Les scandales se suivent et se ressemblent à la Banque nationale d'Algérie (BNA). Malgré cela, aucun de ses responsables n'a été appelé, à ce jour, à rendre des comptes. Cette banque a été saignée de plusieurs centaines de milliards de dinars par les barons du système et les trabendistes de tous bords. Cela en toute impunité. Selon des documents en notre possession, cette banque a été condamnée en 2006 par le tribunal de Bir Mourad Raïs à verser 610 millions de dinars à l'Agence nationale de l'amélioration et du développement du logement (AADL). La raison ? La banque, qui avait pour cliente une entreprise chinoise de bâtiment nommée COCPC avec laquelle l'AADL était en affaire, n'a pas jugé utile d'alerter les autorités du pays sur la santé financière extrêmement fragile de l'opérateur asiatique. Conséquence de la légèreté de la BNA : des millions de dinars perdus pour le Trésor et plus 1600 logements qui devaient être livrés en 2005 sont encore aujourd'hui en chantier, pour le malheur des souscripteurs. Rappel des faits. L'affaire commence le 13 novembre 2002. L'AADL, à laquelle l'Etat a confié la construction de milliers de logements, lance des dizaines d'avis d'appels d'offres pour sélectionner les entreprises appelées à prendre en charge ses chantiers. Et c'est dans la foulée que la firme chinoise COCPC a été retenue pour réaliser 1000 logements à Draria (Alger) et 600 autres à Koléa (Tipaza). Au départ, l'entreprise chinoise, qui se révélera être une société écran spécialisée dans la corruption et l'escroquerie des pays du Tiers-Monde était, avant d'ouvrir des comptes à la BNA, domiciliée chez la CA Bank, une banque qui finira par être dissoute. Inutile de revenir sur les circonstances qui ont concouru à la disparition de cette institution financière. Elles sont connues de tous. Une chose est sûre, c'est qu'après avoir signé sont contrat avec l'AADL, il s'est avéré au fil des mois que la société chinoise – une entreprise que même l'ambassade de Chine à Alger a affirmé à l'époque ne pas connaître lorsque les autorités algériennes ont commencé à se renseigner sur elle – était incapable de tenir ses engagements. Les chantiers confiés à la COCPC n'ont pas du tout avancé alors qu'ils devaient être achevés en 20 mois. Devant un retard de près de trois années, les souscripteurs s'impatientent. Des protestations sont même organisées au siège de l'AADL à Alger pour dénoncer la situation. Devant un tel constat, la direction de l'AADL a décidé, le 4 mai 2005, de résilier son contrat avec la COCPC. Naturellement, il a été demandé à celle-ci de rembourser, entre autres, une avance de 5% du coût global du projet que l'AADL lui avait viré dans ses comptes. La justice va dans le sens des attentes de l'AADL. Seulement, grosse surprise, l'entreprise disparaît dans la nature, laissant un grand point d'interrogation sur l'affaire. Qui doit prendre en charge le préjudice financier causé à l'AADL ? Comme il fallait s'y attendre, tous les regards se braquent sur la BNA qui, faut-il rappeler, a été déjà accusée l'an dernier dans la presse d'avoir donné au gouvernement des bilans incorrects. Tout le monde pense en effet que la société chinoise n'aurait pas pu berner la République et se faire la belle avec l'argent des contribuables si la BNA avait accompli son travail. C'est ainsi qu'après une longue bataille juridique, la justice oblige la BNA à payer la note de frais qui s'élève à plusieurs centaines de millions de dinars. Le problème est que malgré cette décision de justice et de nombreux rappels à l'ordre, la BNA refuse, à ce jour, de s'exécuter. Du côté de l'AADL, les responsables ne veulent visiblement pas faire de vagues. Plutôt que d'avoir une attitude frontale avec la BNA et de médiatiser l'affaire, ils préfèrent calmer le jeu et dire que « le dossier est en train de se régler ». C'est du moins ce qu'a déclaré à El Watan la directrice de la communication de l'AADL, Mme Bourenane. Mais tout porte à croire que cette sérénité n'est que de façade puisque le directeur de l'AADL a adressé plusieurs courriers à la justice pour l'inviter à obliger la BNA à rembourser l'argent perdu avec les Chinois. A l'inverse, l'agence BNA d'El Biar, qui est particulièrement mise en cause dans cette affaire, observe une attitude de défiance et a même refusé de répondre à nos questions lorsque nous avons cherché à en savoir plus. « Nous n'avons rien à vous dire », a déclaré une responsable de la banque lorsque nous avons pris contact avec elle. Cette attitude voudrait-elle signifier que la direction de la BNA est couverte en haut lieu ? Si c'est le cas, par qui ? Comment une petite entreprise chinoise a pu prendre avec une telle facilité des millions et s'évaporer dans la nature alors que cette banque refuse d'ouvrir des lignes de crédit aux industriels algériens ? Ce n'est pas tout. La justice qui vient, dans cette affaire, de perdre de sa crédibilité en se montrant incapable de faire appliquer ses propres décisions prouve que les notions de bonne gouvernance et de transparence sont encore un vain mot en Algérie. En tout cas, la BNA est l'exemple-type de l'opacité qui règne dans le pays.