Le mal est beaucoup plus profond ! Il s'agit d'un marasme généralisé qui n'a épargné ni le médecin ni le malade, qui a fait perdre au citoyen la confiance dans le système de santé de son pays et qui n'a laissé d'alternative aux meilleurs fils de l'Algérie indépendante que la marginalisation ou l'exil ! N'est-il pas vraiment indécent de parler encore, après plus de dix années, de cette «réforme hospitalière illusoire» de 2002 qui, après avoir consommé six ministres de la Santé et plus de 50 milliards de dollars (l'équivalent du budget de fonctionnement de plusieurs Etats africains réunis), laisse aujourd'hui le démuni mourir sans traitement et contraint le nanti et le privilégié à prendre l'avion, au moindre mal, pour se faire soigner en Europe et même en Tunisie et au Maroc, pays voisins dont plusieurs cadres ont été formés en Algérie ? Où est l'Institut national de veille sanitaire (INVS) recommandé depuis plus de dix années (2002) et dont la création a pourtant été officiellement annoncée publiquement par M. le SG du MSPRH, il y a plus d'une année (31/01/2012) ? Dites-nous à quand la veille sanitaire et la prévention primaire, qui nous auraient certainement épargné cette triste situation. Dites-nous où sont les droits constitutionnels du malade, messieurs les décideurs de notre droit à la vie et de notre déchéance humaine ? Un financement croissant pour une prise en charge de plus en plus défaillante «En dépit des moyens importants alloués, le rendement reste faible. La qualité est encore défaillante…, les mauvaises conditions d'accueil et de séjour des malades, la pénurie de médicaments et les longues attentes dans les plateaux techniques…, on parle beaucoup, mais on ne fait rien. Nous avons assisté à un effet de déplacement des ressources humaines informellement du public vers le privé. Il est temps de formaliser cette relation informelle. Notre système d'assurance est en crise… La gestion de ces caisses durant ces dernières années en dit long… En cinq années, de 1999 à 2005, les dépenses de santé ont connu un excédent de 100%. Sur les 5 milliards de dollars alloués à ce secteur en 2005, 65% sont destinés aux ressources humaines, 20% pour les médicaments et 15% pour les équipements…(Sic)» (le ministre des finances, Abdelatif Benachenhou, rencontre euro-méditerranéenne sur le financement des dépenses de santé, Alger 9 avril 2005). Les prestations de ce secteur vital ne se sont guère améliorées depuis. Au contraire, cette situation sanitaire lamentable, objectivement décrite par un membre du gouvernement alors en poste, voilà maintenant huit années, n'a fait qu'empirer (tableaux 1 à 5). Une dilapîdation manifeste les dépenses de santé Pour la crédibilité de cette analyse comparative, seules les statistiques standardisées, vérifiées, corrigées et publiées par l'OMS en 2012, sont prises en considération. La santé est un domaine où les dépenses n'ont pas de plafond. On peut toujours mieux faire. Même si les dépenses totales de santé par habitant ont triplé entre 2000 et 2009, passant de 63 à 181 $US/habitant, ce financement reste bien en dessous de nos capacités et de nos espérances. Pour l'année 2009, nous avions le plus faible pourcentage de dépenses de santé par rapport au PIB, avec seulement 4,6%. Alors que ce même pourcentage était de 5,2% au Maroc ; 6,4% en Tunisie ; 11,9% en France et 17,6% aux USA. Pourquoi ? Comment peut-on justifier le fait que, nonobstant l'importance de notre PIB, nous soyons à seulement 181 dollars par habitant de dépenses totales de santé, bien derrière la Tunisie (243 $), et sans comparaison avec la France et les USA, qui sont respectivement à 4840 et 7960 $ (tableau 1) ? En 1990 (7% de notre PIB pour la santé et 166 $US par habitant), nos dépenses de santé étaient bien meilleures que celles de nos voisins marocains (3,9% et 26 $US par habitant) et tunisiens (5,3% et 76 $US par habitant), sans que cette nette avance se reflète sur nos indicateurs de santé ! Pourquoi ? En 2009, nous avions une surmortalité féminine, statistiquement significative (105, contre seulement 86 au Maroc et 70 en Tunisie), et un ratio de mortalité maternelle très élevé. (tableau 3). L'analyse du tableau 4 montre, clairement, que toutes causes confondues, le taux de mortalité adulte, en 2008, est bien plus élevé en Algérie (591) qu'au Maroc (535) et en Tunisie (469). Comment est-ce que nos voisins marocains et tunisiens ont-ils pu, avec un PIB bien plus modeste, offrir à leurs