Cela commence par un chiffre : 31. En ordre décroissant, cela aboutit à 1. Youcef Merahi, dans A rebours d'Oran, paru aux éditions APIC, a choisi de déclamer une poésie mélancolique mais chargée de couleurs. Les poèmes sont accompagnés d'illustrations de l'artiste peintre Halima Lamine. Couleur brune sur fond blanc. « S., à rebours d'Oran, je vais à pas pesants questionner le mirage hivernal de Ghardaïa ; Ai-je rêvé ? Existes-tu ? Manifestement, j'ai érigé ton image d'eau impalpable sur ma soif d'aimer », écrit Youcef Merahi. Sur le même rythme, le poème est déroulé sur 69 pages. Le poète ne se retient pas autant que l'artiste peintre. Des hauts, des bas, des voix, des tons, des silences, des révoltes, des tendresses, des regrets... « Je ne garderai de toi ni regard ni sourire ; Plus rien de ce qui te rappelle ne subsistera ; A l'avenir, j'essorerai ce moignon de mémoire pour te gommer ; t'effacer, vertige foetal ! Mais écoute-moi : je te conjugue au futur antérieur comme un regret volage », écrit encore le poète en quête de soulagement. « Non, je ne suis que l'autre frontière du mirage de décembre, à cheval sur le factice de ta main », reprend-t-il, cherchant de l'air d'un printemps lointain. La douleur est intense : « Ose affronter le miroir ! Tu y verras ma chair se putréfier. Ose ! Ose ! Ose ! Allégro de Mozart, toi ? Allons donc ! ». « Petite musique de nuit » est l'un des plus célèbres allegros du compositeur autrichien Amadeus Mozart. « Tu tisses le mensonge, puis tu le défais, comme dans une tragédie grecque ». Le poète ne s'arrête pas de tout dire. Pas de retenue. Surtout pas. Dire tout ce qu'il pense à ce mystérieux S qui dégringole le long des pages sans perdre de hauteur : « S., j'ai voulu écrire ton nom sur la linéarité de mon front. Sourire pour dire le “S” ; puis le “A” pour préfigurer l'attente. “A” porte ouverte sur la folie. » Le recueil est dédié à la mémoire du chanteur cheb Hasni, assassiné à Oran en 1994. « S., j'ai cru te voir parmi la foule sur ces trottoirs d'Oran encombrés. Alors que, déjà, les plaintes du raï absorbent ton image intactile. Cheb Hasni est mort. Est-ce vrai ? », écrit Youcef Merahi. Dépit ? Le poète lâche à la fin : « Mes fantômes m'interpellent : Jette ta plume, bétonne ton cœur et crève l'abcès de tes blessures d'enfant. ». La suite à la page 69. Ami des regrettés Djamel Amrani et Tahar Djaout, Youcef Merahi, 57 ans, est l'auteur de plusieurs recueils dont Le chemin de ma route et Oran échelle 31. Il est également auteur d'un roman, Post-scriptum. À rebours d'Oran, poésie de Youcef Merahi, illustrée par Halima Lamine, 69 pages, éditions APIC