Petit rappel de base pour comprendre le sens et la portée de ces dispositions : le Code des Procédures Fiscales régit les relations entre l'État et les contribuables, partant des droits et des obligations de chacun sur la détermination des bases imposables, le recouvrement de l'impôt et les règles de contentieux. Au gré des amendements de ce code, pour son enrichissement, l'Administration fiscale s'est toujours attachée à garantir au contribuable la connaissance de ses droits et l'application du principe de la procédure contradictoire. L'esprit est que le contribuable, dont les bases sont rappelées ou redressées, a toujours des délais pour exercer ses objections et ses recours. Cependant, les limites du pouvoir de l'Administration sont parfois difficiles à cerner, surtout lorsque des mesures comme celles inscrites au Code des Procédures Fiscales par la loi de finances pour 2014 renforcent les pouvoirs de l'Administration par le niveau d'appréciation qui lui est laissé. Non-opposabilité des clauses contractuelles à l'administration Il est déjà connu que l'administration n'est pas liée, dans la pratique, par le contenu des clauses contractuelles entre parties pour justifier le traitement fiscal de transactions données. Avec l'insertion d'un article 19 bis et la modification de l'article 20 bis-1 du Code des Procédures Fiscales, l'Administration fiscale consacre la non-opposabilité de clauses contractuelles basées sur une optimisation abusive de règles juridiques et plus particulièrement de règles fiscales pour les contourner à l'effet de réduire ou d'éviter l'impôt. C'est ainsi que le nouvel article 19 bis du Code des Procédures Fiscales dispose, dans le contexte du contrôle des déclarations que «Lors du contrôle des déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement de tout impôt, droit, taxe et redevance, l'Administration fiscale est en droit de remettre en cause la sincérité des actes ou des conventions, conclus par des contribuables, dissimulant la portée véritable d'un contrat à l'aide de clauses tendant à éluder ou atténuer les charges fiscales.» De l'application des prix de transfert L'insertion d'un dispositif équivalent à l'article 20 bis-1, qui traite des vérifications ponctuelles de comptabilité, permet également à l'Administration d'initier une telle vérification lorsqu'elle remet en cause la sincérité des actes ou des conventions, conclus par des contribuables, dissimulant la portée véritable d'un contrat à l'aide de clauses tendant à éluder ou atténuer les charges fiscales. Il faut espérer que l'Administration ne rentre pas elle-même dans une situation d'abus de l'application de ces dispositions, car si ces dernières sont conçues pour réduire l'évasion fiscale, elles ne précisent pas les critères constitutifs de la sincérité des actes ou conventions conclus par les contribuables. La loi de finances pour 2013 avait modifié l'article 20 ter du Code des Procédure Fiscales pour préciser, qu'aussi bien à l'occasion d'une vérification courante de comptabilité que d'une vérification ponctuelle, l'Administration peut obtenir une documentation similaire à celle produite par les sociétés relevant de la Direction des Grandes Entreprises (DGE). La justification de la politique des prix de transfert pratiquée intéresse l'Administration pour s'assurer que les conventions conclues entre sociétés affiliées ne déplacent pas les bénéfices d'un territoire à une autre, d'une entité à une autre, par des prix arrangés pour la cause, de réduction de bases imposables ou pour bénéficier de taux plus avantageux. La nouvelle rédaction de l'article 20 ter s'adapte au contexte algérien et plutôt que de se limiter aux opérations intragroupes, précise que les agents de l'administration fiscale, dans les situations de présomption de transferts indirects de bénéfices, doivent demander à l'entreprise des informations et documents précisant la nature des relations entre cette entreprise et une ou plusieurs entreprises situées hors d'Algérie, la méthode de détermination des prix de transfert liés aux opérations industrielles, commerciales ou financières avec les entreprises situées hors d'Algérie, le cas échéant, les contreparties consenties, les activités exercées par les entreprises situées hors d'Algérie liées par des opérations industrielles, commerciales ou financières à l'entreprise vérifiée ainsi que le traitement fiscal réservé à ces opérations. Avec cette rédaction, la restriction aux transactions entre parties liées disparaît et étend la justification à celles conclues avec des entités basées à l'étranger, qu'elles soient ou non liées. Il peut donc s'agir de fournisseurs ou prestataires, de clients ou de partenaires commerciaux pour lesquels l'Administration est en droit d'obtenir la justification de la nature de leurs activités, des contreparties accordées en sus de la structure des prix. Le rejet de comptabilité repensé Le Code des Procédures Fiscales appréhende donc différemment les entreprises membres d'un groupe et celles qui ne sont pas sous ce schéma.Celles qui font partie d'un groupe, sans relever de la DGE, restent soumises à la préparation d'un dossier de prix de transfert, comme celui obligatoirement soumis annuellement par les redevables de la DGE. La nuance réside dans le fait que les sociétés qui relèvent des centres des impôts et des chefs de centre de proximité des impôts (Inspections) n'ont pas d'obligation déclarative annuelle sur le sujet et que la justification en question doit être disponible pour être présentée en cas de vérification de comptabilité, y compris pour les vérifications ponctuelles. En apportant un «lifting» à l'article 43 du Code des Procédures Fiscales, l'Administration fiscale saisit l'occasion d'une mise aux normes pour ne plus faire référence au Plan Comptable National, qui n'était plus en vigueur depuis le 1er janvier 2010, remplacé désormais par le Système Comptable Financier (SCF), mais la modification majeure réside dans la concrétisation de refonte du rejet de comptabilité. L'ancienne rédaction de l'article 43 était pratiquée avec un recours abusif au rejet de comptabilité dès lors que : • la tenue des livres comptables n'était pas conforme aux dispositions des articles 9 à 11 du code du commerce et aux conditions et modalités d'application du Plan Comptable National (dorénavant SCF) ; • lorsque la comptabilité se trouvait privée de toute valeur probante, par suite de l'absence de pièces justificatives ; • lorsque la comptabilité comportait des erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées liées aux opérations comptabilisées. Une fois prononcé, le rejet de comptabilité permettait à l'Administration fiscale de notifier les bases d'imposition arrêtées d'office. Dans la pratique, même lorsque le contribuable apportait des éléments de réponse, la réponse obligatoire de l'Administration fiscale confirmait la taxation d'office. La nouvelle rédaction de l'article 43 du Code des Procédures Fiscales est intéressante au sens que l'Administration fiscale est désormais tenue de démontrer le caractère non probant d'une comptabilité dans les situations où : • la tenue des livres, documents comptables et pièces justificatives n'est pas conforme aux dispositions des articles 9 à 11 du code de commerce, au système comptable financier et autres législations et règlementations en vigueur ; • la comptabilité comporte des erreurs, omissions ou inexactitudes répétées liées aux opérations comptabilisées. Pour la cohérence de structure du Code des Procédures Fiscales, l'article 43 est reversé au premier chapitre qui traite de la procédure contradictoire de redressement et laisse l'article suivant consacré exclusivement aux cas de taxation d'office. L'obligation de la démonstration du caractère non probant de la comptabilité sera particulièrement intéressante à observer, en pratique, dans le cas des sociétés soumises à la certification des comptes par un commissaire aux comptes, l'enjeu étant dans l'alignement du l'interprétation du caractère probant de comptabilité. (A suivre)