Les états-majors de l'Alliance présidentielle (FLN, RND et MSP) se retrouveront aujourd'hui au siège central du FLN pour mettre en place les structures organiques de la coalition dont le principe avait été annoncé à l'occasion de la célébration du premier anniversaire de l'Alliance le 16 février dernier. Après une année d'existence, virtuelle, car sur le terrain l'Alliance en tant qu'entité politique structurée et organisée autour d'un programme d'action commun n'a jamais existé, les partis de l'Alliance présidentielle considèrent que le moment est venu de jeter les bases d'un cadre organique pour se préparer aux échéances politiques et électorales à venir. On ne sait pas quelle forme prendra cette structuration de l'Alliance si, à l'instar des expériences classiques du genre, elle sera dotée d'une direction politique nationale et de démembrements au niveau local. L'organisation de l'Alliance porte en elle le risque de voir chacune des formations prétendre au leadership même si le Fln, en tant que parti majoritaire, a toutes les raisons d'imposer sa candidature aux postes décisionnels de l'Alliance. A moins d'opter pour une direction collégiale pour éviter les susceptibilités des uns et des autres et la tentation de transformer l'Alliance en opération d'achat publique (OPA) qui travaillerait, parallèlement à son soutien au programme présidentiel, pour des intérêts partisans étroits d'une formation politique. L'enjeu lié au pourvoi des organes de décision et de fonctionnement de l'Alliance qui offre ce privilège tant convoité dans les sphères de la clientèle du Pouvoir de se placer dans une position avancée par rapport au centre de décision de ce Pouvoir, autrement dit du président de la République, laisse augurer une rude bataille au sommet entre les trois partis. Et même si dans un élan de sagesse et de responsabilité ces formations parviennent à trouver un terrain consensuel pour le partage des postes au sein des organes de direction de l'Alliance, les termes de l'équation demeureront toujours inchangés. Née dans l'euphorie de l'élection présidentielle d'avril 2004, et il ne faut pas avoir peur des mots, de l'opportunisme qui avait gagné les partis de l'Alliance, lesquels ont tous cette particularité d'avoir toujours fréquenté les allées du Pouvoir, y compris le Msp avec sa stratégie de l'entrisme, l'Alliance présidentielle fut jusqu'ici beaucoup plus un vœu pieux, un projet aux contours imprécis et flous qu'une réalité politique tangible. Il est significatif en effet qu'une coalition de cette nature, qui ne devrait normalement rencontrer aucune difficulté pour se structurer et activer sur le terrain, forte en cela du puissant soutien de Bouteflika, ne soit pas parvenue à trouver ses marques tout au long de cette première année d'existence et d'exercice du mandat présidentiel. Pourtant, les enjeux n'ont pas manqué au regard des dossiers sensibles entrant dans le cadre de la mise en œuvre du programme présidentiel qui ont occupé le devant de l'actualité. La mobilisation des partis de l'Alliance par rapport à la défense de certains projets très controversés, tels que les réformes de l'école, de la justice, le code de la famille ou encore la loi sur les hydrocarbures, fut très en deçà de ce que l'on pourrait attendre d'une Alliance présidentielle qui suppose un engagement plus résolu au sein de chaque formation et dans le cadre plus global de la coalition. Les hésitations et les silences pesants qui ont marqué jusqu'ici le fonctionnement ou plutôt l'inertie de l'Alliance ne sont en fait que le reflet du melting-pot politique qui caractérise l'Alliance. Dès sa naissance déjà, nombreux sont les observateurs à avoir qualifié cette entité d'alliance contre nature de par les différences, pas seulement de degré, mais de fond, programmatique, qui opposent le Fln, le Rnd et le Msp. Qu'est-ce qui pourrait en effet rapprocher ces partis sinon la tentation de s'atteler au wagon du Pouvoir ? D'abord, le Fln et le Rnd : peut-on imaginer le Fln, qui a été chassé du pouvoir de façon humiliante par le parti de Ouyahia, faire la paix avec ce dernier et construire leur avenir ensemble ? Les cadres du fln qui ont rejoint le Rnd, lorsque ce parti était à son zénith, au temps béni où il était le parti élu du Pouvoir sous le règne de Zeroual, ont été tout bonnement considérés comme des « traîtres » par les cadres et militants du Fln restés fidèles au parti. Les ressentiments et les rancœurs demeurent encore aujourd'hui à fleur de peau pour faire table rase de cette page sombre dans la vie du parti. Cela sans parler des programmes des deux partis, lesquels, sans être forcément divergents, ne recèlent pas moins des particularités au plan doctrinal et de la nature du projet de société à construire. La présence du Msp, parti islamiste qui ambitionne de régner un jour à la tête d'une république islamique même si, pour des raisons tactiques et stratégiques, il met les formes, surtout depuis le 11 septembre 2001, n'a fait qu'accentuer encore davantage le caractère hétéroclite et sans fondement doctrinal de l'Alliance. Le président du Msp n'a pas tort en cela de rappeler à chaque fois cette vérité, à savoir qu'il est plus juste de parler de coalition gouvernementale que d'alliance qui suppose un programme commun et la prééminence des intérêts de l'Alliance sur les intérêts partisans. Ce qui est loin d'être le cas. Les partis s'étant engagés à préserver leur autonomie interne, on imagine mal alors comment il leur sera possible de concilier leur engagement au sein de l'Alliance et la concrétisation de leurs objectifs partisans. La réhabilitation du Fln, à la lumière de son dernier congrès, et la nomination de Bouteflika au poste de « président d'honneur » du parti ont contribué à creuser encore davantage le fossé existant entre ces partis, semant et le doute et le désarroi au sein de cette Alliance. La réunion d'aujourd'hui aura beaucoup du mal à faire l'impasse sur toutes ces réalités qui s'imposent au débat.