Les mass media égyptiens, dans leur ensemble, télévisions, radios et journaux, se sont distingués par un traitement absolument partiel et subjectif de l'agression dont a fait l'objet l'équipe nationale algérienne à son arrivée au Caire jeudi soir et qui a occasionné, il n'est pas inutile de le rappeler, des blessures d'inégale gravité à quatre joueurs. Le Caire (Egypte). De notre envoyé spécial « Farce », « stratagème algérien », « cinéma burlesque », « comédie », « incident bizarre », « ruse algérienne », « scénario monté de toutes pièces », « provocation algérienne délibérée » et « plan algérien machiavélique », telles sont les expressions qui sont le plus souvent revenues dans la bouche ou sous la plume des commentateurs et journalistes égyptiens. Se basant sur des informations tronquées ou sciemment déformées, les médias du Nil ont avancé de manière unanime que ce sont les joueurs algériens qui ont brisé d'eux-mêmes les vitres de leur bus à l'aide d'extincteurs d'incendie, s'occasionnant par-là même des blessures. Dans quel but ? Nos vaillants commentateurs avancent sans sourciller que la délégation algérienne n'aurait imaginé ce scénario grotesque que pour justifier la cinglante défaite qui l'attend au Cairo Stadium. Pas une seule image de joueurs algériens blessés et couverts de sang n'a été diffusée ou publiée. Le seul témoignage auquel a bien voulu faire référence la presse cairote est celui du chauffeur du bus égyptien qui affirmait, devant des micros généreusement tendus, que ce sont les joueurs algériens qui ont cassé eux-mêmes les vitres. Au moment où la caméra zoomait sur son col de chemise légèrement décollé, le chauffeur soutenait sans ambages que lui-même avait fait l'objet d'une agression par « une haute personnalité algérienne ». Les Algériens auraient monté ce scénario de toutes pièces afin d'exiger la présence des observateurs de la Fifa pour tenter d'annuler la tenue de la rencontre au Caire et de la faire jouer sur un terrain neutre. De manière concertée et unanime, la presse a donc pris sur elle d'orienter fermement l'opinion publique égyptienne sur la piste d'un simulacre d'agression somme toute, selon elle, assez habituelle des « provocations auxquelles nous ont habitués les frères algériens ». Les points de suture de Saïfi et de Lemouchia n'ont à aucun moment été évoqués ou montrés. On a préféré mettre l'accent sur la « chaleur et l'hospitalité » dont la délégation a fait l'objet à l'aéroport du Caire, la présence massive des forces de l'ordre égyptiennes pour assurer sa sécurité et le fait que l'hôtel choisi pour l'abriter n'est qu'à un jet de pierre – c'est le cas de le dire – de l'aérogare et que toute forme d'agression ne peut donc être que simulée. D'autres commentateurs ont préféré revenir sur le saccage supposé de l'équipe nationale d'Egypte à Annaba et sur le fameux épisode de l'agression par Lakhdar Belloumi du médecin égyptien des Pharaons en concluant sur cette sentence lapidaire : « Nous avons été agressés à plusieurs reprises par les Algériens et nous n'avons pas fait tout ce cinéma. » Le plus grave est que la presse égyptienne n'a pas seulement minimisé et décrédibilisé l'agression mais elle est allée jusqu'à l'imputer à la partie algérienne la faisant passer du rôle de victime à celui de coupable. L'explication d'un comportement si peu professionnel, c'est dans la rue égyptienne qu'il faudrait probablement la chercher. Constatant le peu d'engouement d'un public qui a de la peine à croire sérieusement aux chances des Pharaons de remonter leur handicap, la presse a commencé depuis des semaines à battre le tambour afin de chauffer les esprits. Les médias savent pertinemment que leur équipe a besoin d'un public chauffé à blanc pour la porter jusqu'à la qualification. Ils ont donc évacué toute considération autre que celle de garnir les tribunes d'une foule fanatisée pour vaincre l'adversaire algérien.