C'est ce que révèlent les documents exclusifs publiés cette semaine par le site français d'enquête et de data-journalisme, OWNI*. «En marge des affrontements avec le FLN dans les années 1960, les Algériens français étaient confrontés aux violences et humiliations de la police», explique le site qui a compilé plusieurs notes administratives de la police française. «L'année 1961 est un tournant : le nombre de victimes policières des attentats du FLN est multiplié par trois. Entre les partisans du FLN et le préfet, le ton se durcit. La guerre qu'il livre au groupe s'étend à tous les ressortissants de l'Algérie française. Et la communauté algérienne, logeant principalement dans des bidonvilles de Paris et ses environs, est alors la cible de la police», lit-on dans OWNI qui publie le témoignage de Gérard Monate, adjoint de François Rouve, secrétaire général du Syndicat général de la police (SGP) : «Les policiers ont acquis le sentiment d'être abandonnés par la justice et le pouvoir politique. L'idée de régler ses comptes soi-même s'inscrivit dans les esprits et allait jusqu'à conduire à des dérives dramatiques, d'autant que la hiérarchie grande et moins grande ne faisait rien pour calmer ce climat, bien au contraire. […] On vit alors s'installer et s'amplifier le racket : tout argent trouvé sur un Algérien était ‘confisqué' ; le matraquage dans toutes les interpellations ; […] les brimades stupides : par exemple, le renversement des gamelles sur la chaussée des ouvriers algériens interpellés.» Ces dépassements et humiliations ont été passés sous silence par la hiérarchie de la police. Le préfet de Paris, Maurice Papon, condamné en 1998 pour complicité de crimes contre l'humanité pour son rôle joué dans la déportation des juifs durant la Seconde Guerre mondiale, va même encourager une plus grande répression contre les Algériens. «Les notes de service échangées entre les différents acteurs de l'époque indiquent qu'il était favorable à une bataille des forces de l'ordre contre les membres du FLN ou de simples Français musulmans.» Et lors de l'enterrement d'un des policiers tué en service en septembre 1961, Papon lancera : «Pour un coup reçu nous en rendrons dix.» «Les Français musulmans d'Algérie – nommés le plus souvent FMA par la police – ont été persécutés par les forces de l'ordre, et ce, bien avant le couvre-feu instauré pour tous les Algériens par Maurice Papon. Parmi les plaintes, figure celle déposée en juin 1961. Deux hommes accusent les policiers d'avoir essayé de les tuer en les arrosant d'essence et le troisième dénonce un tabassage en règle. De façon détaillée. Tous les trois sont âgés d'une trentaine d'années.» Mais la police refuse de donner suite à la plainte (publié par OWNI) et se contente de cette observation : «La raison se refuse d'admettre que des gardiens de la paix français, en uniforme, se soient livrés sur la voie publique à de tels actes.» C'est presque mot à mot ce qu'on a entendu hier chez l'UMP (droite) en s'opposant à la reconnaissance de François Hollande des massacres d'Octobre 1961 ! OWNI cite encore une autre plainte, celle de Berkani Ramdane qui dépose plainte pour coups et blessures suite à des violences policières les 18 septembre et 18 octobre. «Pour toute réponse, le 5 octobre Maurice Papon déclare le couvre-feu obligatoire pour les Français musulmans», conclut l'article d'OWNI. *OWNI est partenaire d'El Watan pour le musée numérique «Mémoires d'Algérie» (www.memoires-algerie.org)