C'est sur fond de pression démographique, d'incertitudes, tant au plan politique qu'économique, et dans un contexte mondial difficile, caractérisé essentiellement par des tensions sur le commerce international, que s'achève l'année 2018. Quatre ans après l'entame de l'épisode baissier des cours du pétrole, l'Algérie n'arrive toujours pas à adopter un modèle économique à même de lui permettre de sortir du cercle infernal de la rente. Et pour cause, les grandes annonces ont continué à l'emporter au cours de cet exercice sur les réalisations. Preuve en est, la diversification économique tarde à prendre son envol, à l'exception de quelques exemples de projets lancés, notamment dans les mines et le textile. Cela pour dire que l'année 2018 a raté, comme celles qui l'ont précédée, le virage du décollage économique. Mais aussi celui de la mise en place d'un système de gouvernance efficace et d'un climat d'affaires propice aux investissements. Le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Loukal, l'a d'ailleurs reconnu devant l'Assemblée populaire nationale (APN), soulignant la fragilité de l'économie au regard de sa forte dépendance du secteur des hydrocarbures et des dépenses publiques. Une situation qui continue donc à soulever des inquiétudes. Et ce, en dépit des engagements et des promesses prises dans ce cadre, notamment dans le plan d'action du gouvernement d'Ahmed Ouyahia, dévoilé en grande pompe en septembre 2017. Un plan dans lequel une série de mesures avaient été annoncées pour redresser l'économie, sans pour autant être complètement mises en œuvre. Retards, absence de visibilité Les réformes tant prônées dans les débats et les rencontres officielles tardent également à voir le jour, bloquant ainsi la mise en place d'une politique macro-économique indépendante de l'évolution des cours du pétrole. Des cours qui ont affiché une tendance stable au premier semestre 2018, avant de connaître une hausse passagère vers la fin du troisième trimestre et de repartir à la baisse au début octobre, pour s'installer durablement sur cet axe. Et voilà que l'année se termine avec des indicateurs inquiétants sur le marché pétrolier. Cela bien sûr en l'absence d'une visibilité économique à moyen terme, mais surtout face un relâchement de l'effort de redressement et au retard de la modernisation du système bancaire, alors que le ministre des Finances, Abderrahmane Raouya, avait décrété fin 2017 l'année 2018 comme étant celle de l'accélération des réformes bancaires et de la digitalisation du système financier. Ce qui n'est pas le cas. Ils sont nombreux les chantiers à attendre une mise en œuvre effective, alors que l'urgence a été maintes fois soulignée au cours de ces dernières années, que ce soit du côté des experts algériens, des institution internationales ou même des pouvoirs publics, qui ne font pourtant que bloquer ce processus. Dans ce cadre, faudrait-il rappeler qu'en novembre dernier, le centre d'analyses International Crisis Group (ICG), dans un rapport intitulé «Surmonter la paralysie économique de l'Algérie», a relevé le laxisme des décideurs quant à l'accélération des réformes. «Malgré les promesses des gouvernements successifs de faire des réformes et de rééquilibrer les finances publiques, la paralysie politique a fait obstacle à toute mesure décisive», a indiqué ledit rapport, qui prévient sur un risque de crise économique dès 2019. Un document dans lequel les rédacteurs évoquent le report récurrent des réformes, parlant de «groupes d'intérêts et de statu quo». Deux traits qui ont dominé la scène économique nationale. 2018 aura, en effet, été celle du statu quo en matière de réformes. Même si sur un plan global, «elle aura été une année plus dynamique que 2017, à l'image de la progression symbolique des crédits à l'économie, y compris pour l'Etat, pour les opérateurs privés et les ménages», commente l'expert économique Souhil Meddah. Crédits à l'économie en hausse, mais… En chiffres, durant les neufs premiers mois de 2018, ces crédits se sont accrus de 11,6% pour le secteur public et de 7,7% pour le secteur privé et les ménages, a déclaré le gouverneur de la Banque d'Algérie (BA), Mohamed Loukal, à l'Assemblée populaire nationale (APN). Ainsi, les crédits destinés au secteur public, qui représentent 49,45% du total des crédits à l'économie, ont atteint 4812 milliards de DA (+11,6%), tandis que les crédits destinés au secteur privé et aux ménages ont augmenté à 4918 milliards de DA (+7,7%). A titre indicatif, les crédits à long et moyen termes représentent 72,3% des crédits à l'économie, ce qui explique, selon le gouverneur, «la poursuite de l'orientation des ressources vers l'investissement». Parallèlement, le gouverneur a relevé l'amélioration en matière de liquidité monétaire grâce à l'entrée en vigueur du financement non conventionnel (FNC) au cours de cette année. Un financement «qui se fait avec succès», a-t-il rassuré. Mais qu'en est-il des détails ? A ce propos, le même responsable a indiqué que le mécanisme FNC a servi jusque-là à la couverture des créances des groupes Sonatrach et Sonelgaz, la subvention du Fonds national d'investissement (FNI) pour contribuer dans certains projets et le financement des logements AADL à l'arrêt et à la couverture du déficit budgétaire. Pour rappel, le montant global des billets de banque imprimés dans le FNC s'est élevé à 2185 milliards DA en 2017 et 1 820 milliards DA en 2018. L'on s'attend à ce que ce mode de financement soit tout aussi important en 2019. Indices * L'inflation a décéléré au cours du premier trimestre à 4,6% (5,6% en décembre 2017 et 6,6% pour la même période en 2017) sous la pression d'une remontée des prix des produits alimentaires frais. En tendance annuelle, l'indice des prix devrait progresser de 5,5 – 6% en moyenne. Bien au-delà de la tendance des 3,5%. Globalement, l'inflation a reculé de 5,59 % fin 2017, à 4,33 % fin avril 2018, avec une hausse de 4,82 % au mois d'août, puis un recul à 4,53 % en octobre 2018. Pour la Banque d'Algérie (BA), L'inflation demeure «modérée». Mais, le renforcement de la maîtrise de l'inflation s'impose, de l'avis du gouverneur de la BA. Et ce, «avec beaucoup d'efforts pour réduire les dysfonctionnements au niveau des marchés de marchandises et de services». Une manière pour M. Loukal de reconnaître la persistance des défaillances sur le marché. * Les réserves de change ont régressé de 11,25 milliards USD entre décembre 2017 et fin septembre 2018, passant de 97,33 milliards USD à 86,08 milliards USD, avant de baisser encore à 82,12 milliards USD à la fin de novembre 2018. Soit une baisse continue qui ne saurait, selon le gouverneur, être durable à moyen terme. D'où la nécessité de poursuivre les efforts pour assurer la viabilité de la balance des paiements. Et ce, en misant sur la diversification de l'économie, l'augmentation des exportations hors hydrocarbures avec une maîtrise de l'absorption locale des importations, pour la contenir à des niveaux durables, toujours selon le gouverneur de la Banque d'Algérie.