A Oran donc, la ville regorge de ces zones d'habitations. Parmi elles, on compte Dar El Hayet, une «barre» d'immeubles, aussi large que haute, et devant contenir un bon millier de familles, sinon bien plus.Dar El Hayet est prise en sandwich entre Mdina Jdida et Médiouni. Elle est également à trois minutes de marche à pied du jardin municipal. Sa proximité de Mdina Jdida l'a rendue l'un des quartiers populaires les plus animés d'Oran. D'ailleurs, l'extension informelle de Mdina Jdida ne s'est faite qu'au sein même de ce quartier, où les alentours ont été envahis par bon nombre de marchands de l'informel. On y trouve donc des débrouillards, tentant, autant que faire se peut, de gagner leur pécule journalier, des marchands ambulants proposant du pain d'orge aux passants ainsi que des mendiants, beaucoup de mendiants, algériens certes, mais encore Syriens et Subsahariens. Et puis un flux massif d'Oranais se rendant à Mdina Jdida, et chez qui Dar El Hayet est un point de passage incontournable. Seule touche de modernité dans tout ce tohu-bohu : le tramway d'Oran, qui dessert cette zone, à la grande joie de ses habitants et de ses visiteurs. Dans tout ce tintamarre, où la galère est légion et la mal-vie prédominante, un mystérieux inconnu se complaît depuis quelques mois à graffiter quelques poèmes sur les murs délabrés de ce quartier. Quand on passe près de Dar El Hayet, on ne peut être qu'attiré par les mots tagués sur les murs. Certes, la rime est parfois pauvre ou facile, mais on sent, à lire les quelques poèmes tagués, une grande sincérité de leur auteur. On peut aussi affirmer qu'il s'agit là d'un seul et unique auteur, et non de plusieurs car, à travers tous ces murs noircis par des mots, on y a décelé un seul style. Ça parle de hogra, de mal-vie, et par des messages subliminaux de ces paumés à la dérive qui, par trop de mal-être, ont choisi le chemin de la délinquance : «Moi snif snif avec nif nif, toi kif kif avec sif sif». Ça raille aussi les pouvoirs publics, aux promesses foisonnantes, mais qui ne daignent pas, une fois élus, bouger le petit doigt pour améliorer du cadre de vie des citoyens.En tout état de cause, voilà là un bel exemple d'un écrivaillon qui, au lieu de se prélasser à taguer des murs virtuels, a choisi, lui, de taguer des vrais murs, avec des mots emplis de poésie.