On est venu questionner le chroniqueur qui, pour le moment, fait de l'ombre au romancier qui débute. Ce n'est pourtant pas l'envie qui manque à Hakim Laâlam de sortir de sa «cage dorée» des «trente lignes» au bas de la dernière page du Soir d'Algérie : «il m'intéresse de sortir de cette cage dorée d'une expression quotidienne et d'aller dans une tentative plus haletante où il faut du souffle». Rue sombre, au 144 bis ne se veut surtout pas le prolongement de Pousse avec eux, le nom de la chronique. «C'est une histoire bien évidemment puisée d'un vécu mais qui n'a rien à voir avec la chronique, ni dans le contenu, ni dans le tempo de l'écriture. Nous ne sommes plus dans ce style saccadé des trente lignes où il faut absolument tout dire» répond à son auditoire Laâlam qui a «pondu» son roman. Le «balbutiement d'une ébauche de littérature» a enfanté l'histoire de Selim Batel, un chroniqueur qui, condamné par un cancer qui le range, a le souvenir intacte des années de sang et de feu et n'est pas prêt à céder un iota de sa liberté d'expression. Au-delà des nombreux éléments distinctifs du personnage principal, le roman, loin évidemment d'une œuvre autobiographique, est «une rupture par rapport aux chroniques qui sont elles puisées dans un vécu qui n'est pas le mien» précise Laâlam, qui s'interdit d'exploiter l'espace de la chronique pour parler de soi, et des siens. Hakim Laâlam a besoin d'avoir un retour d'écoute, un feed-back pour penser à «pondre» un autre roman. «Il faut que cette forme d'écriture puisse trouver un écho, si c'est pour me savonner et me mousser en alignant chez moi des romans, très honnêtement ça ne m'intéresse pas». Tant que «quelque divinités de l'écriture» inspirent son verbe subtil et sarcastique trempé dans la liberté, il gardera, en attendant le flux nourrissant, la seule «casquette de plumitif, des tayabate el hammam». Et on ne s'en plaint pas. On ne se plaint pas des «rires mâtinés de cynisme et de sarcasme» qui invite quotidiennement le régime à «pousser avec eux». Bon souffle.