-Yacine Alim : La preuve par l'encre à l'université de Mostaganem Tout a commencé dimanche matin lorsque deux enseignants d'agronomie ont abordé le déroulement du scrutin présidentiel. Celui ayant voté n'hésitant pas à afficher sa satisfaction quant à l'étendue de la victoire du Président sortant, allant jusqu'à montrer fièrement son index marqué de l'encre indélébile. Puis, la discussion tourna très vite sur le taux de participation annoncé qui n'était pas du goût de l'enseignant ayant fait le choix de l'abstention. Ce à quoi son collègue fort remonté répliquera par l'engouement des électeurs vers les bureaux de vote. Ce qui irrita son vis-à-vis qui, voyant rappliquer d'autres collègues, leur demanda de montrer leur index. L'absence de l'encre mettra le votant dans tous ses états puisqu'au décompte il était le seul sur les 5 présents à avoir voté. Ce scénario se répètera durant toute la matinée, et à chaque regroupement l'écrasante majorité des enseignants n'avait pas voté, rejoignant ainsi le camp des abstentionnistes. Mais le clou du spectacle est à venir, puisque chez la plupart des étudiants l'exhibition des doigts non estampillés fera le tour de l'immense esplanade de l'ex-ITA. Le manège se répètera le lendemain à la grande satisfaction de la communauté estudiantine, trop heureuse de prouver pour une fois son civisme par la grâce de cette encre indélébile qui s'avèrera être le plus redoutable moyen de se compter, comme le soulignera avec force un jeune étudiant de Ramka, au cœur du massif de l'Ouarsenis, trop heureux de partager avec ses camarades des grandes villes l'appartenance au camp majoritaire, l'absence de l'encre faisant foi. -Boufateh Gouttaeicha (étudiant à Laghouat) : Mon avis sur les résultats de la dernière élection présidentielle est tout simple : je les vois comme une vraie catastrophe, parce que les membres de la famille Bouteflika ont confirmé au peuple algérien qu'ils ont appliqué l'anarchie totale et le despotisme jusqu'au plus haut niveau. Et cela a commencé le jour où Abdelaziz Bouteflika a annoncé sa candidature alors qu'il était très malade et visiblement amoindri. Pour ma part, cette élection je l'ai systématiquement boycottée. Mieux, j'ai programmé et célébré mon mariage à la même date, à dessein. A la fin, cette élection ne m'indique rien parce qu'il y a un clan de la mafia qui gère l'Algérie et qui la mène dans un gouffre sans fin. Toutefois, je me permets un conseil au Président : laissez enfin la place aux jeunes qui ne demandent qu'à prouver de quoi ils sont capables.» -Salim Mohamdi (étudiant à Batna) : «Je n'ai pas voté lors de l'élection précédente, car en analysant et étudiant le comportement et les promesses que les candidats ont adoptés tout au long de leur campagne électorale, j'ai tout de suite compris qu'ils nous racontaient des mensonges. Résultat : je ne crois pas en ces candidats. Le peuple s'est fait avoir plusieurs fois, en votant je n'ai pas envie de commettre la même erreur. Je suis déçu que Bouteflika ait gagné lors de ce vote. Il n'est même pas capable de tenir debout, comment peut-il être Président alors qu'on le dit mourant ? Et ce ne sont pas des rumeurs puisque à chaque fois qu'il apparaît à la télévision on a droit à une personne très affaiblie, incapable de tenir debout, et remuant avec difficulté le bout de ses lèvres.» -Youcef Berbouchi (étudiant à Oran) : J'ai voté le 17 avril 2014, et j'ai voté pour Bouteflika. C'est lui qui nous a ramené la paix. C'est grâce à lui que l'Algérie n'a plus de dettes et est classée parmi les pays développés. Au début, j'avais peur qu'il ne gagne pas cette élection, mais finalement, avec les plus de 80% de voix qu'il a remporté, c'est clair que c'est tout le peuple qui est derrière lui. On ne doit pas s'attendre à ce qu'il fasse beaucoup pour nous. C'est à nous de l'aider dans sa mission qui n'est pas facile. Pour ce qui est de l'université, je pense qu'elle va de mieux en mieux» – Merzouk Hammou (étudiant à Alger) : Je n'ai pas voté ce 17 avril 2014 parce que, en général, je ne vois pas de vraies élections en Algérie, propres et transparentes. On nous a habitués à la fraude, et depuis on n'a plus confiance en qui que ce soit. Tout le monde l'a vu, ces élections ont été une réelle mascarade. Mais je pense que c'est tout à fait normal dans un pays où la corruption règne en maître des lieux. Cela apparaît clairement lors de la candidature de Bouteflika, et avant cela la non-application de l'article 88 de la Constitution. D'autre part, on n'a pas vu l'installation d'une commission indépendante afin de préparer et de gérer les élections, ce qui témoigne de l'absence de la bonne volonté du pouvoir en place pour instaurer la transparence. Enfin, le match a été vendu à l'avance.» -Hafid Naït Slimane (étudiant à Batna) : Je n'ai pas