Poursuivi pour «injure» et placé sous mandat de dépôt depuis plus de deux semaines, maître Mohcine Amara devait comparaître hier devant le tribunal correctionnel de Sidi M'hamed, près la cour d'Alger, mais son procès a été ajourné d'une semaine par la présidente, qui a eu du mal à calmer le plaignant, maître Abdelmadjid Sellini. Ce dernier était entré dans une colère indescriptible lorsque la magistrate lui avait refusé le témoignage de deux avocats qu'il avait présentés à l'audience. «Vous auriez dû les citer devant le juge d'instruction. Je ne peux accepter leur témoignage», a lancé la présidente à l'avocat. Celui-ci s'est alors emporté devant une assistance nombreuse, pointant du doigt le prévenu, l'accusant d'avoir proféré, à son encontre, des «insultes». Il ne met pas de gants pour lancer à la figure de la magistrate un chapelet de propos que les oreilles les plus chastes ne peuvent entendre. Les nombreux rappels à l'ordre de la juge ne servent à rien. Me Sellini poursuit son invective à l'égard du prévenu, malgré les mises en garde de la magistrate. Me Sellini se retourne contre deux avocats du barreau de Tizi Ouzou, venus à la rescousse de Me Amara, leur disant : «Vous n'avez pas à défendre le prévenu parce que je ne vous ai pas autorisés à le faire.» Mais la réponse de l'un d'eux le laisse sans voix : «Nous avons l'autorisation du bâtonnier de Tizi Ouzou. Cela nous suffit largement…» En fait, Me Sellini n'a pas reconnu les deux avocats. Il pensait que la défense de Amara n'était assurée que par maître Mokrane Aït Larbi. Pris de court, Me Sellini précise à la présidente qu'il n'avait pas constitué d'avocat pour le défendre et, de ce fait, demande un délai pour que ce dernier puisse prendre connaissance du dossier. La présidente décide alors de renvoyer le procès au 7 avril prochain. Il est important de rappeler que pour la première fois dans les annales de la justice, un justiciable est placé en détention pour «injure» proférée contre un confrère, le bâtonnier Abdelmadjid Sellini, lors d'une altercation verbale.Ce que Me Aït Larbi a qualifié de «grave dérive» dans une déclaration rendue publique il y a une semaine. Il avait soulevé en outre une série de violation en matière de procédure du mandat d'amener, de garde à vue et de mandat de dépôt. Me Amara avait été arrêté chez lui, vers 22h, conduit au commissariat de la rue Asselah Hocine, à Alger, où il a passé la nuit. Déféré devant le tribunal d'Alger, il a passé toute la journée dans les geôles, avant d'être placé en détention provisoire.