Les syndicats autonomes, réunis au sein du Comité national des libertés syndicales (CNLS), n'ont pas mis beaucoup de temps pour réagir aux déclarations du président Bouteflika faites devant les syndicalistes, mercredi dernier, à la Maison du peuple, à l'occasion de la célébration du 24 Février, double anniversaire de la création de l'UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures. Les membres de ce comité ont ainsi tenu, à l'ouverture de la conférence nationale des cadres du CNLS jeudi à Alger, à récuser « la logique économique du gouvernement d'inspiration néolibérale qui a entraîné une détérioration brutale des conditions d'existence des salariés et de leur niveau de vie ». Ils ont dénoncé également « le climat de répression sociale et l'hostilité des pouvoirs publics qui tentent, par la menace et la force, de neutraliser les conflits de travail (...) ». Dans son analyse du discours du premier magistrat du pays, dans lequel seule l'UGTA est reconnue comme partenaire social, le coordinateur du CNLS, le docteur Besbas, a fait remarquer, toutefois, que les déclarations du président Bouteflika ne doivent pas constituer un motif de découragement. Il s'est ainsi dit persuadé que l'agressivité manifestée à l'égard des syndicats autonomes ne peut pas « retarder la grande marche de l'autonomie du monde du travail ». Néanmoins, le CNLS se dit tout de même conscient que cette hostilité peut affaiblir la visibilité des syndicats. Le CNLS, qui « s'interroge sur les visées d'une reconnaissance d'un seul partenaire social », mentionne à l'occasion que « la légitimité et la reconnaissance des syndicats autonomes émanent de leurs bases respectives et ne peuvent être une reconnaissance administrative et patriarcale ». « L'implication du chef de l'Etat dans le concept de reconnaissance des syndicats est une grave atteinte à la neutralité du pouvoir politique par rapport au citoyen. Nous sommes fiers de notre autonomie, car nous sommes de ceux dont la reconnaissance et la légitimité émanent de la base et non pas des instances gouvernementales, politiques ou autres lobbies », a indiqué M. Besbas. Pour le porte-parole du CNLS, le pluralisme syndical est un processus irréversible, « n'en déplaise au gouvernement ». Il signalera, dans la foulée, que « la défense des libertés syndicales passe avant la défense des droits sociaux » car, selon lui, « perdre sur le concept, c'est perdre le moyen et l'outil permettant de défendre les intérêts des travailleurs ». M. Besbas signalera, en outre, que « les libertés syndicales nécessitent une mobilisation active des syndicats et du monde du travail ». Revenant sur le chapitre des atteintes aux libertés syndicales et des harcèlements contre les syndicats (diverses plaintes ont été déposées contre le CLA, le SNPSSP, le CNAPEST et le SNPSP), le coordinateur du CNLS relève que « le gouvernement a beau miroiter à l'opinion et aux instances internationales le nombre de 75 syndicats enregistrés, il n'en demeure pas moins que la réalité est autre ». Pour le syndicaliste, le refus par le gouvernement du dialogue est plus qu'avéré. « La conception patriarcale de la gouvernance empêche le pouvoir de s'adapter au concept de partenariat universellement admis. Le recours systématique à la justice est aussi un signe de panique au sein du pouvoir », a-t-il mentionné. A l'issue des travaux de cette conférence, durant laquelle trois communications portant sur les libertés syndicales et le droit à la grève ont été présentées par des syndicalistes du CLA, du CNAPEST et du SNAPAP, les membres du CNLS ont adopté une déclaration commune. Mettant en exergue les dangers de la dégradation des conditions de vie des travailleurs, accompagnée d'un déni des droits, ils ont lancé un appel à toutes les forces syndicales pour développer la solidarité, l'unité d'action, les rapprochements intersyndicaux en vue de défendre les libertés syndicales et leur extension aux catégories de travailleurs qui en sont exclues et, lorsque la situation l'exige, l'organisation d'actions revendicatives communes. Les membres du CNLS appellent, en outre, les syndicats autonomes à lutter contre toutes les mesures qui mettent en œuvre de nouvelles formes de sous-traitance, de contractualisation et de développement de la précarité du travail. Par ailleurs, plusieurs propositions ont été faites lors de cette conférence-débat. Selon le coordinateur, le docteur Besbas, toutes ces propositions seront synthétisées dans un recueil qui sera remis à tous les syndicats autonomes. Elles constitueront les actions à envisager. A noter que le rapport sur les libertés syndicales élaboré par le CNLS sera publié prochainement. Il est prévu qu'une copie soit adressée au président Bouteflika.