Une centaine d'Egyptiens, travaillant surtout chez Orascom, ont quitté hier l'Algérie. Pour eux, il s'agit juste d'un congé pour passer la fête de l'Aïd, le temps que les esprits se calment. Ils font tous partie de l'équipe d'expatriés de différentes filiales d'Orascom. Regroupés à l'aéroport international d'Alger, ils sont sur le point de prendre le vol d'Alitalia qui les mènera à Rome, puis au Caire. Le cœur serré, ils ont du mal à s'exprimer sur ce qu'ils affirment avoir vécu, notamment à Arzew, à l'ouest du pays, où leur siège a été « saccagé » et leurs maisons « pillées », la semaine écoulée. Sur notre insistance, ils finissent par parler, mais sous le couvert de l'anonymat. « Nous ne comprenons pas comment ces Algériens qui nous accueillaient avec joie se sont retournés contre nous en l'espace de quelques jours seulement », déclare l'un d'eux, un instituteur qui vit en Algérie depuis plus de 7 ans. Il a travaillé à Tiaret, à Tamanrasset, à Alger avant d'être muté à Arzew il y a quelques mois. « J'ai d'excellentes relations avec les Algériens. Je me sentais chez moi en Algérie. Jamais je n'aurais pensé qu'un jour cette situation allait basculer », dit-il. Pour lui, « le climat n'est plus le même. Il y a comme un malaise entre nous et les Algériens. Pas tous, mais une bonne partie. Surtout la catégorie des moins de 30 ans. Ici à l'aéroport, il y a des Algériens qui nous expriment leur sympathie et d'autres qui nous insultent. Il y a comme une cassure. Ce n'est plus comme avant ». Il ne cesse de répéter que lui et ses compatriotes « n'ont rien à voir avec le football » et qu'ils n'ont pas à « payer les erreurs » des autres. « Nous sommes là pour travailler et faire travailler les Algériens. Notre filiale emploi 950 Egyptiens et plus de 4000 Algériens, avec lesquels nous nous entendons comme des frères. Les Algériens sont en droit de vouloir voir leur pays haut et les Egyptiens aussi, mais pas au détriment des uns ou des autres », relève-t-il. Lui emboîtant le pas, un autre expatrié, exhibant une cheville enveloppée d'un pansement, raconte avoir reçu deux coups de pierre, de même qu'un collègue à lui. « Nous sommes encore sous le choc après les attaques que nous avons subies de la part d'un groupe de jeunes. Les services de sécurité ont fait leur travail, mais ils sont arrivés un peu tard sur les lieux », précise-t-il, avant d'être interrompu par un de ses compatriotes. « C'est la presse des deux pays qui a attisé la haine entre les deux parties. Les peuples algérien et égyptien ont en commun la langue, la religion et l'histoire, ils ne peuvent pas se haïr de la sorte. Si les chefs des deux Etats avaient mis un terme à ces dérapages, il n'y aurait jamais eu de violence », dit-il. Après une longue discussion à laquelle ont pris part certains Algériens, les Egyptiens ne semblent pas convaincus que la situation n'est que passagère. « Nos familles sont inquiètes pour nous. Nous allons profiter de la fête de l'Aïd pour partir chez nous et revenir après. Nous avons des billets aller-retour, il n'est pas question de ne plus revenir, nos sociétés sont encore en Algérie et ne comptent pas fermer. Une aubaine pour que la situation se calme et peut-être que les choses iront mieux après. Nous n'en savons rien », conclut notre interlocuteur. Ce dernier refuse d'aller au fond du problème : « Vous êtes algériens et vous mettez votre pays au-dessus de tout. Nous aussi nous sommes des Egyptiens et notre pays est au-dessus de tout. Je ne veux pas vous dire ce que j'ai sur le cœur, parce que vous n'allez pas être d'accord. Laissons le temps panser les blessures de part et d'autre », dit-il avant de se diriger avec son groupe vers la salle d'embarquement.