citoyens un système de santé plus performant que le notre? Où sont passées nos énormes dépenses de santé ? Une violation délibérée des droits universels du malade «Tous les citoyens ont droit à la protection de leur santé. L'Etat assure la prévention et la lutte contre les maladies épidémiques et endémiques» (Art. 54, Constitution de 2007). Le despotisme démesuré de l'administration centrale du MSPRH et ses violations délibérées de la Constitution et des textes qui en découlent ont détruit la santé publique et porté gravement atteinte aux droits universels du malade. Ils ont fait perdre à l'Algérie des opportunités déterminantes pour la promotion de son système de santé et la protection de la santé de ses citoyens ! Pour ne citer que l'organisation nationale en secteurs sanitaires universitaires en 1986, qui aurait pu, encourager la participation des collectivités locales au financement des dépenses de santé de leur population, ainsi qu'à l'ouverture de facultés de médecine dans la plupart des régions du pays, y compris dans les wilayas du Sud. La prévention des maladies non transmissibles (MNT) initiée en 1994, qui nous aurait certainement épargné la situation catastrophique actuelle de l'HTA, du diabète, du cancer, … ; le bilan de santé systématique (BSS) dès l'âge de 30 ans en 2002, pour la détection précoce et la prise en charge à temps de toutes les pathologies, le programme national de prévention des infections liées à la pratique médicale (ILPM), abandonné en 2003 après 18 mois d'application sur le terrain, aurait pu limiter considérablement ces contaminations hospitalières, encore mortelles, même dans le secteur privé, la création d'un Institut national de veille sanitaire (INVS) en 2002, qui aurait pu guider notre politique de santé, et surtout la protéger du despotisme démesuré de l'administration centrale du MSPRH et des différents dérapages et non-sens dans la gestion … Mais, rien d'étonnant, quand on sait qu' un secteur aussi stratégique pour le pays, est encore géré, en 2013, selon les dispositions d'une loi promulguée depuis plus de 28 années (05 février 1985), dans un tout autre contexte politique et socio-économique de gratuité des soins, alors que six ministres se sont déjà succédé sur un projet de loi finalisé en 2002, projet dans lequel toutes ces opportunités ratées ont été vainement relancées et qui est toujours au stade «on va faire !» … Quel gâchis ! Où sont les droits universels du malade ? Une politique de santé ni préventive ni curative Triste est de constater que, contrairement à l'enthousiasme affiché par nos responsables de la santé publique, notre politique de santé actuelle n'est ni préventive ni curative. Il n'y a aucune politique de santé ! L'option curative a débuté en 1986 avec la création des 13 CHU implantés dans seulement 10 wilayas et con-sommant 30% du budget de la santé. On subit à ce jour les conséquences de ce déséquilibre régional injustifié ! L'organisation et le fonctionnement de ces «CHU», destinés selon leurs partisans, aux «soins et formation de pointe», excluaient automatiquement les soins de santé primaires, qui sont pourtant l'outil et le lieu de prédilection de l'application des programmes nationaux de santé. Bien que ces soins étaient fortement recommandés par l'OMS et venaient d'être consacrés par la déclaration d'Alma Ata (1978), déclaration alors ratifiée par 134 pays, dont l'Algérie. La régression du secteur public s'est accentuée à partir de 1988 avec la libéralisation du secteur de la santé et s'est surtout aggravée depuis 1997 par l'officialisation d'une activité complémentaire, jusque-là informelle. Sans contrôle ni évaluation, cette activité est, à ce jour, assurée dans un flou total, aux dépens du secteur public, et bien évidemment au détriment du temps imparti au malade. Une fois encore, l'argument de deux secteurs, public et privé, complémentaires et compétitifs dans l'intérêt du malade, n'a été qu'un leurre ! Le coup de grâce a été porté à la santé publique en 2007, par la «création» précipitée de deux entités résumées dans un même texte (décret exécutif n°07-140 du 19 mai 2007) : des établissements publics hospitaliers et des établissements publics de santé de proximité dénommés respectivement EPH et EPSP. Ces établissements autonomes et complètement isolés des structures mères (hôpitaux), sont pratiquement livrés à eux-mêmes, et connaissent, à ce jour, d'énormes problèmes de gestion et de fonctionnement. C'est