Par crainte ou par pudeur, la plupart des victimes n'osent pas déposer plainte contre leurs agresseurs, qui sont souvent des proches. La journée mondiale de la violence contre les femmes est actuellement célébrée au niveau de la wilaya de Skikda. Des journées portes ouvertes sont organisées par la direction de l'Action sociale (DAS) au niveau de sept établissements sociaux, notamment les centres pour personnes âgées et handicapés. Le caractère encore tabou du sujet fait que les chiffres avancés par le service de médecine légale de l'hôpital de Skikda sont loin de refléter la réalité, puisque la majorité des femmes agressées ou violentées ne le déclarent pas et s´enferment dans le mutisme. « Les femmes que nous recevons quotidiennement choisissent, par crainte ou par pudeur, de taire leur douleur et leur désarroi ; plusieurs d'entre elles refusent de se présenter et rares sont celles qui osent déposer plainte et mettre fin au calvaire qui se déroule à l'intérieur du domicile conjugal et dont l'auteur est le plus souvent le mari », a déclaré Dr Hamlaoui, médecin légiste. L'on apprend ainsi que depuis le début de l'année en cours, et jusqu'au mois de novembre, il a été recensé, au niveau du service de médecine légale, 6 552 cas de coups et blessures volontaires. « Plus de 50% de ces cas concernent des femmes battues », fera savoir notre interlocuteur. Qu'elles soient issues d'un milieu socioprofessionnel « aisé » ou défavorisé, ces femmes subissent des violences, alors que d'autres restent encore largement soumises au diktat des hommes. « Elles souffrent, dans bien des cas, non seulement de traumatismes physiques, mais aussi et surtout de troubles psychologiques », expliquera le Dr Boukadoum du service de médecine légale. Lors de notre passage à ce même service, pas moins de quatre femmes étaient venues consulter. Elles souffraient de diverses lésions. Nous avons rencontré une mère de famille qui a bien voulu rompre le silence et nous livrer son histoire, tout en requérant, toutefois, l'anonymat. Âgée de 42 ans- elle fait beaucoup plus jeune- élégante et maitrisant parfaitement la langue de Molière, elle raconte qu'elle s'était mariée très jeune, à 19 ans. « Avec mon mari on a fait les mêmes études et nous nous sommes mariés juste après la fin de nos études. Les premières années de notre mariage étaient les plus belles. Mais la première fois qu'il a levé la main sur moi c'était pour des problèmes financiers que nous rencontrions à l'époque. J'ai alors mis ça sur le compte de la colère. » Elle a toujours refusé de songer au divorce, ou porter plainte contre son mari, quoique aujourd'hui les coups provenant de son mari sont moins fréquents, et moins violents, relève-telle. « Vous savez nous vivons dans une société difficile qui n'épargne pas les femmes divorcées, et puis c'était surtout par rapport à mes parents et mes frères qui n'auraient pas accepter un tel scandale », a-t-elle fini par avouer. Malheureusement la violence conjugale n'est pas l'unique calvaire auquel font face de nombreuses femmes, aujourd'hui un autre phénomène a pris un regain d'ampleur aussi bien en zones urbaines que rurales de Skikda, à savoir la violence contre ascendants. « Des mères, des jeunes filles viennent à raison de trois à quatre par jour à notre service portant diverses lésions, elles sont battues par leurs fils, ou frères ; elles expliquent que c'est parce que leurs agresseurs sont sous l'effet de psychotropes, c'est donc une manière d'excuser leur geste », explique le Dr Hamlaoui. Aujourd'hui très peu d'organismes sont mobilisés pour apporter une aide aux victimes. Le manque de structures pour leur prise en charge psychologique et sociale est l'une des raisons principales de leur enfermement sur elles-mêmes. Elles refusent de quitter le domicile conjugal préférant subir la maltraitance plutôt que de se retrouver du jour au lendemain à la rue.