Photo : A.Lemili De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Constantine renferme de véritables richesses historiques qui donnent le tournis à plus d'un mordu du monde «baroque». Le monument aux morts, les classiques ponts suspendus, le musée Cirta, le Théâtre régional, le palais du Bey, la vieille ville… Cet ensemble chargé d'une foule d'empreintes de plusieurs civilisations bat de l'aile malheureusement, pour certains repères historiques. Le Vieux Rocher, que le séisme de 1986 n'a pas ébranlé, a été fragilisé par l'ignorance et l'absence de la perception des valeurs civilisatrices. Ce n'est qu'en retard que les pouvoirs publics ont fait le constat d'échec sur la déformation de la capitale numide. C'est suite à la notation de l'Unesco qui «sommait» les pays détenteurs de répertoires de les préserver et de les sérier, que le cocotier sera secoué. Le message vient d'outre-mer pour nous dire la richesse du patrimoine local. Mais le retour d'écoute tarde à venir. Si le musée se défend bien sur le plan de l'activité, grâce à ses amis qui se sont regroupés en association, il n'en est pas de même, à titre d'exemple, pour le monument proprement dit. Les promesses faites sur son assainissement traînent. Les visiteurs rebroussent chemin en raison des odeurs nauséabondes qui s'en dégagent. Pourtant, lors d'un discours officiel, on apprenait tout l'intérêt que suscitait cet édifice, «sur papier», en vue de relancer sur des bases solides le tourisme local qui continue de fuir malheureusement la cité. Quant à la médina, elle est l'objet d'une restauration «accélérée» depuis quelques mois après moult tergiversations sur le promoteur du projet. Cela est intervenu in fine après que la «souika» eut perdu quelques-unes de ses «mosaïques» que seule la main créatrice pourrait sauvegarder sans entacher, voire défigurer, l'aspect global de ce qui reste de cette ville ancienne. Constantine observe impuissante depuis des années la dégradation de ses lieux chargés d'histoire. Un laisser-aller flagrant ajouté à une démission de la société civile et du mouvement associatif dans certains créneaux a précipité la cadence. Hormis le TRC et le musée qui tentent de garder leur stature, il n'y a pas de quoi pavoiser pour ce qui est de la préservation des infrastructures culturelles et des salles de cinéma. Les palais de la culture Mohamed Laïd El Khalifa et Malek Haddad remplissent en deçà des attentes leur rôle. Le premier n'a pour activité que la kermesse annuelle. Son hall est cédé à des «vendeurs» tous azimuts. Des expositions-ventes permanentes génèrent une atmosphère de souk. C'est la dégradation totale. Lors de son ouverture en 1986, la structure comptait des ateliers de différentes spécialités. Actuellement, seule la bibliothèque est active et on demeure dans l'attente de la mise en service d'un «corner» réservé à la langue de Shakespeare. Les Constantinois pensaient que l'autre palais allait compenser les défaillances du premier. Il n'en fut rien. La charmante salle de spectacle sera ravagée par un feu qui la paralysera plusieurs mois. Une perte sèche pour cette infrastructure qui n'a même pas rentabilisé son activité. A vrai dire, cet espace est squatté à longueur d'année par l'organisation de multiples manifestations, pas toujours culturelles. La cause en est que la ville se trouve veuve en matière de salles de conférence. S'agissant des autres espaces qui ont préservé leur aura, on citera le conservatoire municipal qui reprend de plus belle après avoir été détaché des deux palais de la culture. Toutefois, la ville continue de pleurer ses cinémas. C'est le second coup de massue qui s'abat sur les arts. Bradées dans des conditions confuses sans réglementation régissant l'activité, encore moins un cahier des charges jalonnant l'activité et prémunissant les éventuels dérapages, les salles sombres sont dans un état déplorable. L'APC qui a recouru à la justice pour recouvrer ces biens temporise sur leur cession. Selon les responsables locaux, la priorité est à la restauration des lieux trouvés dans un état de ruine. Pourtant, des enveloppes ont été débloquées pour restaurer les salles, mais il semble que l'échéance des travaux et l'entrée en activité de ces salles sont loin d'être annoncées.Désormais, ce sera du ressort du ministère de la Culture de «manager» les salles de projection, selon une loi fixant les rôles des éventuels repreneurs. Dans cette perspective, d'aucuns estiment que les responsables locaux ne «titillent» pas la tutelle pour lever les rideaux. Tout le monde se rejette la balle sur le sujet. Cependant, il semble la leçon du passé a été retenue et que les cinémas ne retomberont plus entre les mains d'opportunistes, commerçants et clandestins de la culture. En définitive, la ville de Malek Haddad se démène pour redorer ses lieux de culture, son héritage, et reprendre son aura de cité millénaire incontournable. La préservation des sites historiques et des espaces culturels n'est pas seulement de la responsabilité d'un département ministériel mais concerne toute une population sensible, consciente de l'impact négatif que pourront générer cette omission et ce massacre… sur la société.