l'achèvement de cette destruction programmée du système national de santé. Alors que tous les spécialistes ne cessent de recommander la prévention, nos anciens programmes de prévention connaissent une grave régression. Même des pénuries de vaccins et sérums sont observées et aucun programme sérieux de prévention primaire des MNT n'est appliqué. Pas même pour le diabète ou l'HTA qui constituent un problème de santé publique majeur et suivent une progression alarmante. Selon l'OMS en 2012, l'HTA [pression artérielle systolique (PAS) ou = à 140 mm Hg, ou pression artérielle diastolique (PAD) ou = à 90 mm Hg] est à l'origine de 51% des décès par accident vasculaire cérébral (AVC) et de 45% par cardiopathie coronarienne. Elle est de loin la première cause de morbidité et de mortalité en Algérie où, plus du tiers des adultes de plus de 25 ans en sont atteints (tableau 5). Aujourd'hui, nos services des urgences médico-chirurgicales sont dépassés par le nombre de plus en plus élevé de ces malades, et souvent des patients atteints d'AVC ne sont même plus hospitalisés, faute de place, et meurent chez eux, sans traitement. La pression artérielle moyenne a notablement diminué dans presque tous les pays à revenu élevé, où la prévention est appliquée. Malheureusement, même les résultats probants obtenus aux USA dans ce domaine (où la pression artérielle systolique moyenne d'une population de plus de 300 millions d'habitants a nettement diminué) et utilisés aujourd'hui de par le monde, n'ont pas pu inciter nos responsables à reconsidérer leur politique de santé et à développer une médecine préventive. Faute de veille sanitaire et de prévention primaire, l'hépatite C, signalée dans seulement 28 wilayas de l'Est et du Centre en 2001, s'est rapidement étendue depuis 2007 dans toutes les wilayas du pays. L'infection VIH/Sida progresse dangereusement (tableau 7) et l'OMS estime actuellement une contamination de 0,1% de la population pour les pays du Maghreb. Même la tuberculose, la maladie de la misère et de la promiscuité, pour laquelle il est établi que la prévalence est inversement proportionnelle aux dépenses de santé et au niveau de développement, est plus répandue en Algérie (136 cas/100 000 habitants) qu'au Maroc (106 cas), lequel a des dépenses de santé bien inférieures aux nôtres (152 pour 181 $US). Bien que les facteurs de risque du cancer incluent les quatre principaux facteurs de risque des MNT (tabagisme, inactivité physique, mauvaise alimentation, usage nocif de l'alcool), et sont tous, hormis l'âge et le sexe, contrôlables, la prévention des cancers est pratiquement inexistante chez nous. Pas même une mammographie pour un diagnostic précoce du cancer du sein, le cancer le plus fréquent chez la femme algérienne et qui est guérissable quand il est pris tôt ! De plus, certaines maladies infectieuses sont associées à des cancers, comme les hépatites B et C (cancer du foie), le papillomavirus humain (cancer du col de l'utérus) et la bactérie Helico-bacter pylori (cancer de l'estomac), et pour lesquelles des vaccins préventifs existent et ont prouvé, ailleurs, leur efficacité pour la prévention du cancer primitif du foie (depuis 1981) et du cancer du col de l'utérus (depuis 2006). A quand la prévention de ces cancers chez-nous ? L'augmentation ces dernières années de l'incidence et de la prévalence des MNT est étroitement liée au stress engendré par la société moderne, un facteur de risque souvent négligé. Une importante étude publiée en 2009 par les universités de Chicago et Yale a conclu que «solitude et stress sont les alliés du cancer du sein». Le stress augmente de 19% la maladie coronarienne chez le sujet sain et de 24% le risque d'attaque chez les cardiaques (Journal of medical College of Cardiology, Londres, 09 mars 2009). Ainsi, l'absence d'une prévention primaire, la mauvaise prise en charge du malade et le stress continu engendré par l'accumulation des facteurs socio-économiques et politiques qui font le lot du quotidien algérien depuis plus de deux décennies et contre lesquels on ne fait rien (inflation, chômage, embouteillages, instabilité, insécurité, bureaucratie,…), ont conduit à cette dégradation alarmante de la santé des Algériens. Et, alors que nos services de santé sont actuellement dépassés par le nombre de plus en plus élevé de demandeurs de soins, on continue à faire le rafistolage des structures héritées de l'époque coloniale. Malgré les sommes faramineuses consommées