La cité de Diar Echems (les maisons du soleil), située à la sortie d'El Madania (ex-Clos Salembier à Alger), a été hier le théâtre d'incessants affrontements entre jeunes habitants et forces antiémeute. Dépités par la non-prise en charge par les pouvoirs publics de leurs revendications liées au relogement, les jeunes, moins jeunes et même des vieux se sont révoltés pour exprimer leur ras-le-bol d'une situation sociale qui perdure depuis plusieurs années sans que les pouvoirs publics ne bougent le petit doigt. Selon la version des émeutiers, une dizaine de familles habitant des baraquements ont été transférées vers des habitations décentes. Quant aux baraquements, ils ont été occupés par une dizaine de jeunes filles aux mœurs légères, selon la version de certains habitants. De quelle manière ces filles ont-elles pu occuper ces logis ? Et qui les a autorisées ?, s'interrogent les habitants. Quoi qu'il en soit, il va sans dire que les émeutiers ne nous ont pas facilité la tâche afin de transmettre leurs doléances aux plus hautes autorités du pays du moment que rares étaient les journalistes à pouvoir accéder à la cité et faire face à la déferlante des projectiles. Hier, les entrées principales à Diar Echems, quartier populaire où (sur)vivent plus de 1500 familles, ont été prises d'assaut par les émeutiers munis de barres de fer et de projectiles. Les agitateurs ont dressé des barricades, bloquant l'accès à leur cité. C'est l'intervention des forces antiémeute, quelques minutes plus tard, qui a mis le feu aux poudres. En effet, du côté sud de cette « favela », où nous avons pu nous « approcher » vers 15h, les affrontements entre jeunes et forces de l'ordre se poursuivaient toujours. Des jeunes, dont l'âge varie entre 15 et 25 ans, faisaient face aux forces de police. Torses nus, visages cachés avec un t-shirt, munis de barres de fer, ils bravaient le danger et lançaient leurs projectiles sans la moindre peur. Une benne à ordures avait même été incendiée comme pour exprimer leur ras-le-bol. Un peu plus loin, perchés sur une colline faisant face au siège de l'Eepad, d'autres jeunes lançaient des pierres, bouteilles en verre et toutes sortes de projectiles. Des slogans hostiles au pouvoir étaient scandés, comme « Diar Echems Echouhada » ou des slogans de l'époque où le FIS dissous régnait sur les mosquée et les places publiques. Nous apprendrons par la suite que le principal instigateur des jeunes a été appréhendé par des policiers en civil. Il s'agit d'un barbu de 35 ans qui incitait les jeunes à scander « Alayha nahya oua alayha namout », selon un témoignage. D'autres encore, adossés au grand mur de soutènement de leur cité, côté sud, suivent ces émeutes avec intérêt. Ils sont là pour apporter leur soutien aux émeutiers en cas de besoin alors que, en contrebas, les routes sont bouclées suite aux tirs de projectiles incessants qui ont provoqué des dégâts matériels, des blessés parmi la corporation et les forces de l'ordre et un climat de tension très « électrique ». Même les femmes n'ont pas été en reste. Certaines depuis leurs balcons et leurs fenêtres ont soutenu d'une manière active leurs enfants puisqu'elles ont lancé des projectiles, des bouteilles en verre et des jerricans en direction des forces antiémeute présentes en nombre important. Vers 16h30, pas moins de quatre émeutiers furent appréhendés grâce à « Azrayen », le camion blindé avec son redoutable jet d'eau qui venait de franchir la « ligne » des émeutiers. Aussitôt, ces « rebelles » sont remis aux policiers en civil qui se chargeront de leur transfert vers le poste de police. Les émeutes, après quelques minutes d'accalmie, reprendront de plus belle de telle manière que des jeunots lançaient pierres et projectiles à moins de dix mètres des forces antiémeute derrière leurs boucliers et les abribus complètement détruits. Les travailleurs qui sortaient de leur « boulot » n'ont pas été épargnés par ces scènes. Ceux ou celles qui voulaient regagner l'autre rive étaient assaillis de jets de projectiles. Les jeunes ne faisaient aucune distinction quant au « civil » et aux forces antiémeute. Quoi qu'il en soit, nous apprenons, à l'heure où nous mettons sous presse, que les émeutes ont repris de plus belle après l'échec des négociations avec l'émissaire de la DGSN qui aurait reçu des projectiles en pleins pourparlers. Des émeutes similaires auraient éclaté, en début de soirée, à la carrière Jaubert ( Bab El Oued). Selon un bilan provisoire que nous avons pu nous procurer, 35 émeutiers ont été appréhendés alors qu'on dénombre 3 blessés, dont 1 policier et 2 photographes de presse. Notons enfin que l'équipe de Reuters a été empêchée d'accomplir son devoir d'information.