Les supporters algériens ont créé l'événement à Khartoum, la capitale soudanaise. De l'aéroport d'Alger jusqu'à celui de Khartoum, capitale soudanaise, après leur retour au pays, ils ont fait du match Algérie-Egypte une fête algéro-soudanaise. Khartoum (Soudan). De notre envoyée spéciale Dès l'annonce des départs à prix symbolique pour Khartoum, des milliers d'Algériens envahissent l'aéroport d'Alger. Certains munis de billets déjà achetés au niveau des agences Air Algérie, d'autres uniquement de passeports. Beaucoup ont déjà passé deux nuits dehors. L'aéroport international est saccagé par un groupe de jeunes. Pour une meilleure organisation, les départs vers le Soudan sont affectés au terminal A, consacré aux hadji. Les guichets sont dépassés par le nombre de passagers. Les deux directeurs généraux d'Air Algérie, Wahid Bouabdellah et de la Sûreté nationale, Ali Tounsi, tentent de rassurer les jeunes en promettant à tous un ticket de voyage. « Nous avons reçu 1,750 million de demandes pour 9000 places. C'est normal qu'il y ait cette anarchie », explique M. Bouabdellah. Des sacs contenant des biscuits, des pommes, de l'eau et des drapeaux sont donnés par des volontaires, alors que les représentants du ministère de la Santé leur offrent des comprimés contre le paludisme et la malaria. Des puces Mobilis sont distribuées gratuitement aux supporters. A 13h, 144 d'entre eux embarquent à bord d'un Boeing 737 d'Air Algérie. Drapés de l'emblème national, hissant des drapeaux, certains le visage peint en vert et rouge, ils continuent à chanter et à danser. L 'avion se transforme en une tribune de stade. Aucune différence, même dans les habits. Il y en a même qui sont venus chaussés de mules, vêtus d'un tricot de peau et qui font leur baptême de l'air. Ils viennent d'Oran, de Annaba, d'Alger, de Constantine et même de France. Tous partagent et caressent le rêve d'aller soutenir l'équipe nationale. Durant les 5 heures de vol, ils ne cessent de danser et de faire des va-et-vient entre les fauteuils. Des pochettes de toilette sont offertes par la compagnie à tous les passagers. Le commandant de bord, M. Mimouni, sort de la cabine et demande aux passagers de « représenter dignement l'équipe algérienne et surtout l'Algérie ». L'atterrissage se fait sous les « one two three viva l'Algérie », « Rana djaïne ou festad maâwline » (nous arrivons au stade avec la volonté). Plusieurs appareils à l'effigie d'Air Algérie sont déjà sur le tarmac, en cette nuit de mardi à mercredi. Il est 00h30 minutes. Après avoir reçu les billets de stade, les supporters sont transportés par les bus vers le complexe des expositions, situé à Oumdurman, dans la capitale soudanaise. Ici, les hangars sont déjà au complet. Alignés comme des sardines à même le sol, alors que d'autres ont préféré rester en plein air en dépit d'un froid glacial de moins de 10 degrés. L'endroit porte déjà un nom, « Guantanamo », donné par le premier groupe de supporters arrivé dimanche dernier. Un dispositif de sécurité impressionnant, policier et militaire, entoure le complexe. Très vite, les Algériens sympathisent avec eux et prennent même des photos souvenir. Certains échangent leurs numéros de téléphone. L'hospitalité et le soutien des Soudanais à l'Algérie surprennent tout le monde. Dès le matin, les jeunes habillés de drapeaux, les visages peints de couleurs verte et blanche prennent d'assaut les petits tricycles qui servent de taxis aux Soudanais. Les supporters occupent toute les rues et avenues de Oumdurman, à Khartoum. Aucune différence avec l'ambiance à El Harrach, Bab El Oued ou El Hamri lors d'un match décisif. De nombreux véhicules sont drapés de l'emblème national, très demandé par la population de Khartoum. Près de 20 000 drapeaux sont distribués gratuitement par l'ambassade d'Algérie. Une grande sympathie est affichée par la population soudanaise à ses hôtes et ces derniers le lui rendent bien en apportant un vent de fête sur leur ville. Le courant passe très bien puisqu'ils partagent la langue arabe. Les jeunes Algériens sont partout, dans les bus, les tricycles, les véhicules, les restaurants, les commerces, les places publiques et même dans les mosquées. On dirait qu'ils connaissent parfaitement toutes les adresses de la ville, où ils sont accueillis avec joie et le signe (de la main) de la victoire. Les klaxons ne cessent