par ce secteur, pas un seul des quatre CHU que compte la capitale n'a été construit par l'Algérie indépendante ! Le monde entier lutte contre le tabagisme – incriminé dans 30% des cancers, ainsi que dans les MCV, les affec-tions respiratoires, … – alors que plus du quart des hommes (26% en 2005) continuent de fumer, publiquement, chez nous. Longtemps considéré comme zone de transit, l'Algérie est aujourd'hui un pays consommateur de drogue. La dégradation de l'hygiène générale dans nos hôpitaux transformés en véritables chantiers et dans nos agglomérations devenues par endroits de véritables décharges publiques, ne peuvent qu'aggraver cette situation déjà très grave. Ce n'est certainement pas en faisant des actions ponctuelles de temps à autre ou en célébrant la Journée mondiale de telle ou telle pathologie qu'on assurera une prévention réelle ! Seule l'application des actions préventives durant des années, de façon continue et dans les 1541 communes du pays, pourra aboutir à une modification de notre mode de vie et à un changement de notre comportement social. L'information, l'éducation et la communication (IEC) étant la base de la prévention primaire, il est impératif de créer une chaîne de télévision spécifique pour l'IEC en matière de santé, afin d'aider le citoyen à connaître les risques pour sa santé. Une telle action sera certainement d'un apport inestimable, tant sur le plan humain que de son incidence économique sur les dépenses de santé ! Une non-assistance à personne en danger Actuellement, l'impossibilité, humaine et/ou matérielle, de prendre en charge, à temps, nos malades, par les structures publiques, s'étend pratiquement à toutes les pathologies lourdes et/ou chroniques : HTA et ses répercussions cardiovasculaires, diabète et ses complications dégénératives, syndrome métabolique, cancers, affections respiratoires, insuffisance rénale chronique, polytraumatisés,…Ne pas disposer en 2013 de suffisamment de moyens pour prendre en charge nos cancéreux, est inadmissible ! C'est un véritable scandale d'Etat, quand on sait que : (1°) – l'épidémiologie des cancers en Algérie et leur progression quasi-constante sont connues depuis plus de vingt années (registres du cancer) ; (2°) – parmi les 39 400 nouveaux cas diagnostiqués en 2009, le tiers (plus de 13 000 malades) étaient déjà à cette époque en attente d'un traitement; (3°) – le dernier «Plan cancer» a été finalisé depuis 2006 (7ans !) ; (4°) – la loi exige la prise en charge du malade selon «les données actuelles de la science», et la radiothérapie fait partie intégrante de l'arsenal thérapeutique du cancer depuis plus d'un siècle (1er traité de radiothérapie en 1904 par Joseph Belot) ; (5°) – l'aisance financière de ces dernières années ! Il est certain que de nombreux malades sont décédés, ou décéderont, avant d'atteindre leur hypothétique «rendez-vous» pour 2014 ! Le délit de non-assistance à personne en danger est, depuis longtemps, établi et consommé ! Quant à nos patients, ils sont en droit d'exiger la réparation morale et matérielle du préjudice subi. Et, même si depuis 2011 nous sommes à l'ère de la «dépénalisation de l'acte de gestion», il ne faut jamais oublier qu'il y a une justice divine, et que Dieu, le Tout-Puissant, est toujours près du malade. Alors que les victimes de cette grave négligence se comptent par milliers, personne n'évoque la notion de responsabilité, notion qui n'existe plus chez nous. Le MSPRH a, durant des années, marginalisé, exclu et même détruit tous les cadres intègres et compétents qui ont fait preuve de nationalisme et se sont opposés à cette «faillite programmée du système de santé» (El Watan des 11-12 -13 juin 2004 et 6-7 juillet 2011) ! Il a confié la gestion de la santé publique à des individus sans discernement entre l'utile, le nécessaire et l'indispensable pour le malade, au point de préférer le marbre et la faïence au matériel médical vital pour le malade et de transformer nos hôpitaux en véritables chantiers. Sa responsabilité étant entièrement engagée, il doit assumer l'échec évident de sa politique. Plus de 20 années de grèves lourdement prejudiciables pour le malade Le plan de carrière des spécialistes de santé publique et leur progression en spécialistes de 1er, 2e, 3e degrés sont clairement définis depuis 1991 (décret exécutif n°91-106 du 27 avril 1991, portant statut particulier des praticiens médicaux généralistes et spécialistes de santé publique). Durant plus de dix