Le Centre national du registre du commerce (CNRC) est au cœur d'une affaire de dilapidation et d'abus de biens sociaux. Trois membres de la commission des œuvres sociales, élus depuis 2006 par les travailleurs, sont présumés impliqués dans cette affaire. Suspendus de leurs fonctions, ils sont accusés d'abus de biens sociaux, en octroyant des prêts de plus de 150 000 DA à plusieurs travailleurs. Le ministère de tutelle affirme que toute la lumière doit être faite autour de cette affaire qui a ébranlé une structure aussi importante. Ce que le règlement ne prévoit pas. Environ 1 milliard de centimes auraient été dilapidés, selon les révélations d'une source au fait de ce dossier. L'affaire est actuellement devant le juge d'instruction près le tribunal d'El Harrach. Toutefois, certaines sources parlent de flagrant laisser-aller, voire de complicités au niveau de cet organisme public. « Les membres de ladite commission sont élus par les travailleurs pour un mandat de 3 ans. Ils sont censés exposer un plan d'action, tenir un registre comptable et un bilan annuel. Excepté l'année 2006, tout cela n'a pas été fait entre 2007 et 2009 », révèle notre source. En mars 2009, le directeur général du CNRC a déclenché une enquête interne pour faire la lumière sur cette affaire scabreuse. Les conclusions de cette enquête interne ont mis à nu les carences de l'administration en matière de contrôle et de supervision, selon notre source qui évoque même des complicités au niveau de la direction générale du CNRC. « Les services habilités de surveillance et du contrôle devaient savoir ce qui se faisait, puisque aucun bilan annuel n'a été établi pendant 3 ans », précise notre source, en estimant qu'il existait une négligence manifeste au niveau de la direction des finances et des moyens. Après le rapport préliminaire de l'enquête interne, la direction générale du CNRC avait déposé une plainte contre les trois membres de la commission. En ligne de mire : une liste de 50 fonctionnaires, auxquels la direction générale du CNRC reproche d'avoir « abusé de l'argent des œuvres sociales », en contractant des prêts de plus de 15 000 DA. « Une affaire banale » En réaction, la direction générale du CNRC a décidé de se faire rembourser les sommes prêtées, en prélevant 30% des salaires mensuels des travailleurs depuis le Ramadhan dernier. De nombreux fonctionnaires jugent la décision abusive vu qu'il n'y avait pas de contrat approprié. Notre source révèle encore que la direction générale du CNRC savait ce qui se passait à l'intérieur de ses murs, en indiquant que le DG pouvait agir au moment opportun pour arrêter la saignée. Il est également reproché au ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, de ne pas réagir quant à ce micmac. Mohamed Dif, directeur général du CNRC, tient une autre version des faits. Il a tenu à minimiser l'ampleur de cette affaire. « C'est une affaire banale. Il y a eu une mauvaise répartition des prêts des œuvres sociales. Les membres de la commission ont outrepassé la loi. Il y a eu des abus et nous avons déposé une plainte contre eux. Ils se sont servis et ont servi leurs amis », a-t-il souligné dans une déclaration à El Watan en marge de la réunion des cadres du ministère du Commerce, organisée hier au siège d'Algex, à Alger. Notre interlocuteur a également enfoncé les trois accusés. « Les trois membres de ladite commission avaient un niveau qui ne leur permettait pas de gérer une telle commission. Ils sont presque analphabètes. Ce ne sont pas des cadres qui réfléchissaient », indique-t-il. Comment les trois membres de la commission, de surcroît, « analphabètes », ont pu passer à travers les mailles du contrôle interne ? M. Dif reste dubitatif. « C'est une petite bande. Ils sont rusés », bredouille-t-il, en rappelant que les services de contrôle interne du CNRC ont pu découvrir le pot aux roses à temps. Continuant à démentir tout en bloc, le directeur général du CNRC rejette l'idée selon laquelle ladite commission n'avait pas de plan d'action, de registres comptables et de bilan annuel entre 2007 et 2009. « Je ne pense pas ! », s'est-il contenté de dire, en balayant de la main l'existence de complicités au niveau de la direction générale ou dans d'autres services. Pour M. Dif, le chiffre de 1 milliard de centimes dilapidés est inexact. Il s'agit, selon lui, plutôt de 120 millions de centimes. « Le CNRC a déjà récupéré 80 millions de centimes, depuis la ponction des 30% sur les salaires des travailleurs. Il existe un contrat stipulant que les travailleurs rembourseraient chaque mois 30% des prêts contractés. L'opération de remboursement continue en vertu de la loi », fait-il savoir. De son côté, El Hachemi Djaâboub, ministre du Commerce, interrogé sur cette affaire, affirme avoir « demandé que la lumière soit faite sur cette question par le directeur de cette institution ». Selon lui, les mesures qui s'imposent seront prises à la lumière de cette enquête. Toutefois, il n'a pas hésité à dégager toute responsabilité de son département et celle de la DG du CNRC. « Les œuvres sociales ne sont pas gérées par le ministère ni par le directeur. Elles sont gérées par les représentants démocratiquement élus par le collectif des travailleurs », conclut-il.