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Une journée chez la famille du coach national
Publié dans El Watan le 23 - 11 - 2009

C'est chez les Saâdane que la conversation sur le fameux match Algérie-Egypte a porté tout au long de notre entrevue.
Tous réunis autour du papa héros, chaque membre de la famille a livré ses impressions. Il faut avouer qu'il n'était pas facile de les convaincre de faire part à l'opinion publique de leurs émotions, état psychologique et joie. Mais notre insistance a payé. D'emblée, le ton est donné par Rabah Saâdane : « Pour être honnête, je dirai que j'ai assez pensé à ma famille durant cette aventure algéro-égyptienne. Le traumatisme subi par ma femme et mes enfants en 1986 est encore vivace. Mon fils Sofiane par exemple a été giflé par son maître à l'époque, jusqu'à lui casser les lunettes, lui disant que c'est ton père qui a fait perdre l'EN. Ceci ne s'oublie pas. » Rabah Saâdane nous prend à témoin pour évoquer les douloureux événements de juin 1986 lorsque des jeunes sont venus pour brûler sa demeure. En fin de compte, la sagesse a prévalu et le pire a été évité. L'entraîneur national a tenu à rappeler pourquoi il a toujours renoncé à reprendre les destinées de l'EN : « J'ai repris accidentellement le parcours avec l'EN en janvier 1989 avec le regretté Diabi, en tant que directeur technique et non comme entraîneur national. C'était déjà osé de ma part après tout ce que j'avais vécu avec ma famille. » C'est un concours de circonstances qui a remis Saâdane à la tête de l'EN. Il précise : « La mort dans l'âme, j'ai dû reprendre les rênes de l'EN après son échec face à la Tunisie. Le coach Ighil Meziane avait démissionné, alors que notre équipe avait un rendez-vous avec le Liberia en mars. Je présidais une cellule composée de Charef Boualem et Aït Mohamed Rachid qui avait pour mission de diriger ce match. Nous avons réalisé un nul. On m'a demandé de continuer, je l'ai fait car j'ai toujours la fibre nationaliste. Nous avons qualifié l'Algérie à la CAN 2004. »
Avant de donner la parole aux autres membres de sa famille, Saâdane veut recadrer sa position. Il indiquera : « Une seconde fois, j'ai été appelé par Raouraoua en janvier 2003 pour occuper le poste de directeur technique. En juillet, le Belge Leekens démissionne. Remake, je reprends l'EN pour la CAN en Tunisie en tant que sélectionneur national avec Charef et Cheradi. Une chose était certaine je ne voulais plus continuer avec l'EN après la CAN. Du côté de ma famille je n'étais pas tranquillisé ». Il est rattrapé par le devoir. « En septembre 2007, après avoir gagné la Coupe arabe avec l'ESS, Raouraoua me propose le poste de sélectionneur national avec un double objectif, se qualifier en Coupe d'Afrique et en Coupe du monde. J'ai demandé un mois de réflexion. Après un conseil de famille, je me suis engagé. » Profitant de la présence de Madame Saâdane , nous lui avons demandé ses impressions sur le match Egypte-Algérie (0-1) : « Sincèrement, je n'ai vu aucun match. Rabah vient de vous donner un aperçu de ce qu'on a vécu auparavant et croyez-moi, il ne reste plus de force ni de courage pour s'afficher devant un écran. » Elle ajoute : « Avant les deux matches Algérie-Egypte, j'ai subi un grand stress et une forte pression. Je n'ai fait que prier. Je ne suis pas restée à la maison. Rabah a voulu nous préserver et a pris ses dispositions cette fois. Mais, dans le fond, je vous avoue que j'étais confiante en ce qui concerne notre qualification. » Le coach national communiquait-il régulièrement avec ses proches ? « Deux fois par jour, le matin et le soir. C'est vrai, qu'en Italie, j'avais des soucis. Avec huit blessés, je ne savais pas quelle équipe j'allais aligner. Mes pensées allaient à ma famille. En Italie, c'était un stage médical et non technique. Je n'avais rien déclaré, car je me présentais au Caire avec une équipe décimée, très mal préparée physiquement et tactiquement. En plus, il y a eu le coup fourré orchestré à notre bus. » Le traumatisme de 1986 refaisait surface. Son fils aîné, Sofiane, reconnaît qu'il se trouvait ces derniers jours sous haute pression. Il souligne : « Comme tout Algérien, j'attendais crispé le coup de sifflet final de l'arbitre du match qui s'était déroulé au Soudan. Je vous affirme que j'étais doublement heureux, aussi bien pour mon pays, l'Algérie, que pour mon père qui a peiné durant longtemps. J'espère que ce bonheur va durer longtemps. » Lui aussi, fait une rétrospective sur ce qu'il a pâti avec sa famille, il affirme : « Vous ne pouvez pas vous imaginer combien j'étais content de voir mon père et son équipe procurer autant de plaisir et de joie à toute notre Nation. Sincèrement, suite à cette qualification, j'ai levé mes mains au ciel et remercié le Bon Dieu pour avoir récompensé mon père ». Ce fut ensuite à Chahinez, la fille de s'exprimer sur le sujet . Elle indique : « J'ai vécu une tension terrible avec ce légendaire match Algérie-Egypte. A un certain moment j'ai eu très peur parce que les Egyptiens avaient délaissé l'esprit sportif pour entrer dans la rivalité pure et dure, puis ce fut de l'obsession de leur part ». Chahinez, qui se dit docile comme son père affirme : « Il prime pour moi, quand je le vois assis, calme, je sais qu'il s'est donné à fond, il ne triche jamais. Je voulais qu'il sorte grandi de cette confrontation. C'est pour cela que pour la première fois de ma vie, j'ai sauté à la fin d'un match, ma fille en est restée médusée ». Azzedine, le troisième enfant, qui vit encore sous le toit de ses parents avoue : « Sincèrement, je ne souhaite à personne le stress que j'ai vécu. Mon père a été victime d'une hogra en 1986. Comme tous les Algériens, je suis heureux du succès acquis à Khartoum. C'était une victoire méritée, remportée loyalement, sans bavure, ni haine de notre part », et d'enchaîner, « laissez moi vous faire une confidence : lors du premier match au Caire, j'ai eu la trouille de ma vie. Je suis du métier comme mon père et je sais ce que veut dire un choc psychologique à la veille d'un match capital, suite à une agression caractérisée. Pour la deuxième rencontre d'appui, j'étais très confiant, surtout après les déclarations de mon père, qui est très réservé dans pareille situation ». Enfin, pour le dernier fils de Saâdane, étudiant à l'étranger, nous n'avons pu entrer en contact avec lui pour donner ses impressions, lui qui n'a pas vécu les péripéties de 1986, puisque pas encore né. La famille Saâdane a fêté vendredi, à sa manière, la victoire de l'Algérie sur l'Egypte.


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