Création n Halima Lamine est une plasticienne et une poétesse. Son imaginaire pictural est alimenté par la présence féminine, une présence récurrente et omniprésente. Mais contrairement à ce que ses représentations humaines prétendent être ou laissent à voir sur elle, ses personnages dont l'apparence est étrangement apparentée à celle de la femme, ne sont pas conjugués au féminin. Interrogée sur sa source de création, Halima Lamine dira : «Je suis une femme au quotidien. Je partage toutes les préoccupations des femmes mais seulement en tant que femme. En tant qu'artiste, je ne suis pas la porte-parole des femmes et je n'aimerais surtout pas m'inscrire dans un registre qui m'éloignerait de la création. Je ne suis pas dans le discours et mes différentes quêtes obéissent plutôt à des choix, ou encore à des partis pris qui sont d'ordre esthétique.» Et de reprendre : «Je ne suis pas seulement une femme mais aussi une mère. Comme toutes les mères, je vis avec toutes les angoisses qu'elles connaissent. Et quand je crée, je ne suis rien de tout cela. Il y a une telle distanciation que je suis tout et rien en même temps. Je m'inspire aussi de tout et de rien.» Interrogée alors sur l'identité ou la nature de ses personnages, Halima Lamine dira : «Certains de mes personnages ressemblent à des femmes qui, en réalité, ne sont que des êtres humains. Mes personnages sont asexués.» Ainsi, l'apparence que revêtent ses protagonistes est féminine. Pourquoi a-t-elle alors choisi de conjuguer ses personnages au mode féminin, alors qu'ils ne le sont pas, qu'ils sont tout simplement humains ? «En vérité, je suis féministe sans l'être vraiment», dit-elle. Et d'ajouter : «Parce que je souffre aussi en tant que femme dans une société qui vit dans une perpétuelle contradiction. C'est certainement cette contradiction qui m'inspire plus que tout. Je pense aussi que c'est la contradiction qui anime ma création.» Et de faire savoir : «Je suis et je serai toujours avec les femmes en tant que femme mais aussi en tant qu'artiste.» Ainsi, même si la création se veut «anonyme» et même si dans cette création les personnages sont la simple représentation de l'homme dans sa composition double et contradictoire, masculine comme féminine, l'artiste y met, et ce, indépendamment de sa volonté, une touche féminine. Une sorte d'empreinte, de signature. Les personnages qu'imagine l'artiste et à qui elle donne vie et forme ainsi que matière et couleurs sont représentés différemment, d'une manière extravagante. Des personnages apparaissant d'une manière insolite, difforme et déchirée, angoissée, terrifiée où l'on lit sur le corps – meurtri et désabusé – comme sur le visage de la tourmente et de l'inquiétude. «Ces personnages peuplent mes toiles mais aussi mon esprit dans une mise en scène qui souvent m'échappe au gré des couleurs et des touches des pinceaux dans un jeu de construction et de destruction», explique-t-elle. Et de poursuivre : «La vie se résume en une dualité entre la mort et la vie. C'est pourquoi par moments je caresse tendrement mes toiles pour donner une lueur d'espoir à cette tristesse qui m'habite.» n La peinture de Halima Lamine est en soi une poésie, une peinture lyrique, où la mélancolie est perceptible, l'errance manifeste et omniprésente. C'est une peinture de l'effacement et de la tourmente. Elle explique : «Tout peintre est forcément poète et tout poète est forcement peintre. Chacun à sa manière, bien entendu. Je pense que ce sont des modes d'expression qui se ressemblent beaucoup en mettant en avant les états d'âme.» Et d'étayer : «En ce qui me concerne, on relève la mélancolie et la solitude. Ce n'est pas faux et ça peut être un cri ou encore une volonté d'exister ou de s'affirmer en tant que tel tout simplement.» «Mes productions, précise-t-elle, se ressourcent du présent, mais aussi du passé, le mien, mais aussi des miens. Je vis l'angoisse du futur. Je ne suis pas sur une île déserte. J'observe ce qui m'entoure et je le vis intensément. Ma poésie et ma peinture conjuguent la réalité des miens avec l'imaginaire qui nourrit mon esprit.» Halima Lamine peint pour le plaisir, pour elle-même. Elle ne cherche pas à dire quelque chose, à transmettre un message, ou bien à s'adresser à quelqu'un ou à l'interpeller. «Ce que je fais, je le fais pour moi», dit-elle. Et d'ajouter : «Je me fais plaisir d'abord. Un plaisir que j'essaie de partager par la suite dans les différentes expositions de peintures et lectures publiques de poésie. Ce qui m'intéresse plus que tout c'est l'échange avec l'autre.» Et de conclure : «Chacun est libre d'aimer ou pas et d'en faire sa propre lecture.»