Le 62e congrès de l'Association mondiale des journaux (AMJ) s'est ouvert hier à Hyderabad, en Inde, à l'ombre d'une crise financière qui a sérieusement affecté les entreprises de presse partout dans le monde. C'est la présidente de l'Inde, Mme Pratibha Patil, qui a ouvert les travaux du congrès devant plus de 2000 participants venus de 115 pays. Les travaux du congrès, qui débuteront aujourd'hui, verront la remise du prix de la Plume d'or au journaliste pakistanais Najam Sethi, du journal Daily Times. L'AMJ a choisi pour cette rencontre le thème « Le journal : une activité multimédia en pleine croissance ». Ce choix a été arrêté avant le krach de Wall Street et des autres places boursières mondiales, ce qui a amené les organisateurs à introduire quelques modifications dans les débats de ce sommet. Au programme de ce rendez-vous international de la presse, plusieurs tables rondes sont prévues. Mais l'une d'entre elles revêt un intérêt très particulier, c'est celle liée à la liberté de la presse et son rapport à la finance. Selon les organisateurs de ce congrès, si les journaux ne parviennent pas à assurer leur autonomie financière, s'ils ne peuvent pas investir dans les idées, les innovations, « non seulement ils perdront leur utilité et leur raison d´être et ne pourront pas atteindre une vaste audience, mais ils deviendront également vulnérables aux ingérences indues ». Voilà un défi que la presse se doit de relever si elle veut éviter une fin tragique. Ce qui a poussé l'AMJ à admettre, à la veille de l'ouverture du congrès de Hyderabad, que « l'incapacité de beaucoup de pays à répondre aux impératifs financiers et commerciaux mettent en danger le développement de la presse indépendante ». Ainsi, « les journaux ne peuvent pas offrir un journalisme critique et demander des comptes aux autorités au pouvoir si leur propre gestion et leurs finances les empêche de résister aux pressions », estime l'AMJ. Les milieux médiatiques de par le monde estiment que la crise économique a provoqué la chute libre des revenus publicitaires des entreprises de presse et a également eu « un impact négatif sur la diffusion dans de nombreux pays, même si le chiffre global des ventes internationales continue de croître, notamment grâce aux pays en voie de développement ». Face à ce constat très inquiétant, le monde de la presse doit élaborer de nouvelles stratégies. La troisième journée du congrès de Hyderabad sera consacrée à cette problématique. Un groupe de travail présentera les résultats d´une étude mondiale sur la façon dont les éditeurs font face aux changements, restructurent leurs entreprises et introduisent de nouveaux modèles et stratégies pour générer des revenus. Par ailleurs, l'autre thème qui dominera les débats du congrès est en rapport avec les nouvelles technologies de communication et les nouveaux médias. En plus de la crise financière, la presse mondiale fait face à une sérieuse concurrence de l'Internet. La concurrence farouche d'Internet Développer des partenariats plus étroits avec Google et ses concurrents ? Lancer nos propres moteurs de recherche et portails collectifs d'information ? Faire pression pour modifier ou faire appliquer les lois sur les droits d'auteur en ligne ? Poursuivre en justice ou encourager les comportements anti-concurrentiels ? Que faire face à Google ? Le 62e Congrès mondial des journaux tentera de répondre à ces questions, entre autres, au moment où les éditeurs de médias d'information du monde entier réfléchissent aux options et stratégies possibles pour obtenir une plus grande part du gâteau publicitaire en ligne, aujourd'hui dévoré par Google. A cet effet, le vice-président et directeur des affaires légales de Google, David Drummond, sera convié à la tribune du Congrès pour faire part des perspectives du géant de la recherche. Le débat l'opposera à Gavin O'Reilly, PDG du groupe Independent News & Media et président de l'Association mondiale des journaux et éditeurs de médias d'information (WAN-IFRA). Cependant, l'Association mondiale des journaux se montre rassurante quant à la « menace » supposée que peuvent représenter les nouveaux médias. L'essor des médias numériques n'induit pas forcément le déclin de la presse classique. Bien au contraire, « ces deux médias sont complémentaires », estime-t-elle. En attendant des jours meilleurs, beaucoup de journaux, notamment en Occident, traversent une crise sans précédent et de nombreux titres ont disparu. En Afrique, la situation de la presse est encore plus complexe. En plus de la crise économique, les journaux africains font face à des situations politiques des plus défavorables. L'écrasante majorité des régimes politiques du continent sont hostiles à la liberté de la presse et d'expression. L'exception indienne Contrairement à la presse en Occident qui sombre dans une crise mortelle, la presse indienne, quant à elle, se trouve dans une situation très confortable. Ce pays représente aujourd'hui le second marché de presse au plan international après la Chine, avec près de 99 millions d´exemplaires vendus par jour – une diffusion en hausse de 36% sur les cinq dernières années. Plus de 200 millions de personnes lisent un journal quotidiennement et le pays publie 19 des 100 journaux les plus vendus au monde. Selon les chiffres du cabinet français d'audit, d'expertise comptable et de conseil KPMG, la presse indienne connaît un boom. Avec plus de 62 000 journaux en circulation et une croissance de la diffusion de 8% en 2008, la presse écrite connaît une situation inverse de l'Occident. KPMG a prévu que le secteur atteindrait en Inde les 4,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2013, contre 2,65 milliards d'euros en 2008. Aujourd'hui, 71% des Indiens peuvent lire, contre seulement 35% en 1976. Le plus grand quotidien anglais du monde, The Times of India, a vu son nombre de lecteurs se stabiliser autour des 13 millions ces deux dernières années.