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L'hydre à sept têtes(*)

L'un des plus nuisibles qui s'y effectue est sans doute le blanchiment et le transfert à l'étranger de l'argent mal acquis. Il s'agit de l'argent provenant du commerce de la drogue, de la contrebande qui est prospère dans toutes nos zones frontalières et qui porte sur une multitude de produits dont certains sont importés (payés avec des devises) et soutenus. Il s'agit également de l'argent provenant de la spéculation et de la corruption. En plus de ces opérations traitées par les nationaux, il y a celles effectuées par les étrangers, des hommes d'affaires exerçant différentes activités et même des opérateurs agissant d'une manière illégale (en creusant par exemple clandestinement des puits).
Fuite des capitaux et évasion fiscale
La fuite des capitaux ne concerne pas uniquement l'argent mal acquis. Beaucoup de citoyens, pour des raisons diverses, utilisent malheureusement le marché parallèle pour faire sortir leurs avoirs. Ce sont sans doute des sommes considérables qui transitent finalement par ce marché. Les révélations faites par la police et les journaux espagnols donnent une indication sur l'importance des fonds exportés seulement en Espagne. Comme la fuite des capitaux, qui se sert de ce canal, se fait vers de nombreux autres pays, il n'est pas exagéré de parler de «sommes considérables». Bien ou mal acquis, cet argent n'est pas dépensé en Algérie, ne profite pas par conséquent à son économie et échappe à l'impôt, alors que le budget de l'Etat a besoin d'accroître les ressources de la fiscalité ordinaire pour réduire sa dépendance vis-à-vis de la fiscalité pétrolière. En outre, le marché parallèle fournit les moyens à beaucoup de ceux qui vendent les produits importés d'une manière informelle, d'exercer leurs activités, lesquelles s'ajoutent aux autres pratiques, qui contribuent à désorganiser davantage le commerce. Tout ce qui est informel est en relation avec ce marché.
Comment est alimenté le marché ?
Il semble qu'une partie appréciable des devises offertes sur le marché parallèle provienne des surfacturations. Les importateurs qui recourent à ce procédé obtiennent en plus des prix à payer aux fournisseurs un supplément de devises acquis au cours officiel et écoulé ensuite totalement ou en partie au marché parallèle à un cours permettant de réaliser des profits de l'ordre de 50% environ. C'est là un commerce extrêmement fructueux. L'alimentation du marché parallèle en devises serait ainsi assurée en partie par des prélèvements sur les réserves de change. La surfacturation est devenue d'ailleurs un exercice très facile pour les importateurs, qui ont constitué à l'étranger des entreprises qui leur servent de relais. Ces entreprises s'approvisionnent sur place et exportent vers l'Algérie les marchandises dont elles surévaluent le prix, ce qui leur permet d'obtenir des devises au cours officiel et d'effectuer ainsi des fuites de capitaux à bon compte. Comme indiqué plus haut, une partie des capitaux transférés frauduleusement à l'étranger retournerait en Algérie pour être écoulée sur le marché parallèle. La hausse vertigineuse des importations, qui sont passées de 20,68 milliards de dollars en 2006 à 45 milliards de dollars en 2011, serait due à ces surfacturations. Ni l'augmentation des quantités ni celle des prix ne justifieraient une hausse qui a plus que doublé les importations en l'espace de 5 ans.
L'accroissement d'une année à l'autre dépasse parfois 10 milliards de dollars, ce qui représente et excède même le montant des importations d'une année entière durant les décennies 1980 et 1990. Récemment, la SFI, filiale de la Banque mondiale, a indiqué que le coût des importations en Algérie est supérieur de 50% à celui des pays voisins. Cette fuite à grande échelle des capitaux est intervenue à la suite des dépenses énormes engagées par l'Etat dans le cadre du financement des projets d'infrastructures économiques et sociales et dans le cadre de l'augmentation des salaires et des subventions. Pour essayer de contenir ce phénomène, une action concertée des services du ministère du Commerce, de la Douane, des banques commerciales et de la Banque centrale est nécessaire. En plus de ces capitaux provenant des surfacturations, le marché parallèle est alimenté par les émigrés, les retraités qui reçoivent leur pension de l'étranger, les visiteurs étrangers, les employées de certaines ambassades, etc. Cet argent, qui aurait dû servir à augmenter les réserves de change, sert ainsi à enrichir les trafiquants. Le préjudice subi par notre pays, du fait de l'existence du marché parallèle des devises, est considérable. Outre le manque à gagner en devises, une partie des réserves de change obtenues grâce à l'exportation des hydrocarbures est détournée pour alimenter ce marché, lequel satisfait de la sorte les demandes de devises exprimées le plus souvent par tous ceux qui exercent des activités nuisibles. L'aisance avec laquelle ces trafiquants peuvent changer l'argent mal acquis et le transférer à l'étranger les encourage à persévérer et à développer leurs activités malfaisantes.
