L'Algérie continue d'être courtisée pour le rôle qu'elle doit jouer pour la sécurisation du Sahel et la lutte antiterroriste dans la région. Le futur chef du Commandement militaire américain pour l'Afrique (Africom), le général David Rodriguez, a estimé devant le Congrès, jeudi dernier, que «l'Algérie est le leader régional qui dispose des capacités permettant de coordonner les efforts des pays du Sahel face aux menaces de sécurité transnationales». Le général proposé par le président Obama à la succession du général Carter Ham répondait aux questions des membres de la commission des forces armées du Sénat américain lors d'une audition devant confirmer sa nomination comme chef de l'Africom. L'Algérie se confirme donc aux yeux des Américains comme un partenaire sur lequel il faudra compter, maintenant que l'évolution sur le terrain, avec notamment l'intervention française au Mali et ses possibles conséquences sur le mouvement et les mutations de la nébuleuse terroristes sont des moins prévisibles. Et sur cette capacité qu'aurait le pays à coordonner la lutte antiterroriste au niveau du Sahel que le prochain patron de l'Africom, fort de son expérience en tant que chef du Commandement conjoint de la force internationale de sécurité en Afghanistan, dit vouloir miser durant son mandat, assurant de surcroît que «la connaissance dont dispose l'Algérie quant à la situation sur le terrain dans le nord du Mali est inestimable pour les Etats-Unis». Rien de moins. Le propos s'inscrit donc au-delà de ce que peut produire comme résultats dans l'immédiat l'intervention militaire française au Mali. Une ceinture de maillons faibles Intervention qui, vue de Washington, ne peut être qu'une séquence dans un long effort à déployer pour sécuriser la région. Sur ce sujet, le général Rodriguez reconnaît que l'intervention française sert, certes, à bloquer l'avancée des groupes terroristes vers Bamako et à ébranler ses fiefs du Nord, mais dit en substance ne pas être sûr que l'opération pourra faire assez mal à AQMI pour l'empêcher d'opérer une retraite tactique, recomposer ses rangs et concevoir des attentats en dehors de la région du Sahel. De même que l'organisation terroriste, chassée éventuellement du Mali, a les capacités, estiment les Américains, d'étendre sa présence aux pays voisins, d'autant que ces derniers, maillons faibles, sont soit rongés par l'instabilité politique (Libye) ou complètement exsangues (Mali) pour être d'un apport quelconque dans une stratégie antiterroriste globale et inscrite dans la durée. Restent donc l'Algérie et son armée avec lesquelles le général Rodriguez préconise «la tenue de dialogues bilatéraux de haut niveau et des exercices militaires régionaux». Le rapport du général Rodriguez s'inscrit en droite ligne dans la vision de son prédécesseur, le général Carter Ham. Celui-ci déclarait ainsi à partir de Niamey (Niger), le 11 janvier dernier – soit le jour même où l'armée française lançait son opération au Mali – qu'«il n'y aura pas de solution satisfaisante à la crise du Mali sans la participation de l'Algérie». De l'autre côté, les responsables français ne tarissent pas d'éloges à l'égard de l'Algérie. Le 5 février, le président François Hollande redisait sa conviction que l'Algérie, qui – plus qu'aucun autre pays – a souffert de la «barbarie terroriste», avait un rôle «central» à jouer dans la résorption de la crise malienne et au-delà dans le Sahel. Les appels se multiplient en somme pour faire assumer au pays une vocation autrement moins défensive que la fermeture de ses frontières pour endiguer le repli des terroristes pourchassés au Sud. Sauf que les enjeux des uns et des autres, du moins les visions, ne semblent pas tout à fait s'accorder.