Il «fausse toute norme socio-économique», nous indique un citoyen. Celui-ci ne répond pas équitablement à chaque commune, chaque bourgade pour lui offrir confort, énergie et offres de travail. C'est pourquoi le marasme et la malvie qui touchent particulièrement les jeunes sont encore plus profonds et les inégalités plus importantes. Lors de nos sorties dans les communes les plus reculées de la wilaya de Laghouat, notamment les communes de Hadj El Mechri, à quelque 180 km au nord de Laghouat et Hassi Dellaâ (130 km au sud de la wilaya), les citoyens interrogés nous ont confirmé à l'unanimité que ni le découpage administratif de 1984 ni celui adopté en 1991 ne semblent obéir à la logique d'une efficacité administrative dans leur wilaya. Pour beaucoup d'entre eux, l'aménagement du territoire, avec la création de nouvelles daïras et de communes dans cette wilaya du sud du pays, n'a pas été conçu selon les paramètres géographiques et démographiques objectifs. Ce qui a fait de l'actuel découpage un facteur de disparités locales et de répartition injuste de programmes de développement dans une même wilaya. Du côté des partis de l'opposition démocratique relativement implantés dans la région, le responsable régional du Rassemblement pour la culture et la démocratie, Mohcene Belabes, n'a pas été par les quatre chemins pour qualifier l'actuel découpage administratif de «boiteux et anarchique, permettant de satisfaire certains caciques du pouvoir en mal de posture dans leur région». Poussant à fond son raisonnement, il nous a indiqué qu'en effet la wilaya de Laghouat, dont le nombre d'habitants avoisine les 525 000 âmes, est composée de 24 communes réparties à travers 10 daïras. Parmi ces communes, il faut dire que certaines d'entre elles ont la taille de petits villages et de quartiers. Seules 4 réunissent les critères géographiques et démographiques requis pour être hissées au rang de daïra. Il s'agit, selon les observateurs, de Laghouat, chef-lieu de la wilaya (162 027 habitants), Aflou (114 979 habitants), Hassi R'mel (25 011 habitants) et Ksar El Hirane (26 609 habitants). Il est étonnant de voir qu'à l'issue de ce découpage, la localité de Lekhneg, éloignée de quelque 6 km du chef-lieu de la wilaya, est rattachée administrativement à la daïra de Aïn Madhi distante, elle, d'environ 80 km de Laghouat. Et Laâssafya, à 10 km de Laghouat, est rattachée à Sidi Makhlouf, distante, quant à elle, de 40 km au nord de Laghouat. Comment expliquer que la localité de Oued Morra, dont le nombre d'habitants n'est que de 6515, et d'autres telles que Brida (6761 habitants), ont pu être promues au rang de daïra, alors que la localité de Hassi Dellaâ (14 424 habitants) n'a pu accéder à ce statut. De même pour la commune de Tadjmout, qui compte 3535 âmes, est restée rattachée à la daïra de Aïn Madhi, qui ne compte, elle, que 12 565 habitants. Pis encore, la commune d'El Ghicha, dont le nombre d'habitants n'est que de 7206, est hissée au rang de daïra et chef-lieu de commune. Le comble est qu'elle ne compte qu'une seule commune. Ainsi, l'actuel découpage territorial de la wilaya de Laghouat n'a jamais obéi à la logique d'une efficacité administrative et de développement économique et social. Bien au contraire, il a été le plus souvent induit par les rapports de force à l'intérieur des clans dominant le pouvoir politique du pays. «Tous les découpages qui ont été faits depuis l'indépendance par le pouvoir central ne répondent qu'à ses objectifs politiciens», nous a déclaré un citoyen. Ce qui l'a poussé à dire que le statut de daïra attribué à plusieurs localités était devenu un argument électoral et un nouveau principe de clientélisme politique. Du coup, de vastes localités qui devraient bénéficier de projets de développement local continuent à faire l'objet de la politique de «saupoudrage budgétaire», car elles n'ont pas le statut de daïra, alors que d'autres, plus petites, hissées au rang de daïra, sont devenues «budgétivores». Par conséquent, l'aspiration à la mise en place des conditions propices à un développement harmonieux et équilibré s'est évanoui. C'est pourquoi il est urgent de consacrer le principe d'une démocratie de proximité effective pour réduire le chômage, assurer un développement économique et social et mieux rapprocher l'administration du citoyen.