On ne badine pas avec le sexe en Arabie Saoudite. On peut le pratiquer chez soi en toute tranquillité et en toute impunité, mais en parler publiquement expose le contrevenant à de graves conséquences. Rozana al Yami, 22 ans, est journaliste saoudienne à mi-temps pour la chaîne satellitaire LBC basée à Londres, dont le propriétaire n'est autre que le prince Walid Ben Talal, l'une des plus grosses fortunes aux monde. Rozana a été condamnée, le 24 octobre dernier, à 60 coups de fouet. Rozana n'a pas évoqué sa vie sexuelle à l'écran. Elle n'a pas non plus exhibé son corps ou ses parties intimes devant les téléspectateurs. Son crime ? Avoir simplement exercé son métier sur cette chaîne qui a osé consacrer une émission sur la sexualité. On ne sait pas si la dame pratique le fouet comme instrument de plaisir en privé, mais on sait en revanche qu'elle trouve la sentence du tribunal de Jeddah un peu trop sévère. « C'est une punition pour tous les journalistes », a-t-elle dit. Elle précise même qu'elle ne fera pas appel du jugement car elle redoute que la peine soit aggravée lors d'un éventuel nouveau procès. De quoi s'agit-il au juste ? Le 15 juillet 2009, LBC a diffusé un talk-show intitulé La ligne Rouge, au cours duquel un Saoudien, Mazen Abdou Jawad, 32 ans, père de 4 enfants, salarié dans la compagnie Saoudia Airlines, a fait étalage de ses mœurs sexuelles extra-conjugales. Détails à l'appui, notre Casanova s'est longuement épanché sur ses performances au lit ainsi que sur ses conquêtes féminines. Shocking ! Dans une société saoudienne ulta-conservatrice, ces confessions ont eu l'effet d'une bombe atomique. Les plaintes contre l'effronté se sont abattues comme une armée de criquets sur un champ de blé alors que les ayatollahs de la morale se sont déchaînés contre lui. « MBC, Al-Arabiya, ART et les chaînes Rotana sont toutes des haches qui détruisent l'Islam et les musulmans », a estimé sur la chaîne religieuse Al Dalil Cheikh Youssef al Ahmad, un éminent dignitaire religieux. Soubhane Allah ! Résultat ? L'émission est suspendue, les bureaux de LBC à Jeddah fermés tandis que notre Rocco Sifredi est poursuivi en justice. Bien qu'il ait publiquement présenté ses excuses, Mazen a été arrêté le 31 juillet et condamné en octobre par une cour criminelle islamique à 5 ans de prison et à 100 coups de fouet. Le caméraman qui a filmé ce déballage cathodique a écopé lui d'une peine de deux mois de prison. Et Rozana ? Comme dans cette histoire la justice du royaume wahabite a cherché des coupables partout, elle a donc trouvé, en sa personne, une parfaite victime collatérale. Rozana n'a pas participé au talk-show, mais le fait qu'elle soit salariée à LBC est une raison suffisante pour que les juges lui infligent 60 coups de fouets. Moralité ? En Arabie Saoudite, il est bon de s'envoyer en l'air chez soi, mais pas du tout bon d'en parler publiquement.