culture et renier celle de l'autre, est un danger.

– Vous parlez de «guerres cruelles» et des moyens d'y faire face. Est-ce réalisable dans une époque où les conflits interreligieux sont récurrents ?

Les guerres religieuses ont détruit l'humanisme, l'amitié entre les peuples et les cultures. Elles ont freiné l'évolution de l'humanité. Dans Le dernier juif de Tamentit, j'ai essayé de condamner ces guerres, tout en soulignant que seuls peuvent répondre à ces guerres la musique, le savoir et l'amour. Le dialogue se fait en partageant ces principes. Les guerres entre religions encouragent la culture de la haine. Le 11 Septembre symbolise très bien ce phénomène. Les religions n'existent pas pour faire la guerre mais pour transmettre un message d'amour.


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