L'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) a demandé jeudi aux autorités françaises de profiter de la présence en France d'Abdellatif Hammouchi, patron du contre-espionnage marocain, pour l'auditionner dans le cadre de plaintes déposées à Paris et relatives à des faits présumés de torture au sein du centre de détention marocain de Temara, qui dépendrait de la direction générale marocaine de la surveillance du territoire (DGST). L'ACAT accuse plus précisément le responsable marocain de complicité de torture. «Nous demandons aux autorités françaises de profiter de sa présence pour l'entendre dans le cadre des plaintes que nous avons déposées à Paris», a déclaré à la presse Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb-Moyen-Orient de l'ACAT-France. M. Hammouchi accompagnait jeudi le ministre marocain de l'Intérieur, Mohamed Hassad, pour un G4 avec ses homologues français, espagnol et portugais. Sept policiers, a indiqué l'ambassade du Maroc en France, se sont rendus jeudi à la résidence de l'ambassadeur du Maroc «pour notifier une convocation émanant d'un juge d'instruction» au directeur général de la surveillance du territoire. Une longue liste de torturés L'une des plaintes, déposée avec constitution de partie civile par Adil Lamtalsi, un Franco-Marocain de 33 ans, a donné lieu à l'ouverture fin 2013 d'une information judiciaire à Paris, selon une source proche du dossier. M. Lamtalsi affirme avoir été arrêté en octobre 2008 près de Tanger, puis torturé pendant trois jours à Temara avant qu'on ne l'oblige, selon lui, à signer des aveux. Il a nié devant le tribunal marocain les faits qui lui étaient reprochés mais a été condamné, selon l'ACAT, en novembre 2008 à 10 ans de prison pour détention et trafic de cannabis. Il a par la suite été transféré en France pour y purger sa peine. C'est également le cas dans une autre plainte déposée jeudi au parquet par un Marocain de 44 ans, Ennaâma Asfari. Ce défenseur des droits de l'homme sahraoui, incarcéré au Maroc, estime que la justice française peut enquêter au nom de la compétence universelle du fait de la présence en France de M. Hammouchi. «Nous espérons que le parquet ne sacrifiera pas la nécessité de lutter contre la torture sur l'autel des bonnes relations avec le Maroc», a déclaré à l'agence française de presse Me Joseph Breham, avocat des plaignants. A signaler tout de même que la presse française, dans son ensemble, est restée silencieuse après la plainte déposée en France pour «tortures» contre Abdellatif Hammouchi, le patron de la DGST, la police politique marocaine. Réagissant à la décision de la justice française, l'ambassade du Maroc à Paris s'est contentée de dire que les cas évoqués par l'ONG et qui motivent sa demande d'audition du patron du contre-espionnage «concernent des affaires dans lesquelles la DGST, conformément à ses attributions, n'a été nullement et de quelque manière que ce soit concernée». Ce qui ne semble pas du tout être de l'avis du juge d'instruction qui a pris en main le dossier. De source judiciaire, on indiquait néanmoins, jeudi soir, qu'une éventuelle audition de M. Hammouchi impliquerait au préalable de vérifier avec le ministère des Affaires étrangères si la DGST pourrait faire valoir une immunité. A préciser que le champion du monde de boxe thaïe, Zakaria Moumni, ainsi que des dizaines d'autres citoyens marocains et étrangers font partie de la longue liste des torturés de la DGST. L'ACAT s'est associée à plusieurs plaintes relatives à des faits présumés de torture au sein du centre de détention marocain de Temara. Et, depuis quelques années, c'est la prison secrète de Aïn Aouda qui a pris la relève de Temara.