Ecrit n Alger, de mémoire et d'amour est un recueil de poèmes de Ouahiba Aboun Adjali paru aux éditions Apic. Une vingtaine de poèmes compose le corpus, et tous, du premier au dernier, décrivent Alger. Ce sont des pages, des vers dédiés à la ville Alger, ville muse, aimée et jalousée jusqu'à la convoitise. Avec des mots alertes et dans une composition phrastique aérée, la poétesse se met à chanter Alger, chant d'amour, «amour immense enfantant l'infini». Dans Alger, de mémoire et d'amour, un poème éloquent, Ouahiba Aboun Adjali clame le sentiment qu'elle ressent au plus profond d'elle-même pour Alger ; elle parle de son attachement à une ville qu'elle aime et qui l'inspire mais qu'elle souffre de voir se détériorer : «Mes yeux ouverts, tu disparais et reviens à la hâte dès qu'ils sont refermés (…) bonheurs échevelés perdus d'une ville qui meurt (…) obsédée je te cherche en moi présente Alger à jamais disparue.» Dans ce poème, Ouahiba Aboun Adjali se souvient avec nostalgie d'Alger, celle qu'elle a connue jadis, ville légendaire dont elle regrette la blancheur et les senteurs. Une ville qui a changé, une cité qui se tait, devenant amère, qui perd de sa couleur et de ses parfums et qui, rongée par les vicissitudes du présent, disparaît dans «un long sanglot inconsolé». Une ville où «Cervantès vociférait dans sa grotte fermée et son rêve ligoté face à la mer». Aujourd'hui, Alger devient un souvenir, un refuge, un passé ; elle devient un trésor perdu, «trésor perdu de ma mémoire en sanglot et en deuil», écrit-elle. Dans le second poème intitulé Alger, de larmes et d'ombre, autant de vers venant décrire l'amertume, l'angoisse et la tristesse qui tourmentent Ouahiba Aboun Adjali, une femme qui n'a que les mots, la poésie, pour dire une ville sacrifiée, «offerte à tout-venant». «Multitudes d'ombres, nuits inquiètes et sombres, millions d'êtres silencieux et hagards», ou encore «ta laideur / l'indécence le malheur / ta puanteur tes murs rongés / tes rues éventrées / et ton ventre habité par un mal aux contours qui m'affolent.» Malgré cela, en dépit d'une ville abandonnée, à la merci du temps et des personnes qui l'ont clochardisée et paupérisée, Ouahiba Aboun Adjali ne renie pas Alger, elle la porte au contraire en elle, «au fond de mon âme / irréductible à l'oubli», ou encore «ma ville noire et perdue / celée en moi / comme un secret volé / comme un regret.» D'autres poèmes d'une grande sensibilité viennent s'inscrire dans ce travail de représentation et disent la détresse ainsi que l'amour de la poétesse ; ils sont comme une prière dite avec le cœur et élevée dans une ferveur poétique vers le ciel. l Il est à souligner que le recueil Alger, de mémoire et d'amour, a fait l'objet d'une édition d'art réalisée en association avec l'artiste peintre Philippe Amrouche, paru aux éditions Apic, dans la collection «Quand le pinceau peint la plume». «L'idée est de combiner les deux modes d'expression, à savoir l'écriture et la peinture, donc la plume et le pinceau en vue d'en faire une autre forme d'expression», expliquent Samia et Karim Chikh, responsables des éditions Apic, ajoutant que «pour ce faire, nous avons sollicité Philippe Amrouche». «Pour faire venir Philippe Amrouche, indiquent-ils, il fallait lui trouver un lieu de travail, et c'est grâce à l'amabilité et à la générosité de Mme Nadjet Khadda qui a ouvert à l'artiste les portes de l'atelier de son mari, feu Mohamed Khadda, que le projet ”Quand le pinceau peint la plume” a vu le jour.» Le principe de ce travail, c'est d'illustrer en couleurs non pas tout le poème mais seulement des fragments qui sont écrits à la main et par le pinceau, des mots qui sont jetés, éparpillés çà et là sur le papier. «C'est illustrer le texte et l'accompagner», disent les éditeurs. Et de poursuivre : «Tout dépend, bien sûr, du contact de l'artiste – qui laisse libre court à son inspiration – qu'il peut avoir avec le poème.». Naît ainsi de ce jeu de combinaison un dialogue entre le pinceau et la plume, entre l'écrit et l'image, les deux finement associés créent aussitôt une mutualité, une complémentarité, le tout donnant naissance à une expression doublement articulée et qui aide à mieux comprendre l'essence même de la poésie.