Le marché parallèle répond aussi, bien sûr, aux demandes des citoyens, qui n'ont rien à voir avec les trafiquants, mais qui veulent avoir des devises en vue de se rendre à l'étranger pour se soigner, étudier, visiter des parents, faire du tourisme ou régler un problème. Ces besoins auraient pu être satisfaits sans recourir au trafic si on avait procédé à un assouplissement du contrôle des changes. L'incohérence qui caractérise la gestion de certains secteurs fait qu'un importateur autorisé, mais sans scrupule, peut obtenir, en passant par une banque, le montant de devises qu'il veut pour importer de la pacotille, des produits de contrefaçon ou provenant de stocks périmés ou invendus et procéder à des fuites de capitaux. Par contre, elle rend difficile, sinon impossible, la satisfaction d'une manière régulière des besoins en devises d'un malade qui ne peut être soigné qu'à l'étranger et elle ne permet pas à un retraité algérien ayant sa pension de retraite en Algérie, mais vivant à l'étranger, de transférer cette pension.
Évolution du marché parallèle
Durant les premières années de l'indépendance, le marché parallèle des devises n'existait pas. C'est probablement après le décrochage, en 1969, du dinar par rapport au franc français, lequel avait fait l'objet en août de cette même année d'une dévaluation de 11,1% que les choses avaient changé. Notre émigration, estimant que le nouveau taux de change du franc français par rapport au dinar (1 FF = 0,86 dinar) la lésait, avait cessé de changer ses avoirs en devises d'une manière régulière auprès des banques et avait préféré les vendre sur le marché parallèle. Cela avait été facilité par l'existence d'une demande devenant de plus en plus forte, du fait des restrictions du contrôle des changes et par la multiplication des pénuries. Ces pénuries et le chômage des jeunes avaient conduit les pouvoirs publics à tolérer le «trabendisme» et à autoriser même «les importations sans payement», c'est-à-dire sans recourir d'une manière régulière aux devises fournies par les banques mais en utilisant le marché parallèle ou, cas plus rares, des comptes en devises ouverts à l'étranger. Ces mesures avaient accru la demande sur le marché parallèle et contribué à son développement.
Paradoxalement, les interdictions et les sanctions sévères à l'encontre de ceux qui y effectuaient des transactions étaient maintenues en vigueur. Il est à noter toutefois que ce marché était resté limité pendant toute cette période et n'avait pas enregistré l'ampleur qu'il connaît à l'heure actuelle. On pensait que la suppression des monopoles et la libéralisation progressive du commerce extérieur à partir de 1990 allait mettre fin aux pratiques irrégulières relatives aux devises. En fait, cette libéralisation, qui s'est faite sans mettre en place les garde-fous nécessaires, a dégagé la voie certes à des importateurs honnêtes, mais également à toute une faune d'affairistes sans scrupule qui se sont mis à exercer et à multiplier les activités frauduleuses. Des importations sont effectuées au nom de personnes décédées, parfois imaginaires, des femmes au foyer ou des personnes qui disparaissent sans laisser de traces, et ce, du fait de la complicité ou de la carence des services concernés. Toutes ces opérations se traduisent par le non-paiement des droits de douane et des concours accordés par les banques. La facilité avec laquelle des containers chargés de toutes sortes de marchandises, y compris des marchandises prohibées, sont introduits dans le pays sans passer par les banques et la douane, a multiplié le recours au marché parallèle des devises.
D'autre part, l'aisance financière obtenue à la suite de la hausse du prix du pétrole a permis à l'Etat et à ses démembrements de dépenser d'une manière démesurée, souvent sans contrôle sérieux. Les sommes d'argent énormes déversées de la sorte dans l'économie ont favorisé la spéculation, la corruption et ont permis à certains d'amasser des fortunes colossales qu'ils cherchent à mettre à l'extérieur en se servant du marché parallèle. L'attrait de l'étranger est dû à l'absence de confiance dans les institutions et la politique du pays, le manque d'opportunités d'investissement productif, de conditions d'accueil et de soins abordables et satisfaisantes, etc. Cette situation fait que les gens fortunés cherchent à dépenser, ou à investir, l'argent mal ou bien acquis dans d'autres pays que le leur, considérant à tort ou à raison, et le plus souvent à tort, que ces pays sont plus sûrs, plus ouverts, plus accueillants. Ce qui est certain, c'est que les sommes traitées sur ce marché sont considérables, comme cela a été mentionné. Il semble que quel que soit le montant en dinars qu'on veut changer dans une des devises recherchées, on réussit toujours à le faire. Le marché parallèle des devises est donc un marché prospère qui s'est implanté dans les principales villes du pays, et du fait qu'il est spéculatif comme la plupart des marchés des autres produits, l'équilibre entre la demande et l'offre se réalise toujours par la hausse du taux de change.