de retentir, donnant à la ville un air de fête. « Djeich, chaâb, maâk ya Soudan » (armée et peuple avec le Soudan), « Djeich, chaâb, maâk yal Béchir » (armée et peuple avec Béchir, le président soudanais) sont des slogans qui reviennent le plus souvent. Le « one two three viva l'Algérie » a fini par être adopté par les Soudanais, qui le répètent à chaque fois qu'ils rencontrent un Algérien. Les Algériens, devant chaque poste militaire, crient « Djeich, chaâb, maâk ya Soudan » (armée et peuple avec le Soudan). Dans ce climat de fête, les drapeaux égyptiens se font rares. Seuls quelques uns, accrochés aux murs de quelques commerces ou de chantiers (détenus par les Egyptiens) font l'exception. Dès 10h, les gradins du stade sont déjà occupés par quelques centaines de supporters algériens. L'endroit ressemble à une citadelle. Un impressionnant dispositif sécuritaire, entre militaires et policiers, encercle le lieu, scindé en deux parties, l'une réservée aux Egyptiens et l'autre aux Algériens. Un exploit pour les forces de sécurité soudanaises L'organisation est tellement parfaite qu'aucun des deux camps n'a pu franchir la zone tampon (entre les deux). Une bonne partie des Algériens, arrivés le jour même du match, n'ont pu avoir leur ticket. Ils tentent d'escalader les murs, mais les militaires les chassent. Dès le début du match, ils arrivent à avoir ceux déjà utilisés, balancés par dessus les gradins qui donnent sur l'extérieur. Dès 14h, tous les gradins sont occupés. Les drapeaux algériens sont partout, même sur les pylônes des projecteurs, hauts d'au moins 40 mètres. Comment sont-ils arrivés là ? On n'en sait rien. De nombreux Soudanais sont aux couleurs nationales. « Lorsque nous avons joué contre le Tchad, au Caire, les Egyptiens ont soutenu le Tchad. Nous ne l'oublierons jamais », explique Tidjani. A la fin du match, c'est l'euphorie. Les militaires filtrent les supporters pour éviter qu'ils aillent du côté des Egyptiens. La joie leur fait oublier l'adversaire d'hier. Ils envahissent la ville en scandant des slogans pour l'équipe nationale. Les douaniers les rejoignent. Ils sont tous dans la rue, femmes, enfants et vieux, hissant l'emblème national qu'ils arrachent aux supporters algériens. Certains vont le vendre pour l'équivalent de 100 DA et la demande est tellement importante que certains ont profité de l'occasion pour faire fructifier cet événement. De nombreux supporters soudanais se comptent parmi les femmes qui sont dehors par centaines, en groupes ou accompagnées d'enfants. Le voile saharien sur la tête, elles sont partout, dans les rues de Khartoum, munies de drapeaux algériens. D'autres, au volant de voitures, klaxonnent et hissent des fanions aux couleurs nationales. Une image magnifique qui illustre la sympathie des Soudanais vis-à-vis des Algériens. « Jamais nous n'avons assisté à une telle prestation footbalistique au Soudan. Les Algériens nous ont fait honneur », lance un jeune Soudanais. Si certains supporters préfèrent faire la fête jusqu'au lendemain, des milliers d'autres, sitôt sortis du stade, se dirigent vers l'aéroport pour rentrer au pays. Débordées, les forces de sécurité en ferment l'accès, bloquant un groupe à l'intérieur. C'est l'aérogare réservée aux hadji que le Soudan a mis à la disposition des Algériens, afin d'éviter le contact avec les Egyptiens qui, eux, partaient par l'aéroport international de Khartoum. Pris en même temps dans des bus, ils y sont dirigés sous une escorte impressionnante. La bataille du retour au pays Quelques jets de pierres vont bloquer pendant un moment la circulation jusqu'à ce que tous les supporters soient à l'intérieur de l'aéroport. Une anarchie indescriptible règne dans l'aérogare, où des centaines de jeunes veulent retourner au pays pour « participer à la fête ». Arracher un ticket d'entrée relève de l'exploit. Mais beaucoup arrivent à franchir les premières barrières des militaires pour accéder à la zone d'enregistrement. Tous les moyens sont bons pour y arriver, y compris le scanner à bagages par où les jeunes se sont laissés entraîner avant d'atterrir violemment par terre. Les coups de matraque des policiers ne les empêchent pas de poursuivre leur chemin. Les bousculades se répètent et finissent par provoquer la colère. Tout est saccagé à l'intérieur de l'aérogare. Le premier groupe arrive quand même à