années de revendications par leur syndicat, ce statut sera totalement ignoré par l'administration centrale du MSP, au mépris de la loi et du préjudice causé au malade, puis modifié et complété en 2002 par un second texte (décret présidentiel n°02-338 du 16 octobre 2002), dont la non-application, également, justifiera les fameuses grèves des spécialistes de santé publique. Malgré la sagesse qui caractérisa ces mouvements légitimes -discontinus (17 au 24 février 2002 et 22 avril au 14 mai 2002), puis continus (28 septembre au 13 novembre 2002 et 6 janvier au 5 mars 2004) – , l'administration centrale n'aura pour arguments que le reniement de ses propres engagements (PV des réunions des 14 mai 2002, 13 novembre 2002, 27 novembre 2002, 22 avril 2003,…), la désinformation et la discorde au sein du corps médical (communiqués de presse successifs des professeurs en sciences médicales, du SNPSSP et du MSPRH, respectivement en dates des 18, 22, et 26 janvier 2004), et le recours, en fin de compte, à l'autorité judiciaire pour mettre fin à une grève légitime. Un total de 121 jours (quatre mois !) d'arrêt de travail pour plus de trois mille médecins spécialistes à travers le territoire national, puis une reprise normale, dans une totale indifférence des «responsables» de la santé publique. Le malade restera, comme d'habitude, leur dernier souci ! Tous les corps de ce secteur (médecins résidents, psychologues, gestionnaires, paramédicaux, corps communs), y compris celui des rang magistral, ont subi, durant des décennies, ce même traitement hautain et méprisant de la part de cette «administration centrale» du MSP, qui n'accepte de négocier qu'après que le mal soit fait. Et pour preuve, ce n'est qu'après plus de vingt années de protestations et départ à la retraite ou extinction de bon nombre d'entre eux, que les professeurs hospitalo-universitaires ont pu enfin obtenir, théoriquement, gain de cause en 2008. Un décret portant statut particulier de l'enseignant chercheur hospitalo-universitaire est signé par le chef du gouvernement le 3 mai 2008 et publié le 4 mai au JO de la RADP. Mais, ce n'est qu'après plus de 3 années, encore, de protestations, que l'arrêté d'application de ce décret a pu être établi en 2011 ! De même, plus de 5000 médecins résidents sont restés grévistes durant plus de quatre mois (14 mars au 15 juillet 2011), alors qu'au même moment, la grève des hôtesses et stewards n'a duré qu'une journée (15 juin 2011) et celle des postiers seulement six jours (27 mai au 1er juin 2011). Pourtant, ce que l'homme possède de plus précieux c'est sa vie, et elle ne lui est offerte qu'une seule fois ! L'unique explication est que ces deux derniers syndicats ont eu en face d'eux une administration sérieuse. Ce qui, malheureusement, est loin d'être le cas pour notre secteur de la santé. Quelle crédibilité peut-il encore rester chez une tutelle qui n'honore même pas ses propres engagements, qui refuse de négocier et qui, face aux différents syndicats, a toujours fait preuve d'impéritie notoire, voire d'incompétence, au point de recourir, à chaque fois, à l'autorité judiciaire, à des ponctions irrégulières sur salaire et même à la menace d'importer un personnel étranger, pour mettre fin à des revendications légitimes et accessibles ? Outre la souffrance humaine, il est certain que de nombreux malades, surtout dans l'Algérie profonde, ont perdu la vie ou gardé des séquelles indélébiles, suite à ces absences répétées et prolongées de médecins, souvent concomitantes, à des pénuries de médicaments, comme cela a été le cas lors de la grève des spécialistes en 2004, où le stock de sécurité était nul au 21 mars 2004 pour 271 produits (rapport n°897/DG/PCH/2004). Même la digoxine, médicament d'urgence en cardiologie, manquait dans nos officines ! Est-il juste, qu'aucun des responsables de cette tragédie nationale n'ait été identifié et encore moins inquiété ? En santé publique, l'impunité n'est pas seulement amorale ou dangereuse, elle est la ruine de l'Algérie. Elle est mortelle ! La légèreté déconcertante avec laquelle est géré un secteur aussi vital que la santé est très grave! N'est-il pas temps de mettre un terme à cette anarchie dramatique qui règne dans nos hôpitaux ? Jusqu'à quand cette expectative inquiétante des pouvoirs publics, et en particulier des membres de l'APN en tant que représentants du peuple ? Pourtant, la Constitution stipule bien dans son article 161 : «L'Assemblée populaire