Y a-t-il des solutions à ce problème ?
La seule existence du marché parallèle des devises constitue une atteinte à l'autorité de l'Etat et contribue ainsi à le déconsidérer aux yeux des nationaux et des étrangers. Il faut tenir compte en plus des dommages considérables qu'il fait subir à l'économie et à la société également en étendant les trafics et en accentuant la dégradation des mœurs. C'est pourquoi les pouvoirs publics devraient réagir, pour essayer de trouver une ou des solutions à ce problème. A cet effet, il vaut mieux chercher d'abord par mieux le connaître, en cerner les différents contours et savoir quelle est l'ampleur de ce marché, quels sont les principaux fournisseurs de devises et ceux qui sont derrière les «dealers» qui opèrent dans les places publiques et les rues, quels sont les principaux auteurs des demandes de devises, quels sont les circuits utilisés aussi bien pour l'alimentation du marché que pour les sorties de devises, etc ? Ce sont là autant de questions auxquelles il faut s'attacher à trouver des réponses. Etant donné que le secret entoure les transactions les plus importantes, il ne sera pas facile d'obtenir toutes les informations voulues.
Mais, s'il y a une coordination et une coopération réelle entre les services concernés, les investigations donneront probablement des résultats. D'autre part, pour combattre le phénomène, il faut une volonté ferme et un engagement à cet effet de toutes les autorités concernées. Il ne s'agit pas de recourir uniquement à des mesures répressives pour mettre fin au marché parallèle des devises, mesures qui risquent de rester sans effet. Ce marché est déjà interdit et les sanctions prévues par les textes législatifs et réglementaires, qui sont toujours en vigueur, sont très sévères. Mais cela n'a pas empêché le marché parallèle de continuer à fonctionner et à se renforcer. Le problème que pose le marché des devises est en fait extrêmement complexe, étant donné, d'une part, la multiplicité et la diversité des motivations qui font agir les intervenants, et d'autre part, l'ampleur qu'il a prise.
Sa solution ne sera pas facile ; elle ne peut se limiter à la mise en place de quelques mesures techniques, telles que l'adoption d'un taux de change approprié, l'ouverture de bureaux de change et le renforcement du contrôle…, mais nécessitera un travail de longue haleine, qui essaiera de s'attaquer aux différentes causes du phénomène. Une série d'actions devront être engagées dans des domaines qui n'ont pas connu malheureusement jusqu'à présent d'évolution ou de changement notables. Il faudrait commencer par combattre la corruption, non pas en recourant seulement à des mesures répressives, mais en procédant également à l'assainissement et au renforcement, par des éléments intègres, des institutions et des administrations en rapport directement ou indirectement avec le fonctionnement du marché parallèle des devises. 
Il conviendrait en même temps de simplifier les procédures administratives, réduire la bureaucratie et accélérer l'informatisation des services. D'un autre côté, certains des détenteurs d'argent qui, à l'heure actuelle se servent du marché pour le transférer à l'étranger, changeraient d'attitude s'ils trouvaient des opportunités pour l'investir ou le consommer en Algérie. Tout le monde n'a pas l'esprit d'entreprise. C'est pourquoi il serait utile que les pouvoirs publics effectuent des études de faisabilité de projets rentables qui seraient soumis au public, dans le cadre de sociétés par actions par exemple, lesquelles seraient chargées de les réaliser et de les gérer. De telles formules ont réussi dans les pays du Golfe et en Chine, notamment. Par ailleurs, des centaines de milliers d'Algériens vont passer chaque année leurs vacances à l'étranger. Beaucoup d'entre eux préféreraient rester en Algérie où existent des sites magnifiques, si les nombreux projets dont faisaient état les ministres qui se sont succédé à la tête du ministère du Tourisme voyaient le jour, tout en présentant des conditions satisfaisantes en matière d'accueil et de prix. De telles actions limiteraient certainement le recours au marché parallèle.
