Pour simuler une démonstration de force, les partisans de Abdelaziz Bouteflika ne s'encombrent de rien. Ils ont fait usage des moyens les plus décriés pour annoncer la collecte de l'astronomique nombre de 4 millions de signatures. Ce qui n'était que des rumeurs est confirmé par des candidats à la présidentielle. Alors qu'il était reçu, hier, Ali Benflis, d'habitude très réservé, a dénoncé publiquement l'utilisation de fichiers d'état civil lors de la collecte des signatures en faveur du candidat Abdelaziz Bouteflika. «Le peuple algérien doit savoir que dans plusieurs APC, des gens ont eu recours aux registres de l'état civil pour remplir les formulaires à l'insu des concernés, dont les noms figurent sur ces documents», a dénoncé l'ancien chef de gouvernement, donnant ainsi un caractère public à ce qui n'était, jusque-là, que des rumeurs. Même Louisa Hanoune, pourtant très indulgente avec le chef de l'Etat, a accusé les partisans de Abdelaziz Bouteflika d'avoir utilisé des moyens «illégaux» lors de la collecte des parrainages. Fichiers détournés Des témoignages, difficiles à vérifier, convergent en effet vers une utilisation des fichiers de l'état civil pour remplir de manière sommaire des formulaires qui ont été, ensuite, envoyés dans des cartons, au Conseil constitutionnel. Pis, pour tenter de passer «inaperçus», les responsables locaux de certains partis ont fait déplacer des services entiers dans des locaux d'organisations de «masse». C'est le cas de la direction de l'UGTA d'Alger dont les locaux ont été utilisés, 4 jours durant, comme guichets fermés où des formulaires ont été remplis à la chaîne. «Des fonctionnaires des services de l'état civil ont été ramenés, avec leurs cachets, dans les locaux de l'UGTA pour éviter les regards indiscrets. Même les numéros des pièces d'identité ont été écrits de manière aléatoire», avoue un syndicaliste sous le couvert de l'anonymat. Dans certaines entreprises relevant du secteur public et dans des administrations publiques, ce sont les employés qui ont été obligés de remplir chacun un formulaire au profit du président-candidat. C'est le cas de l'Algérienne des eaux, de l'Agence nationale de l'assainissement, du Port de Tipasa et de Sonelgaz. La liste est encore longue, mais le procédé est partout le même : les employés subissent des chantages dans le cas où ils refusent de signer le fameux document. Résultat : les partisans de Bouteflika annoncent avoir récolté 4 millions de signatures, un chiffre qui représente 20% du corps électoral. Une couleuvre difficile à avaler. «Une simple opération arithmétique donne plus de 2000 signatures par commune à travers le territoire national. Dans ce cas, ce sont de grandes queues qui se seraient formées devant les services de l'état civil. Or, nous n'avons rien vu de tel», atteste Ahmed Benbitour, lors de la conférence de presse animée lundi pour annoncer son retrait de la course à la présidentielle. Pourtant, tout le monde sait que Bouteflika n'a pas besoin de cela pour composter son ticket au niveau du Conseil constitutionnel. En plus de bénéficier de l'apport de l'administration, Abdelaziz Bouteflika dispose d'un réservoir impressionnant d'élus qui appartiennent aux partis qui le soutiennent. Pis, des sources concordantes indiquent que des candidats fantoches ont retiré des formulaires au profit de l'actuel chef de l'Etat. Pourquoi donc de telles pratiques, dès lors ? Certains analystes n'hésitent pas à voir dans l'attitude de Abdelaziz Bouteflika et ses partisans une tentative d'impressionner ses adversaires et, surtout, d'anticiper par le nombre, une fraude à grande échelle.