Le président Bouteflika a adopté, lors du dernier Conseil des ministres tenu mardi dernier, un avant-projet d'ordonnance modifiant et complétant la loi n°84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille. Au plan de la forme, tous les projets d'amendement proposés par la commission nationale de révision du code de la famille et adoptés en août 2004 par le Conseil de gouvernement ont été retenus à l'exception de la proposition relative à la suppression de la tutelle matrimoniale pour la femme majeure. L'avant-projet d'ordonnance énonce, à cet effet, « le maintien du tuteur pour le mariage de la femme, y compris majeure, en précisant que celle-ci conclut son contrat de mariage en présence de son tuteur ». Ce constat pourrait renseigner sur le fait toutefois que dans le fond rien d'important n'a changé. Ambigu, l'avant-projet d'ordonnance passé au crible en Conseil des ministres ne précise pas, à ce propos, le « poids » juridique du tuteur à l'aune de la réforme du code de la famille. En clair, il n'est pas dit si le tuteur légal d'une prétendante au mariage peut exercer un « droit de veto », comme cela a été le cas par le passé. Des lectures pessimistes donnent parfois même l'illusion que le texte de loi examiné par Bouteflika et son gouvernement aggrave, en certains points, la discrimination qui s'est jusque-là manifestée à l'égard des femmes. Le maintien du fossé n'aurait évidemment pas de sens dans la mesure où la réforme est supposée apporter un plus. C'est du moins ce qu'il y a lieu d'espérer. Mais en attendant, des questions restent sans réponse. Pour beaucoup, le caractère confus de la reformulation de l'article « revu et corrigé » reconduit le déni de droit contenu dans l'ancien article (11) du code de la famille qui stipule : « La conclusion du mariage pour la femme incombe à son tuteur matrimonial qui est soit son père, soit l'un de ses proches parents. Le juge est le tuteur matrimonial de la personne qui n'en a pas. » Le maintien de cet article est à la source des craintes exprimées par les associations féminines. Cela d'autant qu'il devait être supprimé. C'étaient là, du moins, l'avis et la décision de la commission de révision du code de la famille. En remplacement, cette structure avait proposé un amendement octroyant à « la femme majeure la pleine capacité pour contracter mariage ou déléguer ce droit à son père ou à l'un de ses proches ». Cela a amené, d'ailleurs, les associations de femmes et des militantes à applaudir ces amendements et à les qualifier de grande « avancée ». Pour elles, la suppression de la tutelle matrimoniale pour la femme majeure constituait un élément capital dans l'évolution du droit de la famille. « C'est ainsi que l'avant-projet de loi adopté par le gouvernement s'est inspiré de la solution la plus libérale qui est donnée par le rite hanafite en la matière et qui considère le mariage de la femme majeure sans tuteur comme conforme à la loi coranique. En plus de cet argument tiré du rite hanafite, d'autres arguments d'ordre sociologique, juridique et économique militent pour la suppression du tuteur », est-il souligné dans un document comparatif avec les amendements du code de la famille marocain élaboré par des militantes des droits des femmes. Le maintien de la tutelle est, selon ces militantes, aberrant d'autant que la Constitution a consacré l'égalité des citoyens en droits et devoirs. Elles rappellent, en outre, que l'Algérie a ratifié toutes les conventions qui suppriment les formes discriminatoires à l'égard des femmes. Il est, par conséquent, regrettable, disent-elles, de maintenir cette disposition qui relègue la femme à un statut inférieur.