Béchar De notre envoyé spécial Dimanche soir, au stade Enasr de Béchar, des troupes sont venues de Mascara, d'Oran, de Kenadssa et d'Alger pour interpréter le diwane et mais également le gnawi. Sidi Blal de Mascara, Jil Diwan Kenadoussi de Kenadssa et Jil Said (génération montante) d'Oran sont en compétition au 8 ème Festival national de la musique diwane de Béchar qui se déroule jusqu'au 29 mai. Le groupe Diwane El Bahja, déjà primé au festival, était invité de la troisième soirée du festival aux côtés du goupe Clef 13 de Jijel. Habillée en tenues traditionnelle des Migzawa, une tribu africaine entourée de mystères et de légendes, la troupe Sidi Blal de Mascara a interprété plusieurs bradj (chants) des khlawiyine et Bhara dont « Gnawa zoro nabina » et « Sergou ». Au début, un danseur koyo a lancé, comme le veut la tradition, le spectacle. « Nous avons présenté la danse des chasseurs », a précisé Belarbi Benamar, président de l'Association de Sidi Blal avant d'être repris par son frère Abdelkader, membre de la même association : « Lors des waâdate, dans l'ouest algérien, notamment à Mascara, Saida et Mohammadia, les troupes interprètent ces bradj des khlawiyne. Elles restituent des scènes de chasse, sortent même dehors pour ramener des moutons ou des chèvres. Dans les anciens temps, les gens vivaient de chasse. Nous avons interprété par exemple le bourj « Ryma » qui fait partie de la pratique des Migzawa ainsi que Kirim dawa ». Selon Abdelkader Benamar, deux m'hal se relaient à Mascara pour organiser chaque semaine des « lilat « (cérémonies) du diwan. Hadj Mbirik Dekioussi est le jeune mâalem (joueur de gumbri) du Jil Diwane Kenadoussi de Kenadassa (Béchar). Il évoque une certaine «part » de liberté dans le choix des bradj. « Le monde du diwane est vaste. Nous voulons interpréter le diwane algérien et le gnawi marocain. Il y a beaucoup de ressemblances. Certains nous disent de ne pas intrepréter le gnawi marocain. Nous refusons cette logique », a-t-il dit. Le diwane algérien et le gnawi marocain se différencient notamment au niveau du chant et du jeu du gumbri. « Nous habitons tous le même quartier, Hai Al Nakhil à Kenadssa. Nous aimons la diwane. Ce soir, nous avons joué plusieurs bradj « el moussawiyne », « hiyana ». C'est notre seconde participation au festival. Nous avons essayé d'améliorer notre prestation cette fois-ci », a ajouté Hadj Mbirik qui a appris le jeu du gumbri de son frère Yamani. « Toute ma famille joue du gumbri », a-t-il insisté. Habib Rahou d'Oran, 27 ans, a également une histoire avec le gumbri qu'il maîtrise parfaitement. « J'ai été nommé mâalem en 2009. J'ai formé cette jeune troupe pour prendre le relais. Nous sommes adeptes du chergui dans le diwane, sommes attachés à la tradition, celle de Cheikh Mejdoub. S'il y a encore des mhalat à Oran, le diwane n'est pas aussi présent. Le chergui, le beldi et le filali sont pratiqués à Oran. Dans les hadra, nous voulons toujours jouer le diwane selon le mode traditionnel mais je ne suis pas contre ceux qui veulent rénover quelque peu », a souligné Habib Rahou. Les puristes de Jil Said d'Oran ont interprété sur scène les bradj « Marou », « Abdelkader Djilani », « Baysama »… « J'apprend les textes depuis mon jeune âge. J'ai toujours écouté les bradj. J'ai appris les paroles de mémoire seulement. », a confié Habib Rahou. La transmission du diwane n'est toujours pas écrite. Nassim Chetouhi, joueur de gumbri du groupe diwane El Bahdja d'Alger, a, lui aussi, sa méthode et sa vision artistique. Sur scène, Nassim,, a montré sa capacité avec une formation réduite de présenter un diwane aéré, moins traditionnel et à l'acoustique étudiée. Du soft diwane !
« C'est justement ce que nous voulons faire. Une représentation allégée et modérée du diwan avec une nuance différente du karkabou. Il ne faut pas se figer dans le traditionnel surtout que tout n'est pas acceptable dans la pratique du diwane », Nassim Chetouhi, adepte de Mâalem Benaissa. « Nous avons appris le gumbri en écoutant les enregistrements et regardant des vidéos. Mâalem Benaissa nous a fait aimer le diwane. Nous avons acheté le premier gumbri chez lui en 2005 », a-t-il noté. Diwane El Bahdja s'apprête à sortir son premier album, « Mlema » chez Padidou à Alger. « Un album qui va rassembler la tradition algérienne et marocaine dans le gnawi. D'ailleurs, ce soir nous avons interprété parfois des morceaux mélangés pour recréer de nouvelles sensations avec de nouvelles techniques. Nous n'avons pas encore de date pour la sortie de l'album. Cela fait deux ans que l'album est prêt mais n'est pas encore sorti. Nous jouons le diwane pour le plaisir, si nous ne sommes pas sur scène, nous sommes entre nous entrain d'interpréter des bradj », a confié Nassim Chetouhi. La soirée a été clôturée par des sonorités alliant blues, reggae, rock et roots avec le groupe Clef 13 de Jijel, crée à peine trois ans. Formé de Mohamed El Amine Boulassel au chant, Ali Mounib Redjem Hakim Rouidi à la guitare rythmique , Mehdi Mezerrag à la basse, Samy Dalichaouch à la guitare et Ala eddine Bousdira à la batterie, le groupe a donné un aperçu de ce qu'il sait faire en matière mélodique. Ce n'est pas sans rappeler ce qui se passe dans la nouvelle scène musicale algérienne avec des groupes tels que Freeklane, Babylone, Caméléon, Djmawi Africa ou encore El Dey. Une tendance ? Nous reviedrons plus en détails dans nos prochaines éditions sur l'itinéraire artistique que le groupe Clef 13 entend suivre dans le futur.