En claquant la porte du parti de Bouguerra Soltani en compagnie de plusieurs militants, Abdelmadjid Menasra dément toute éventualité de réconciliation. Il parle du MSP comme d'un parti en voie de privatisation. Selon lui, Soltani travaille exclusivement pour ses intérêts personnels. Commençons par l'actualité assez chaude… Bouguerra Soltani est accusé par la justice suisse d'avoir commis des actes de torture en Algérie en 2005. Il aurait fui la Suisse la semaine dernière pour échapper à une confrontation avec le plaignant. Quel commentaire faites-vous de ces événements ? Même si maintenant je suis dans le Mouvement pour la prédication et le changement (MPC), je dirais que ce qui vient d'éclater déshonore gravement le parti MSP. Vrai ou pas, la torture ou tout autre acte de ce genre discrédite malheureusement le parti et ses militants. Actuellement, le parti est désormais cassé et toute personne respectueuse doit rester loin du MSP ! Vous avez affiché votre intention de maintenir le caractère associatif de votre mouvement, mais vous semblez également vouloir créer un parti politique… Nous nous sommes entendus, après une large consultation, de nous constituer en association. Nous déposerons prochainement, lors de cette rentrée sociale, le dossier pour l'agrément. La question de créer un parti politique n'est pas exclue, mais ce n'est toujours pas tranché. Et nous comptons entamer les démarches nécessaires au moment opportun. Notre priorité est de nous lancer d'abord dans ce mouvement associatif pour être près de notre société. Quel est le moment opportun, selon vous, pour vous engager dans des démarches partisanes ? Ce sera lorsque l'administration sera prête à accepter la création de nouvelles formations politiques. Actuellement, toutes les portes sont fermées devant toute naissance politique. En plus, je voudrais que l'idée soit sérieusement mûrie. Nous venons juste de sortir d'une crise au sein du parti, il nous faudrait alors une large consultation autour de l'idée d'un nouveau parti pour ne pas tomber dans les mêmes erreurs. Je réfléchis également à d'autres critères. Je veux que mon parti ne soit pas seulement un numéro supplémentaire sur la scène politique mais une formation qui donnera un plus pour la société. Actuellement, les partis sont entrés dans un cercle fermé en activant uniquement et exclusivement pour les échéances électorales ; celles-ci sont le seul lien entre les partis et les citoyens. Une situation désolante. Ce qui existe actuellement est seulement le multipartisme, mais nous n'assistons jamais à des actions multiculturelles. La société devient de plus en plus passive face à l'inexistence d'activité partisane. Votre parti sera-t-il dans l'opposition ? Quelle sera sa ligne politique ? Evidemment les constantes nationales et les principes fondamentaux de la démocratie seront défendus avec une base islamique. Opposition ou non, c'est le peuple qui décidera. Le parti va être à côté des citoyens qui sont actuellement les plus faibles. Par le passé, lors de la décennie noire, nous avons choisi d'être avec l'Etat qui était affaibli. Que reprochez- vous exactement à Bouguerra Soltani ? Lorsque la moitié du parti, dont la majorité sont les premiers fondateurs, claque la porte, cela ne devient plus une simple affaire. Ceux qui ont jeté l'éponge ont certainement des causes et des arguments fondés. Au MSP, il y a eu une grave dérive des principes de Cheikh Nahnah. Il s'agit bel et bien d'un parti qui commence malheureusement à être privatisé pour des fins personnelles. Le parti est dirigé par des intérêts personnels. Nous avons essayé de sauver cette formation, en vain. Tout était bloqué à la faveur du chef du parti. Personnellement et avec l'aide de quelques militants, nous avons tenté de sauver le parti et lorsque nous avons compris que tous nos efforts étaient vains, nous avons choisi de le leur laisser. Il était nécessaire de se retirer. Actuellement, 60% des éléments du MSP qui ne sont plus convaincus des principes du parti sont avec moi. Pensez-vous que vous pouvez trouver d'autres alternatives pour