Partir, c'est mourir un peu, dixit l'intellectuel Français Bernard Terramorsi. B.Abedallah, 34 ans, en est convaincu depuis son jeûne âge. Lui et sa famille n'ont jamais songé à quitter leur village natal, Ouled Bessa, situé sur les hauteurs de Thénia, à 15 km à l'est de Boumerdès. Quand la région était à feu et à sang, Abdellah avait à peine 15 ans. Il se souvient encore des attentats, des assassinats ciblés…de la terreur qui a poussé les habitants des villages avoisinants, comme ceux d'Ouled Ali et Boukhenfer, à fuir leurs maisons. Quinze ans plus tard, point de changement. Les conséquences des années de braise y sont encore visibles à l'œil nu. Les localités précitées offrent des images apocalyptiques avec des dizaines de maisons inoccupées et des infrastructures en état de ruine. Pourtant, d'aucuns soutiennent que les hordes intégristes qui sévissaient dans les environs sont anéanties par l'armée. «Tous les terroristes ont été abattus. Ils ne vont quand même pas sortir des tombes», tempète Brahim, 38 ans, paysan de son état. La route desservant la région est dans état lamentable. Les va-et-vient incessants des camions remplis de tuf soulèvent des tonnes de poussières sur leur passage. L'itinéraire est ponctué de plusieurs carrières d'agrégats. Mais leur exploitation ne se fait guère selon les normes. Certaines surfaces qui dominent la RN05 ressemblent plutôt aux étendues de sable du grand Sud. Les quelque familles ayant résisté aux groupes armés vivent dans des conditions d'un autre âge. La région n'est desservie par aucun moyen de transport. «Les élus locaux nous envoient les bus durant les jours du vote uniquement», fulmine Ali Bessa, 54 ans. Les projets portant le raccordement des Ouled Bessa aux réseaux d'AEP et d'assainissement n'ont pas dépassé le stade d'étude. Malgré cela, les habitants sont restés au niveau de leurs terres. Abdellah, lui, avait nourri de grands espoirs de voir les choses s'améliorer à l'avenir. Les « revenants » s'organisent En 2010, il constitue un dossier pour bénéficier de l'aide à l'habitat rural. Peine perdue. La bureaucratie de notre administration l'a dissuadée d'aller jusque au bout de ses démarches. «J'ai ramené tous les documents nécessaires. Je dispose même d'un certificat de possession, mais les services concernés ont rejeté mon dossier», s'indigne-t-il, ajoutant qu'il n'est pas le seul au village à avoir eu la même réponse. Peu après, Abdellah revoit tous ses calculs. Il compte s'installer en ville, changer de résidence et introduire une demande de logement social. Au moment où il décide de partir, de nombreux habitants des villages désertés signent des engagements et multiplient les entrevues avec les autorités locales en vue d'emprunter le chemin inverse. Elles sont plus de 150 familles de la région à avoir exprimé leur volonté de revenir aux terres de leurs ancêtres. Ces «immigrés», ont crée même une association, dénommée Association des habitants d'Ouled Ali. Ici, aucune maison n'est habitée. La rentrée du village offre un décor déprimant. Hormis l'école primaire qui fonctionne avec 13 élèves , tout est relégué aux oubliettes. La vue imprenable qui donne sur la méditerranée ne réduit en rien la stupeur qui frappe l'esprit du visiteur. La salle de soins et le bureau de poste sont dans état déplorable. Ces infrastructures, y compris l'école, sont situées dans une zone occupée par les soldats de l'ANP. Impossible d'y passer. Un officier nous a signifié gentiment que nous ne devons prendre aucune photo. Pas même une de l'école primaire. La route menant vers Zemmouri est fermée par l'armée depuis 2003 juste devant leur campement. Jadis, cet axe reliant la RN12 à la RN24, était très fréquenté par les vacanciers. Ces derniers l'adoraient surtout pour la beauté des paysages qui s'offrent au regard à partir du mont faisant face à la mer. «On attend des gestes concrets» «Le wali nous a promis de résoudre tous les problèmes posés. Il avait instruit les services concernés de nous faciliter les choses pour bénéficier de l'aide à l'habitat rural, mais ses directives n'ont pas été appliquées à ce jour», déplore Rezki Halouane, le président de l'association susmentionnée. La commune de Thénia a bénéficié d'un quota de 43 aides dans le cadre du Fonal, mais seules 11 habitations ont été construites, 5 sont en cours de réalisation et 27 sont en voie de lancement, a-t-on appris auprès de la direction de logement de la wilaya. Malgré les embûches et les entraves bureaucratiques, M.Halouane, n'a pas, non plus, renoncé aux objectifs qu'il s'est fixés avec ses anciens voisins. Aujourd'hui, leur patelin est dépourvu de tout.Les autorités locales avaient réalisé quelques poteaux électriques et ouvert deux kilomètres de pistes. Rien de plus. Les conduites d'alimentation en eau potable et le réseau d'assainissement se font toujours attendre. Mais cela n'a pas n'empêché certains villageois d'y aller durant les week-ends pour cultiver la terre ou implanter quelques arbustes. « Nos maisons sont devenues inhabitables. La plupart ont été touchées suite au séisme de 2003», rappelle-il. Selon lui, l'Etat n'a fait aucun geste concret pour repeupler les villages de la région. «On leur avait expliqué dès le début que nous avons tous des terrains mais pas d'acte de propriété. C'est pour cela qu'on nous a exigés de signer des engagements pour nous accorder l'aide du Fonal. Ce que nous avions d'ailleurs fait en 2011, malheureusement aucune réponse ne nous a été donnée quant aux suites réservées à nos dossiers», s'indigne-t-il encore. Notre interlocuteur affirme que l'accès au village leur a été interdit, depuis 2012, par les militaires. «On a écrit récemment une lettre au wali en juillet dernier. L'un de ses représentant nous a rassurés lors d'une réunion à Thénia que toutes nos doléances seront toutes prises en charge…on attend encore à ce jour»