Dans quelques instants, ni le temps ni l'espace ne pourront rien devant mon infinité… Vous me trouverez à chacune de vos escales pour vous insuffler mon souffle inépuisable. Mon amour taillé dans l'immensité te sera plus présent que le lever du soleil, plus vrai que tes certitudes livresques, plus juste que ton humanisme palpitant. Mon amour se fera le chevalier obéissant des plus intrépides de tes rêves. J'écrase mon individualisme pour me semer dans l'éternité et faire de ton amour une promesse à jamais ». Ce sont les mots de Hamama, personnage poignant du roman, quelques instants avant de se défenestrer. Cette lettre posthume, comme l'est le livre, traverse le récit comme un éclair foudroyant. Inachevé mais bouleversant, alternant l'amour et la mort, vrai et irréel, mêlant combat et création, le roman de Rachid Hamdad pousse le lecteur jusqu'à ses derniers retranchements. Il découvre la profondeur d'un homme, qui, en quelques dizaines de pages, se projette dans la postérité : « Laisser son cœur battre au rythme de l'étoile la plus lointaine. Chercher son équilibre dans la procession céleste. Allonger son indolence jusqu'à la raideur du roseau… Connais-tu la beauté de la solitude ? Connais-tu l'élévation du temps qui refuse de passer ? Ici, point de circulation, point de passage rampant ! Ici, c'est la gloire des altitudes. Entendus-tu la mélodie de l'air qui s'immobilise là-haut, au royaume des grandeurs tranquilles ? » Des morceaux d'anthologie que le lecteur découvre huit ans après la mort de l'auteur, à Tiaret, où il exerçait en tant que journaliste. La publication de ce roman intervient à une période marquée par la perte des repères, où la quête de l'authenticité devient impérieuse. A lui seul, cet homme portait plusieurs combats, celui du journaliste, pour l'indépendance de la presse, de l'homme de gauche, pour la justice sociale, du militant de la démocratie, contre l'intégrisme islamiste. Avant de rejoindre El Watan, il avait travaillé pour de nombreux titres. Le premier était l'hebdomadaire Le Pays, au milieu des années 1990, alors basé à Tizi Ouzou. Rédacteur en chef, Rachid Hamdad lisait imperturbablement les articles dans son bureau, insensible à la menace réelle et physique qui rôdait à quelques mètres du siège du journal. La résistance n'était pas, alors un mot d'ordre, mais un mode de vie au quotidien. Les premières victimes du terrorisme, dans la région, tombaient dans les rues de la ville. Lorsque Rachid Hamdad claque la porte de l'hebdomadaire, ce n'était pas sous la menace terroriste, mais suite à un mauvais traitement éditorial de l'actualité politique. L'apprentissage de la démocratie exaspéra les démocrates impénitents. Il continuera sa route dans plusieurs journaux, avant de se stabiliser à El Watan. Mais la mort qui emportera plusieurs éléments de l'hebdomadaire Le Pays (Farida Bouziane, Achour Belghezli, Said Tazrout), finira par rattraper Rachid à Tiaret, en septembre 2001. Manipulation fatale et fatidique de son arme. Huit années plus tard, les choses n'ont pas vraiment évolué, comme le dit l'un des personnages du roman : « La vie de notre pays se déroule comme un polar affreusement interminable. La vie palpite à coups de sang et de destruction… »