voté, non seulement parce que je n'y crois plus, mais aussi parce que je savais bien que Bouteflika allait remporter ces élections lors desquelles la fraude a été flagrante. En conséquence, je ne figurais même pas dans les listes. Pour ce qui est de la réélection de Bouteflika, il faut dire que c'est un drame pour l'Algérie entière. Une calamité. De nombreuses aberrations ont été relevées. Le taux national s'élève à 51%, sans compter les milliers de citoyens non inscrits, comme moi-même d'ailleurs. Toutefois, parmi les électeurs, il y a ceux qui ont voté bulletin blanc. C'est leur façon à eux de boycotter ces élections. De les rejeter. De ce fait, on ne trouvera que les pro-Bouteflika qui ont participé à cette énième mascarade! Alors, je ne suis pas choqué par ces 81%, quoique j'ai eu une grosse fièvre. Concernant l'enseignement supérieur et la recherche scientifique, le constat est flagrant. Le bilan des trois mandats de Bouteflika est chaotique. L'université va de plus en plus mal, et la formation est de plus en plus médiocre. Je vous invite à consulter les statistiques de l'université de Béjaïa. Par ailleurs, ils ont voté. La transition est faite, mais vers une république algéristanienne bureaucratique et moutonnière. Les intellectuels en Algérie, politiquement déçus, socialement trahis, et anatomiquement désaxés. Enfin, je tiens à dire que l'histoire jugera les médias ‘‘corrompus'' du moment que le peuple demeure anesthésié, conscient de son inconscience.» -Ahmed Amimoussi (étudiant à Blida) : J'ai voté le 17 avril, mais l'enveloppe était vide. Aucun des six candidats ne m'a plu ni convaincu. Aujourd'hui, après ces élections, je vois que les résultats ne sont pas véritables. On a déclaré que le taux de participation a dépassé les 50%, alors que peut-être en réalité il n'a même pas atteint les 20%. Maintenant que tout a été fait, je ne peux que souhaiter que les promesses soient tenues, car on a vraiment besoin de changement.» -Meziane R. (étudiant à Tizi Ouzou) : Non, je n'ai pas voté. Je n'ai jamais voté. Vous savez, quand Bouteflika a été soi-disant élu en 1999, je n'avais que 10 ans. 15 ans plus tard, c'est toujours lui. J'ai toujours prêté attention aux discussions des adultes autour de moi. Je ne comprenais pas tout, mais cela m'a ouvert les yeux. Aujourd'hui, comme hier, si j'ai boycotté les élections, c'est pour ne pas cautionner un régime illégitime, liberticide, corrompu et corrupteur. Je m'attendais bien à ce que Bouteflika remporte son 4e mandat, mais cela m'a fait si mal de l'apprendre après l'annonce officielle des résultats du vote. Sa maladie n'est pas en cause. C'est sa politique et sa gestion qui font mal à l'Algérie et aux Algériens. Je suis jeune, je suis étudiant et je suis censé avoir toute la vie devant moi. Hélas, je n'ai plus aucun espoir. Mon avenir dans cette Algérie est foutu.» -Radia Saadi (étudiant à Béjaïa) : Non je n'ai pas voté. Parce que, premièrement, je ne possède pas de carte d'électeur, en conséquence de ma croyance que la démocratie en Algérie n'est qu'une illusion. Cependant, je suis convaincue qu'il n'y aura aucun changement en faveur du peuple alors qu'il y aura peut-être, à l'avenir, de nouvelles apparitions, de nouvelles têtes au sein du gouvernement. Je voulais croire à un changement avec l'appui de l'opposition existante sur le terrain, tel que le mouvement Barakat, et les partis de l'opposition. Hélas, rien n'y fut, et les résultats de cette autre mascarade nous ont profondément bouleversés. L'Algérie va mal, et l'université aussi. Celui qui n'avance pas recule, et les étudiants sont victimes d'une école algérienne injuste qui les a fait reculer. Je pense, finalement, que l'université algérienne, tout comme son système, cultive l'ignorance au sein de son peuple.» -Elhanafi Afroune (étudiant à Béjaïa) : Non je n'ai pas voté, et ce n'est pas la première fois. En fait, je n'ai jamais voté de ma vie, parce que c'est toujours le parti unique, le FLN, qui règne dans notre pays. Et, au risque de se répéter, nous sommes toujours sous l'autorité d'un pouvoir qui ne déroge jamais à sa ligne de conduite, et qui est là pour ordonner alors que le peuple doit s'exécuter. Par ailleurs, je me suis senti humilié quand on a annoncé que Bouteflika est, encore une fois, président de l'Algérie. Je ne peux pas admettre d'être gouverné par un président moribond. Autre chose : je pense que la politique de ce système vis-à-vis de l'université sera maintenue, et ce, en investissant les moyens qu'ils ont à leur disposition afin d'affaiblir davantage l'étudiant d'aujourd'hui et de demain. Et puisque vous nous ouvrez les colonnes de votre journal, je profite de cette occasion pour appeler tous les étudiants algériens à s'auto-organiser pour faire de l'Université algérienne une université de qualité.»