Disqualifier la prochaine élection» et «aller vers une transition dont le cahier des charges doit être défini à l'avance». Telle est la proposition de l'ancien président du RCD, Saïd Sadi, pour sortir de cette crise «qui met l'Algérie en péril». Invité hier du forum hebdomadaire du quotidien Liberté, il livre sa lecture des derniers développements de la scène nationale et propose ses solutions pour «sauver le pays». Affirmant d'emblée que son «retrait de la direction du RCD ne signifie pas retraite politique», Saïd Sadi invite les Algériens à ne pas tomber dans les «débats biaisés» que veulent imposer, en cette période, les acteurs du système fonctionnant selon «une logique reptilienne» et qui ne réagissent qu'en fonction de «leur instinct grégaire». «Ce qui m'a encore plus déterminé à apporter ma part de vérité dans cette période, ce sont les termes du débat ou, plus exactement, de propagande actuelle. Quelquefois violemment polémiques – ce qui ne contribue pas à clarifier une situation complexe, tendue et confuse –, les interventions sont fréquemment, et c'est bien plus grave, délibérément biaisées, ce qui fait qu'au lieu de participer à sérier les enjeux, dévoiler les positions de chacun et distinguer les causes des effets, la logique reptilienne du système impose des paliers de discussion qui interdisent de sortir du champ clos des slogans fossilisés, de la manipulation et de la soumission», lance-t-il. L'ex-candidat aux élections présidentielles de 1995 et 2004 se situe en dehors de cette logique. Le débat actuel, estime-t-il, empêche les Algériens d'entrer dans «l'échange politique adulte». Rappelant ses positions et celles du RCD, exigeant des garanties pour une élection libre et transparente, Saïd Sadi précise que ces conditions ne sont toujours pas réunies. Selon lui, le jeu électoral du 17 avril prochain «est non seulement fermé, mais carrément bloqué». D'où, enchaîne-t-il, la nécessité de laisser Abdelaziz Bouteflika concourir seul pour n'être «qu'un président de la République de lui-même». «Le retrait des candidats intéresse tous les Algériens. La priorité actuelle est de mobiliser contre cette élection, telle qu'elle a été programmée. Le résultat de ce vote ne sera pas tenable. Il faut disqualifier cette élection pour faire en sorte que même s'il (Bouteflika ndlr) est élu, son mandat restera hypothéqué», plaide-t-il, affirmant qu'il ne veut pas polémiquer autour du 4e mandat auquel le président Bouteflika postule aujourd'hui. «Qu'il postule pour un quatrième mandat ne me gêne pas, puisque on a levé la limitation des mandats. Si on l'empêche lui, donc cela pourra être possible pour un autre. Il peut se présenter avec son fauteuil roulant, mais il faut poser d'abord la question des garanties», enchaîne-t-il, critiquant ceux qui crient aujourd'hui au scandale, alors qu'ils ont observé un silence de cathédrale lorsque le même chef de l'Etat avait levé la limitation des mandats présidentiels en 2008. Invitant à bannir «la haine», «la surenchère» et «les règlements de comptes», Saïd Sadi affirme que l'essentiel c'est les bilans et l'avenir. Et cet avenir doit passer par une période de transition. «Les conséquences de cet autisme sont terribles et, d'une façon ou d'une autre, chacun de nous a sa part de responsabilité. Nous devons agir vite», lance-t-il. Et d'ajouter : «Des voix consensuelles proposent une phase transitoire nécessairement limitée dans le temps, qui doit être entreprise au plus vite. Elle sera dirigée par un collège de personnalités indépendantes qui ne pourront pas concourir dans les échéances post-transitoires. Il y a lieu d'élaborer aussitôt un cahier des charges auquel devront souscrire tous les compétiteurs.» Pour lui, il est temps de se mettre à table pour discuter avec la participation de toutes les forces, y compris les gens du pouvoir qui viendront comme des agents politiques, sans aucune prérogative. «Personne ne peut proposer, seul, une solution. Notre rôle est d'essayer d'enclencher un débat adulte, loyal et responsable», souligne-t-il. Des piques à l'adresse de Benflis et Hamrouche Ce faisant, l'ex-leader du RCD critique, sans les nommer, les postures des anciens chefs de gouvernement, Ali Benflis et Mouloud Hamrouche. Pour le premier, il interprète le maintien de sa candidature comme une «conviction que le bourrage des urnes pourrait lui être favorable». «Quelle différence peut-on établir entre celui qui est en poste et qui dit je ne céderai pas ma place et celui qui affirme, je cite, “je serai candidat quelles que soient les conditions” dans lesquelles se déroulera le scrutin ? En clair, cela veut dire : cette fois j'ai, moi aussi, de bonnes raisons de croire que le bourrage des urnes me sera favorable», dit-il, avant de relever des incohérences dans les propos de Mouloud Hamrouche. «Quelle différence peut-on établir entre un homme du système qui entend prolonger son bail en privatisant l'Etat et celui qui déclare qu'il ne concourra pas si le système présente son candidat ? En clair, cela veut dire : ce qui se passe actuellement n'est pas intolérable parce qu'il y a déni de citoyenneté, c'est intolérable parce que je ne suis pas promu parrain de la secte», déclare-t-il. A une question concernant la polémique suscitée par la charge du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, contre le DRS, il répond : «Personne ne demande la divulgation de la liste des agents des antennes du DRS. Tout citoyen est en droit et en devoir d'exiger que ce service soit sous contrôle d'un pouvoir légitime et qu'il ne décide pas des quotas à distribuer dans chaque élection, ne s'immisce pas dans les affaires des partis, ne soumette pas la presse, ne s'occupe pas de la composition du gouvernement et encore moins du choix du chef de l'Etat.» Selon lui, n'importe quelle institution ne peut être indemne de critiques. Et cette structure relevant de l'institution de l'ANP, martèle-t-il, assume «elle aussi le bilan de l'actuel président». «Il n'est pas question de services spéciaux, mais d'un pouvoir parallèle qui fait et défait, depuis l'indépendance, le régime algérien», assure-t-il. Saïd Sadi évoque encore ce débat que l'on veut imposer autour de cette polémique pour dire qu'il n'y a aucun problème entre le DRS et la Présidence : «Ils s'entendent sur l'essentiel, à savoir la fraude électorale et le maintien du système…»