C'est inédit dans les annales électorales de par le monde et même à travers les siècles. Jamais un candidat qui veut présider (encore) aux destinées d'un pays n'aura fait acte de candidature dans un état de santé qui est celui du chef de l'Etat sortant, Abdelaziz Bouteflika, et n'aura fait campagne par procuration, la déléguant à une flopée de soutiens, dont certains viennent d'être recrutés à la présidence de la République : Ahmed Ouyahia (chef de cabinet) et Abdelaziz Belkhadem (conseiller spécial). Parmi les candidats, six en tout, Abdelaziz Bouteflika est le seul qui n'ait pas prononcé un traître mot à l'adresse du peuple dont il sollicite les voix. La seule fois où il a dit quelques mots, inaudibles, fut dans le bureau du président du Conseil constitutionnel, Mourad Medelci, quand il a déposé son dossier de candidature. Cela fait des mois que le président sortant n'a pas parlé. Les raisons sont connues de tous. Déjà handicapé par une maladie qui l'a éloigné de la fonction présidentielle en 2005, le président-candidat a été sérieusement atteint à la suite d'un accident vasculaire cérébral (AVC) dont il ne s'est visiblement pas remis. Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général déchu du FLN, fraîchement rappelé pour le service, a reconnu l'impotence du président qui nécessite de la rééducation et surtout son aphasie. Les raisons qui empêchent Abdelaziz Bouteflika de s'adresser aux Algériens sont donc connues. Les seules zones d'ombre qui subsistent sont liées à sa volonté de rester au pouvoir en dépit de son incapacité – les Algériens en ont eu la preuve – à gérer le pays. Abdelaziz Bouteflika n'a donc pas pu s'adresser aux Algériens. Il ne le fera pas de sitôt ou ne le fera jamais. C'est Abdelmalek Sellal, qui a troqué son poste de Premier ministre contre celui de directeur de campagne du président-candidat, qui fera, bien évidemment, aux côtés des chefs de parti soutenant le quatrième mandat, campagne par procuration. C'est une première : une candidature par délégation à la présidence de la République ! Ses mandataires réussiront-ils à convaincre une opinion dont une large part est réfractaire au 4e mandat et faire admettre la candidature très controversée de leur mandant ? Pas si simple. Mais, faut-il signaler, le clan présidentiel fait peu de cas de cette situation inédite, aveuglé qu'il est de rester au pouvoir par tous les moyens. Des soupçons de fraude pèsent déjà sur l'élection présidentielle du 17 avril. Outre la validation de la candidature de Abdelaziz Bouteflika par le Conseil constitutionnel qui reste un grand point d'interrogation, le président sortant, qui a bénéficié du soutien forcé de certaines organisations de masse, n'a pas hésité à appeler des renforts, en les personnes d'Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem, à qui il a confié des fonctions officielles. En réalité, c'est toute la machine de l'Etat qu'il soumet à son service. Abdelaziz Bouteflika n'a pas parlé et il ne parlera pas durant la campagne électorale qui s'ouvre aujourd'hui. L'argent et les visites de l'ancien Premier ministre dans les wilayas, l'administration et les affairistes qui le soutiennent devraient parler pour lui. Restera-t-il une place pour l'éthique et le bon sens ?