Le procès des 17 prévenus arrêtés dans la foulée des événements qu'a connus la capitale du M'zab en octobre 2004 s'ouvrira le 27 du mois en cours à la chambre criminelle près la cour de Ghardaïa. Parmi les détenus figure le docteur Kamel Eddine Fekhar, secrétaire national du mouvement associatif, élu et militant des droits de l'homme. En détention provisoire depuis quatre mois, le docteur Fekhar a été appréhendé à Alger, la nuit du 31 octobre 2004, à la fin de la conférence-débat sur la guerre de Libération, animée par Aït Ahmed, Hamrouche et Mehri, où il était le modérateur. Cinq chefs d'inculpation sont retenus contre eux : attroupement, obstruction de la voie publique, destruction de biens de l'Etat, utilisation d'armes blanches et incendie volontaire. « Des accusations disproportionnées et loin de correspondre à la réalité du mouvement de protestation pacifique mené par la population de Ghardaïa », déclare le FFS. Mobilisé pour ces détenus, le parti de Hocine Aït Ahmed déplore le traitement « spécial » réservé à cette affaire qui résulte pourtant d'un soulèvement de la population locale « contre les descentes punitives, la hogra et les injustices que font subir les autorités administratives, policières et judiciaires aux militants des droits de l'homme, aux commerçants et aux citoyens de cette région ». Dans une conférence de presse tenue hier au siège national du parti, Ali Laskri et Karim Tabou, respectivement premier secrétaire national et chargé de la communication, ont exigé la libération de tous les détenus et l'arrêt des poursuites judiciaires contre « les acteurs du mouvement de contestation pacifique à l'échelle nationale ». Pour ce parti, « en vertu de l'état d'urgence, les autorités s'arrogent le droit de violer les lois qu'elles ont elles-mêmes promulguées, de bâillonner la société et de supprimer toutes les libertés fondamentales ». Le pouvoir, toujours selon le FFS, est en train d'« ériger un régime spécial pour chacune des régions du pays à même de museler et d'immobiliser l'élargissement de la dissidence citoyenne ». A cela s'ajoutent « l'instrumentalisation systématique de la justice et la culpabilisation de la population ». Qualifiant l'appareil judiciaire de « justice aux ordres », l'équipe dirigeante du FFS craint l'issue « injustice » du prochain procès, sachant que « la criminalisation des accusations vise à alourdir les peines, mais surtout à faire renoncer les Algériens à toute activité politique ou de promotion des droits de l'homme ». Le FFS fait le constat de plusieurs violations dans cette affaire, y compris la Constitution qui consacre la liberté d'expression et le droit de grève. Tirant la sonnette d'alarme, le parti d'Aït Ahmed fait état de la violation du pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l'Algérie et du code de procédure pénale dans son article 123 relatif à la détention provisoire. Pointant un doigt accusateur vers les autorités locales, en premier lieu le wali, le plus vieux parti de l'opposition estime qu'il y a eu un tri et des arrestations sélectives ciblant l'ensemble des militants pour les droits de l'homme et pour la démocratie dans la vallée du M'zab. Estimant qu'il y a des indices suffisants pour que le procès ne soit pas équitable, le FFS interpelle l'opinion nationale et internationale et les organisations non gouvernementales « pour exprimer leur solidarité agissante » et à « veiller à l'équité du procès ». Il lance, en outre, un appel à toutes les forces politiques crédibles qui militent pour la démocratie à être solidaires pour faire face à cette « cabale judiciaire ». « Si la classe politique, dont les partis, et si les forces vives de la société ne se mobilisaient pas dans cette affaire, les autorités seraient tentées de réduire davantage et au maximum les libertés et le champ d'activité politique », avertit M. Tabou. Cela dit, le FFS a déjà programmé une batterie d'actions. Entre autres, la grève des élus du parti samedi et dimanche prochains et le lancement d'une pétition à l'étranger. Le parti met en garde à cet effet les autorités contre les dérapages que provoquerait l'issue « injuste » du procès, s'engageant tout de même à veiller à la pacification du mouvement dans le cas où les détenus ne seraient pas acquittés. M. Laskri espère « un non-lieu » si le pouvoir veut réellement l'apaisement.