D'autre part, les restrictions imposées par le contrôle des changes avaient leur raison d'être tant que notre pays était obligé de recourir à l'endettement extérieur pour pouvoir importer les produits dont il avait besoin. Telles quelles, certaines de ces restrictions ne se justifient plus, étant donné le niveau atteint actuellement par les réserves de change qui dépassent les 186 milliards de dollars. Il est temps, par conséquent, d'envisager une révision de certaines dispositions du contrôle des changes en vue de répondre de façon réaliste, mais contrôlée, à des besoins plus ou moins justifiés en devises exprimés par les citoyens. Il ne s'agit pas de faire des largesses à partir des réserves de change, dont la gestion implique de la rigueur et l'utilisation se faire toujours à bon escient, mais de satisfaire des besoins dans le but également de réduire le recours au marché parallèle des devises, ce qui va dans le sens des intentions des pouvoirs publics de mettre fin à ce marché. Quant à l'ouverture de bureaux de change, cette solution ne constitue pas à elle seule la solution, bien que les textes les régissant aient été aménagés. De toute façon, il sera difficile de l'envisager, tant que le problème des opérations à effectuer par ces bureaux et celui du taux de change à appliquer ne sont pas résolus.
S'ils sont appelés à traiter seulement les opérations autorisées en y incluant celles résultant d'un assouplissement éventuel du contrôle des changes, leur activité sera très réduite et l'augmentation de leur commission ne sera pas suffisante pour les inciter à démarrer. De même, s'ils doivent appliquer le taux de change officiel, ils seront confrontés à la même situation. Les détenteurs de devises ne s'adresseront pas à eux pour les échanger. Ils iront plutôt au marché parallèle pour obtenir un meilleur taux, marché qui continuera donc à exister. Par ailleurs, l'alignement du taux officiel sur le taux de change du marché ne produira que des effets catastrophiques, comme ceux qu'a connus le pays dans les années 1990, à la suite des dévaluations du dinar. Il n'offrira pas l'avantage de la compétitivité, comme l'expérience l'a montré puisqu'il n'y a pas, en-dehors des hydrocarbures suffisamment d'autres produits à exporter. La mesure ne supprimera pas pour autant le marché parallèle, lequel continuera à exister du fait des demandes de devises de tous ceux qui veulent transférer leur argent à l'étranger et dont les opérations ne relèvent pas de celles qui sont autorisées et qui peuvent être effectuées régulièrement. Pour faire disparaître le marché parallèle des devises, il faut, me semble-t-il, commencer par encadrer toutes les transactions qui s'y déroulent et agir par la suite d'une manière progressive en vue d'y mettre fin.
Les bureaux de change, s'ils sont installés, mèneront leurs opérations en deux phases. Dans un premier stade, ils prendront en charge toutes les transactions qui sont traitées à l'heure actuelle sur le marché parallèle aux mêmes conditions que celles qui sont en vigueur, en y ajoutant cependant le prélèvement d'une taxe en faveur du Trésor. Les offres et les demandes de devises se feront librement sans interférence de la Banque centrale. Pour les pouvoirs publics, c'est là une décision délicate qui n'est pas facile à prendre. Le premier obstacle est que l'ordonnance n° 03-11du 26 août 2003 relative à la monnaie et le crédit précise dans sont article 127 que «le taux de change du dinar ne peut être multiple». En réalité, nous en avons deux, le taux de change officiel et le taux de change du marché parallèle. Il faut donc se résigner à accepter cette réalité. Mais l'application autorisée de deux taux de change ne peut se faire qu'avec l'accord du Fonds monétaire international (FMI), qui nous a proposé en 1987, si mes souvenirs sont exacts, de pratiquer un double taux de change pour une période déterminée. La proposition a été soumise par mes soins aux autorités, lesquelles ne lui ont donné aucune suite. Il me semble que si le FMI était saisi en lui expliquant que la mise en place d'un double taux de change sera temporaire, et vise à lutter contre le marché parallèle de devises, il ne formulera pas d'objection.
L'autre obstacle est de taille aussi, puisqu'il faut autoriser des opérations qui ont toujours été considérées comme frauduleuses. Elles seront effectuées durant une période limitée par les bureaux de change qui aideront de la sorte à mieux connaître le marché parallèle en vue d'agir ensuite d'une manière plus efficace pour le supprimer. La tendance à la fraude étant très répandue, il convient, après la première phase, durant laquelle les transactions auront été libres, de mettre en place, lors de la seconde phase, une réglementation relative au fonctionnement des bureaux de change très stricte et de les soumettre à un contrôle rigoureux. En outre, ils devront utiliser un programme informatique permettant d'enregistrer quotidiennement toutes les opérations effectuées, ventes ou achats de devises, en précisant les noms des bénéficiaires, les montants, les taux de change, les commissions et les taxes. Les banques commerciales publiques devront être les premières à créer des bureaux de change qui seront des bureaux témoins. Et, au lieu d'agréer un grand nombre de bureaux de change qu'il sera difficile de contrôler, alors qu'ils vont opérer dans un domaine favorable aux fraudes, il est préférable de constituer, sous l'égide des autorités concernées, deux ou trois réseaux sous forme de sociétés par actions qui pourront être mieux suivis. Chaque réseau sera rattaché à une banque commerciale publique à qui il rend compte de ses activités et avec laquelle il négoce les cessions et les achats de devises.