nationale peut, dans le cadre de ses prérogatives, instituer à tout moment des commissions d'enquête sur des affaires d'intérêt général.» On ne sait plus si, chez-nous, la santé des citoyens est une affaire d'intérêt général ? Jusqu'à quand nos malades devront-ils continuer à souffrir et mourir sans traitement ni prise en charge ? Où sont les droits constitutionnel du malade ? Ne pas nuire ni susciter des actes nuisibles Il est bien possible que la civilisation de l'Egypte antique (3000 ans av. JC), si techniquement avancée et par ailleurs si hautement spiritualiste, ait imposée des bases morales probablement très pures à la médecine qu'elle a pratiquée. Ce qui est sûr, c'est que l'assistance aux pauvres était, dès les temps pharaoniques, tenue pour essentielle. Il en est de même pour la civilisation babylonienne et chez les Hindous où, dès les époques les plus reculées la médecine était exercée dans des conditions hautement morales. Le plus ancien code de déontologie que nous aient légué les civilisations occidentales est sans doute le serment d'Hippocrate (460 – 371 av. JC). Ce texte élaboré au 5e siècle avant notre ère, à l'époque la plus brillante de la Grèce antique, résume une expérience de 25 siècles de pratique médicale et formule les règles de la moralité professionnelle. Hippocrate était contre l'avortement et l'euthanasie. Le hadith du Prophète Mohammed (QSSSL) : «Là dharàr wa là dhiràr » (Ne pas nuire ni susciter des actes nuisibles), est un principe de précaution fondamental qui nous enseigne l'éthique de l'acte médical et la prévention de ses conséquences. Il complète, on ne peut mieux, le fameux «Primum non nocere» («D'abord ne pas nuire») d'Hippocrate. Pour Razès (Abou Bakr Mohammed Ibn Zakaria, 864-925), l'un des plus éminents médecins qu'ait connus l'humanité, la qualité humaine du médecin ne peut être considérée comme complète et ne peut se manifester sans des valeurs et la religion est la source de toutes les valeurs. Il lui recommande : «Tu dois être l'ami des gens, gardien de leurs secrets… Tu dois préserver ton regard et le limiter à la localisation de la pathologie… Tu devras te vêtir de la robe de la pureté, de la pitié, et du sentiment de la présence de Dieu, en particulier lorsque tu soigneras les femmes, … » Au Xe siècle, Avicenne (Ibn Sinâ, 980-1031), posa clairement la «base éthique de la médecine», avec beaucoup d'humilité : «L'art de soigner l'humain, en toute culture, sans autre considération que le patient. La médecine est l'art de conserver la santé et éventuellement de guérir la maladie survenue dans le corps.» Ce qui est vraiment extraordinaire, c'est que, contrairement à ce que beaucoup pensent aujourd'hui, ces valeurs universelles ancestrales, qui constituent le ciment de toute société humaine, n'ont jamais régressé. On ne peut que remercier et rendre hommage à toutes ces associations et ONG, nationales et internationales, qui incarnent la conscience humaine contemporaine et sont toujours présentes au chevet du malade pour l'accompagner dans sa détresse et apaiser sa souffrance. On ne fera croire à personne, et surtout pas à l'opinion publique, qui commence à se démarquer du corps médical, que le fait d'assurer un «service minimum» lors d'une grève prolongée du secteur de la santé, le malade n'encourt aucun risque et que notre conscience est tranquille ! Même en dehors d'une pathologie tumorale, laquelle reste, évidemment, une course contre la montre, le fait de différer, tout simplement, un geste médico-chirurgical ou un traitement spécifique, n'est-il pas un acte nuisible ? Par ses violations manifestes de la réglementation en vigueur et en tant que seule détentrice du pouvoir d'ouvrir ou de clore des négociations, l'administration centrale du MSPRH assume l'entière responsabilité morale, civile et pénale, de ces grèves illimitées. Mais, même si, pour notre malheur, nous avons aujourd'hui des décideurs de ce vaste secteur sensible, inconscients de leurs lourdes responsabilités, on ne doit jamais oublier qu'avant tout, nous sommes des médecins et que nous avons délibérément opté pour ce noble art. Notre objectif principal reste, et restera toujours, le bien-être du malade ! Pour éviter tout dérapage qui risquerait de nuire au malade et porter gravement atteinte à notre éthique médicale, il semble, aujourd'hui, que la redéfinition, voire le balisage, de ce «service minimum», souvent confondu, à tort, avec «urgences médico-chirurgicales», s'impose.