Pour la première fois depuis le début de la guerre civile en Syrie en mars 2011, l'Etat d'Israël décide de mener des opérations de bombardements sur plusieurs bases syriennes dans le plateau du Golan. Cette région syrienne est occupée par l'Etat hébreu depuis 1967 et a été définitivement annexée par Israël en 1981. Bien que se proclamant fer de lance de la «résistance» dans la région, le régime dirigé par Hafez Al Assad puis son fils Bachar Al Assad, actuel président syrien, n'a de facto jamais vraiment inquiété l'Etat juif. Tel-Aviv justifie cette attaque comme une riposte à plusieurs agressions qui auraient eu lieu ces derniers jours depuis le sud-ouest de la Syrie mais aussi le sud du Liban. D'ailleurs, le gouvernement israélien a accusé, à de nombreuses reprises, le régime de Damas d'utiliser cette région pour alimenter le Hezbollah libanais, qui a fait de la résistance à l'occupation israélienne son credo depuis sa création en 1985, en armes conventionnelles et chimiques. Répercussions En 2006, lorsque le puissant mouvement chiite avait tenu tête à l'armée de l'Etat juif et l'avait fait reculer après plusieurs mois de guerre, le gouvernement hébreu avait subi «la première défaite militaire de son histoire», de l'aveu des militaires eux-mêmes. Depuis, la frontière israélo-libanaise constitue un front dont Tel-Aviv se soucie en permanence. Le pays du Cèdre, quant à lui, géographiquement bloqué entre les deux pays, pourrait bien, une fois de plus, voir sa fragile stabilité mise en danger. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a justifié l'ordre donné aux forces armées israéliennes d'attaquer par les récentes provocations sur sa frontière nord depuis le sud-ouest de la Syrie et le sud du Liban. Seulement, le mois dernier, l'aviation de l'Etat juif avait déjà mené un raid aérien en pleine nuit sur des positions du Hezbollah, dans l'est du Liban, et avait évoqué «des informations qui faisaient état d'un échange d'armes en provenance de Damas». Tampon Pour plusieurs observateurs, si le conflit entre Damas et Te-Aviv venait à durer, Beyrouth pourrait bien s'avérer être «la caisse de résonance et le tampon idéal entre la Syrie et le Liban», comme l'affirme un ancien général de l'armée libanaise, désormais à la retraite. Et de poursuivre : «Ce qui inquiète Israël dans la région de manière permanente, ce n'est pas le régime syrien, mais bien le Hezbollah, qui est un parti libanais installé au Liban.» D'ailleurs, le ministre de la Défense de l'entité sioniste, Moshe Yaalo, a prévenu le régime de Damas : «Si le régime d'Al Assad continue à coopérer avec les agents terroristes qui cherchent à nuire à l'Etat d'Israël, il paiera un prix élevé.» La référence au Hezbollah comme «agent terroriste» ne souffre d'aucun doute et c'est bien ce dernier qui est dans la ligne de mire des Israéliens. Seulement, ouvertement impliqué dans le conflit civil en Syrie pour l'heure, le Hezbollah, aussi puissant et organisé soit-il, ne semble pas en mesure de mener deux batailles sur deux fronts différents. Stabilité Au pays du Cèdre, le parti chiite fait face à la colère d'une partie de la classe politique et de la population, qui l'accuse de ne pas respecter la politique de distanciation prônée par le gouvernement libanais et son Président, Michel Sleiman. La presse libanaise craint «un réveil du front du sud», comme l'écrivent les éditorialistes du journal l'Orient-Le-Jour, dont la position est souvent hostile au Hezbollah. An Nahar, le quotidien de référence, apprécié pour sa modération, écrit pour sa part qu'«une fois de plus, les efforts du Liban de rester en dehors des remous régionaux pourraient être mis à rude épreuve par l'escalade dans le Golan». La chaîne télévisée du parti de Dieu, El Manar, semble privilégier la piste takfiriste qui voudrait «entraîner le Hezbollah dans un conflit avec l'entité sioniste» pour regagner du terrain en Syrie. La population, quant à elle, semble résignée à un sort peu clément. A Beyrouth, Amjad, un employé de banque âgé de 24 ans dit attendre «la prochaine explosion, au moins ça sera fait. Que ce soit Israël, le Hezbollah, les takfiristes, au final, le résultat est le même. Des gens meurent, pour rien». Depuis le début de la guerre en Syrie, le Liban est devenu le théâtre de nombreuses explosions localisées. La dernière date du 19 février dans la banlieue sud chiite de Beyrouth, elle avait fait 6 morts et plus de 300 blessés.