Les opérations à traiter par les bureaux de change comprendront les opérations permises à l'heure actuelle et celles qu'on envisage d'autoriser. A cet égard, les nouvelles opérations devront se traduire par l'attribution d'un montant suffisant de devises pour satisfaire effectivement les besoins des citoyens et les emmener à se détourner du marché parallèle. Durant cette seconde phase, la Banque centrale aura un rôle important à jouer. Il consistera à superviser les opérations traitées par les bureaux de change et à intervenir pour faire baisser le taux de change pratiqué à l'heure actuelle sur le marché parallèle pour le rapprocher progressivement du taux officiel. A cet effet, la Banque centrale devra constituer un fonds en devises prélevé sur les réserves de change, lequel lui servira d'instrument pour agir sur le taux de change et le faire baisser pour être au même niveau que le taux officiel. A ceux qui seraient contre une telle mesure, il faut rappeler que les réserves de change alimentent déjà indirectement le marché parallèle du fait des surfacturations comme cela a été exposé plus haut. Les mesures proposées comportent certainement des inconvénients et des risques, elles sont cependant proposées parce qu'il me semble qu'il est nécessaire de recourir à des tentatives de solutions au lieu de continuer à adopter une attitude caractérisée par l'immobilisme et le laisser-faire.
Le double taux de change n'est pas recommandé en principe. Ces derniers temps, le Venezuela, après l'avoir adopté, a dû l'abandonner. Notre pays est devant une situation de fait qu'il s'agit de maintenir en la contrôlant pendant une période limitée tout en procédant progressivement à son élimination. Les interventions de la Banque centrale de son côté pourraient donner lieu à des dérapages et entretenir la fuite de capitaux. En tout état de cause, ces procédures restent insuffisantes pour lutter contre le marché parallèle des devises sachant qu'il est le produit des dysfonctionnements multiples dont souffre notre économie et de la dégradation des mœurs au niveau de notre société. A elle seule, la Banque centrale ne pourra pas le supprimer, quelles que soient les mesures prises par elle à cet effet. Il en est de même du ministère des Finances. Les mesures préconisées ne peuvent par conséquent donner de résultat que si elles sont accompagnées par une série d'actions à prendre par d'autres autorités que la Banque centrale et le ministère des Finances, ce qui a été déjà souligné.
Ces actions visent à combattre la contrebande, la corruption, les spéculations, d'un côté, et d'un autre côté, à améliorer le climat des affaires, à favoriser les investissements productifs, à offrir aux Algériens des possibilités d'investir et de consommer leur argent dans leur pays, au lieu de chercher à le transférer à l'étranger et à les aider à reprendre confiance dans leurs institutions. En fait, étant donné la grande complexité du problème, d'autres points de vue méritent d'être avancés, car la solution, ou les solutions, à y apporter impliquent l'alignement de plusieurs approches, en plus des propositions faites ci-dessus qui sont une simple tentative tendant à élargir le débat et à susciter des actions. C'est la raison pour laquelle il serait souhaitable de constituer deux commissions au niveau du ministère des Finances comprenant des représentants de toutes les autorités concernées par le marché parallèle des devises.
L'une d'elles sera chargée de mener des investigations pour mieux saisir les transactions qui s'y effectuent et mieux connaître les intervenants, l'autre aura pour tâche la détermination, à la lumière des résultats qui lui seront communiqués par la première, des mesures à prendre, en incluant éventuellement les propositions indiquées ci-dessus et les actions à engager ainsi que leur mise en application pour essayer de mettre fin à ce marché. Ce qui est important est que les pouvoirs publics ne se contentent pas de continuer à déclarer que le marché en question est interdit et qu'il faut l'éliminer ou de procéder à l'allègement de quelques unes des contraintes imposées par le contrôle des changes, mais qu'ils prennent en charge plutôt le problème dans sa globalité et mettent effectivement en œuvre tous les moyens pour tenter de le résoudre.
(*) Le titre de la présente contribution émane de la rédaction


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