l'extérieur, où la température frôle les 10°, laissant derrière une foule de plus en plus importante. Quatre vols viennent de partir avec à leur bord les premiers groupes de supporters et des personnalités. Les militaires jouent au chat et à la souris avec les supporters qui tentent d'envahir la piste à chaque fois qu'ils voient un avion d' Egypt Air décoller. L'attente est interminable. Les groupes devant embarquer sont formés à coups de matraques du fait que chacun veut partir avant les autres. Aucune organisation ni encadrement pour les orienter ou les assurer d'un retour au pays. Les jeunes se sentent abandonnés. L'un d'eux prend un mégaphone et demande aux journalistes d'interpeller les responsables sur le sort des milliers de jeunes bloqués à l'aéroport. « Ils n'ont aucun moyen pour rentrer ou pour rester à Khartourm. Il faut que l'Etat algérien, comme il les a aidés à venir, les assiste pour retourner au pays », dit-il. Les jeunes arrivent à franchir le cordon sécuritaire et pénètrent sur la piste d'atterrissage, avant d'être rattrapés à coups de matraque. Les échauffourées se répètent à chaque fois qu'il faut libérer un groupe pour qu'il embarque. Une bonne partie refuse de repartir à bord des avions militaires, dont quatre attendaient à l'aéroport. Dès qu'ils arrivent devant l'appareil, ils sautent des fenêtres du bus et rebroussent chemin. Ils veulent tous voyager avec Air Algérie. Les pilotes militaires ont du mal à convaincre les premiers groupes de monter à bord et leurs homologues soudanais passent des heures à leur courir après sur la piste, pour les ramener aux bus. « Si vous ne partez pas vous allez rester ici. Il n'y aura plus de vol jusqu'à vendredi », leur déclare un représentant d'Air Algérie. Certains changent d'avis, d'autres persistent à réclamer un appareil d'Air Algérie. Un homme, la quarantaine, pleure et s'accroche au cou du représentant de la compagnie, lui lançant : « Je ne veux pas partir dans un Hercule. Je ne supporte pas le bruit et je suis malade. Je veux un Boeing. » Un autre appelle ses camarades, pour aller prendre d'assaut un avion d' Air Algérie en attente à quelques centaines de mètres. Certains le suivent, mais ils sont rattrapés par la police soudanaise. Le jour se lève. Un cinquième vol est déjà parti et le groupe refuse d'embarquer à bord du Hercule. Il va être redirigé vers l'aérogare, où certains supporters ont des malaises. Ils deviennent prioritaires par rapport aux autres, ce qui provoque des frictions entre eux. La chaleur diurne remplace le froid nocturne. Un autre Boeing d' Air Algérie atterrit. Un groupe de passagers est formé à coups de matraque pour être dirigé vers les bus. A la vue de l'appareil militaire, ils refusent de sortir. Ils veulent tous embarquer à bord du Boeing. Le bus de l'équipe nationale arrive et se dirige vers le salon d'honneur. Quelques supporters se jettent par la fenêtre et filent tout droit vers eux. Les militaires accourent et les rattrapent. Les représentants d'Air Algérie les assurent de l'arrivée de nombreux appareils avant la fin de la journée du jeudi. Certains d'entre eux embarquent à bord de l'avion militaire, d'autres refusent. Ils ne veulent pas quitter le bus. Ils sont dirigés alors vers un 767 qui devait transporter l'équipe nationale (pour laquelle un autre appareil est arrivé). C'est la liesse chez les supporters. A 12h30, ils embarquent tous en chantant et en dansant. La fête continue pendant plus de deux heures de vol sans arrêt. La fatigue finit par les faire dormir quelques moments. Mais leur déception est grande lorsqu'ils découvrent que l'avion atterrit à l'aéroport militaire de Boufarik. « Nous voulons aller à l'aéroport d'Alger pour accueillir l'équipe nationale », lancent-il au commandant de bord. Il les rassure en les informant que des bus sont à leur disposition dès leur arrivée. Ils descendent de l'avion sous les applaudissements d'un comité d'accueil qui leur offre des roses. Un bus est mis à leur disposition pour les emmener à Alger et Dar El Beïda, d'autres pour les diriger vers les villes de l'Est et de l'Ouest. Sur la route d'Alger, la circulation est bloquée. Pressés de rejoindre l'aéroport, beaucoup décident de poursuivre le chemin de l'entrée de Baraki jusqu'à l'aéroport. Pour eux, le voyage mérite le déplacement et la fête ne peut se terminer aussi rapidement.