Mouloud Hamrouche n'a jamais dit qu'il était candidat ni même qu'il pourrait l'être à la prochaine élection présidentielle, sinon par des suggestions sibyllines de ses «proches». De ces derniers, il est difficile de discerner celui qui tente de se placer tant bien que mal dans son giron de celui qui partage son projet dans la vraie vie pour pouvoir revendiquer cette proximité qui lui permette de relayer ses intentions. Qu'on l'approuve ou non, on connaît le discours de M. Hamrouche depuis 1999. Un discours qui aurait pu, de par sa cohérence, lui éviter et la pression qui le pousse à se présenter contre ses propres certitudes, et les procès d'intention qui le placent dans une posture ambiguë, sinon franchement contradictoire. Il ne l'a pas dit mais il paraît que cette fois-ci, il s'est fait quelque illusion. Bien sûr, la formule ne manque pas de finesse. Seulement, elle est aussi fine que facile : Hamrouche ne veut pas de candidat du système… il veut être le candidat du système, dit-on. Pourtant, à moins d'une impossible contorsion de lecture, ni dans sa première déclaration, ni dans sa conférence de presse, il ne s'est positionné dans ce registre- là. Dans la première, il a formulé les grandes lignes d'un projet de changement. Dans la seconde, une fin de non-recevoir à sa démarche qui l'oblige au retrait stratégique. Ce n'est pas son seul constat, il y a aussi un autre, sous forme de diagnostic tranchant : le régime est en fin de cycle naturel, accompagnons sa tombée de manière pacifique. Et de terminer sur un double clin d'œil. A l'institution militaire qu'il place «aux côtés du peuple» et aux Algériens qu'il rassure : rien ne peut leur arriver dans un combat pacifique pour le changement. Voilà qui le rapproche dans la foulée de Saïd Sadi avec qui il partage l'idée d'une transition démocratique. Ce dernier avait affirmé il y a quelques jours que sa différence avec M. Hamrouche en la matière est qu'il propose l'idée à la société et à la classe politique alors que l'ancien chef du gouvernement la propose aux décideurs. Depuis jeudi, on sait que M. Hamrouche a mis du lifting dans son idée. Il y a comme un rapprochement qui se dessine entre les deux hommes. Il est d'autant plus prometteur qu'il se fait sur un socle d'idée précise. Le Dr Sadi aurait déjà précisé que son propos en l'occurrence n'avait rien de véhémentement critique envers M. Hamrouche, et ce dernier a déjà opéré un lifting dans la formulation. Il y a déjà débat en perspective et ce n'est jamais peu, au point où en sont les choses. C'est Ali Benflis qui se retrouve dans la posture la plus inconfortable. Et pour cause, la logique ou simplement le bon sens aurait voulu que ça ne le «reprenne plus». Il y a dix ans, il avait cru en sa bonne étoile, non pas en tant que candidat d'une alternative démocratique mais en tant que «candidat du système» que les Algériens ignoraient. C'est même à ce titre qu'il avait mobilisé l'essentiel de ses soutiens. Parti à l'aventure par candeur ou par manipulation, il a subi le sort qu'on connaît. Depuis, il aurait pu amorcer une vraie carrière politique autonome qui pouvait le préparer à incarner une réelle option. Du moins lui permettre de peser dans le paysage politique. Désillusionné mais apparemment pas définitivement, il a donné l'impression, dix ans après, que le destin national qui serait le sien tenait exclusivement à une question de temps. Et ce qui ne gâte rien, il pensait avoir une nouvelle donne : la maladie de M. Bouteflika dont il a manifestement surestimé le poids dans la suite des événements. Mais contre toute attente, Bouteflika est candidat. Que fera Benflis ? Pas grand-chose, sinon espérer une disqualification du président sortant qui lui permettrait de gagner par défaut. Sinon un chimérique vote-sanction qui punirait une candidature qu'on n'attendait pas. Et c'est reparti comme en 1940. En 2004, c'était «ne vous en faites pas, le candidat de l'armée, c'est moi». Et après les résultats, c'était «ils (l'armée) ne vont tout de même pas le laisser faire ça» ! L'Histoire peut être un éternel recommencement. Ce n'est pas pour autant une certitude que l'Algérie traversera un fleuve tranquille jusqu'au 17 avril comme il semble acquis dans le discours officiel. Jusqu'à preuve du contraire, Abdelaziz Bouteflika n'a pas encore officiellement annoncé sa candidature. Et ce ne doit certainement pas être une situation d'extrême sérénité qui l'a empêché de le faire à deux jours de la date limite. Il se passe même des choses du côté de la rue, même si ça manque de lisibilité, puisqu'on nous dit plutôt ce qu'on ne veut pas que ce qu'on veut. Et la réaction répressive systématique qui accompagne ces mouvements n'est pas faite pour rassurer. Les prochains jours vont donner une idée de ce que sera la suite. A commencer par la nuit du 5 mars. Il serait même étonnant qu'on attende jusque-là. Slimane Laouari