vous réconcilier ? A l'unanimité, nous avons pris notre décision. Nous ne ferons pas marche arrière. Nous sommes arrivés à un stade de non-retour. Il n'y a aucune chance de réconciliation. Vous reprochez aussi au président du MSP ses accointances avec le pouvoir… C'est lui-même qui a choisi de se mettre du côté du pouvoir, il n'a pas été acheté. Au début, lorsque nous sommes entrés au sein de l'Alliance présidentielle, l'important était de garder notre spécificité. Mais c'est le contraire qui s'est produit. Le MSP s'est fondu dans l'Alliance. Avec le temps, le parti ne prenait plus de décision et tout ce qui était décidé se faisait en fonction de l'Alliance. Nous avons donc constaté que le parti a perdu son indépendance et sa spécificité. Ce n'était pas ce que nous avions convenu au départ. Bouguerra fait tout pour plaire au pouvoir et défend ses intérêts personnels. Pourquoi n'avez-vous pas essayé de prendre la direction du parti ? Lors du quatrième congrès, en avril 2008, aucun congressiste n'a pu intervenir. Le congrès a été pris en otage et l'idée de maintenir le même président nous a été imposée. Aucun dossier n'a été débattu par les 1400 congressistes et le rapport général n'a jamais été établi, distribué ou encore moins adopté. Et toute cette situation est due au comportement de Soltani. De ce fait, je me suis retiré de la candidature à la présidence du parti. C'est à partir de cette situation que la politique de marginalisation a commencé, des sanctions sont tombées sur tous ceux qui m'ont rejoint. Vingt-quatre heures après la conférence de presse qui a sanctionné les travaux du congrès, Soltani n'a pas hésité à nous tirer dessus. A cette période, les suspensions des postes obtenus au nom du parti ont été retirées pour placer le groupe du président du parti à l'APN, au Conseil de la nation et au niveau des Collectivités locales. D'autres sanctions sont tombées sur ceux occupant les postes au sein du parti et même au sein de l'association d'Islah et d'El Irched. Cette dernière reste encore paralysée à cause de la crise du parti. Quel rapport entreteniez-vous avec Mahfoud Nahnah ? Je l'ai connu quand j'avais 18 ans alors que j'étais encore étudiant. J'étais très proche de lui à cette époque, lorsque la scène politique était encore vierge. Soltani n'était pas aussi proche de lui, par contre moi j'étais membre du bureau national. Vous étiez parmi les défenseurs de la dawla islamiya (Etat islamique). Tenez-vous encore à cet objectif ? J'appliquerai la Constitution algérienne qui stipule clairement que l'Islam est la religion de l'Etat. Il ne faut donc pas s'alarmer et imaginer que lorsque nous parlons d'une dawla islamiya nous sommes en train de parler de Kaboul. Nous sommes déjà dans un Etat islamique qui n'applique pas la totalité des règles religieuses. Cette dawla sera sans doute liée aux principes de la République et de la citoyenneté. C'est son appellation qui fait peur à certains. La dawla islamiya telle que je l'imagine respectera les droits de l'homme et ceux de la femme. Pensez-vous que l'islamisme modéré a encore sa place dans notre société ? Quel avenir voyez-vous pour l'islamisme politique ? Si les partis échouent dans leur programme et leur objectif à cause de leurs erreurs, l'Islam ne tombe jamais dans l'échec. Jamais la religion n'a été un échec. Les partis islamistes tombent dans l'échec en privilégiant le pouvoir. Le peuple gardera, en dépit de tout, son appartenance à l'islamisme. Je vous donne l'exemple du parti dissous. Après tout ce qui s'est passé suite aux erreurs de ses dirigeants, le peuple n'a pas changé d'avis par rapport à l'islamisme. Bio express : Né en 1964 à Batna, il obtient son ingéniorat en mécanique en 1987 à Boumerdès. Après avoir tenté une expérience en enseignement universitaire, il devient directeur du journal hebdomadaire partisan El Nabaa en 1992. En 1994, il est membre et vice-président du CNT. En 1997, il devient ministre de l'Industrie puis député du MSP depuis 2002 à ce jour. Il est également président du Forum international des parlementaires musulmans depuis 2007.