Nous n'allons pas revenir aujourd'hui sur la fameuse série de films d'actualité réalisés par Dziga Vertov durant la révolution bolchevique dans les années 1920. Nous allons tout simplement raconter l'histoire drôle et sympathique de deux jeunes gens qui ont pour lieux de rencontre le train et le cinéma. Lui est un jeune homme sérieux et consciencieux. Il habite Boufarik et, chaque matin à la même heure, il se rend à la gare pour prendre le train jusqu'à l'université de Bab Ezzouar où il y étudie. Elle, c'est une belle jeune fille brune. Ce matin-là, une fois de plus, le train a eu du retard. Assis sur sa banquette, notre étudiant pensait tristement au cours qu'il allait encore rater, quand la jeune fille, qui voyageait dans le même compartiment, s'approcha de lui, l'air un peu perdu et lui dit que c'était la première fois qu'elle venait à Alger et très poliment lui demanda de l'aider à retrouver une adresse. Souriant, avec beaucoup de simplicité, l'étudiant se mit aussitôt à lui expliquer l'itinéraire à prendre. Puis, devinant son angoisse et sa matinée libre, il lui proposa de l'accompagner. La jeune fille accepta avec un sourire aussi grand que le sien. Une fois la mission accomplie, et avant de se quitter, nos jeunes gens décidèrent de se retrouver le surlendemain à 14h, devant le cinéma Le Balzac, à… Oran. Ainsi, pour la première fois de sa vie, notre ami prit le train de 7h30 en sens inverse, afin de se rendre dans la capitale de l'Ouest qu'il ne connaissait pas. Heureusement, le train n'eut aucun retard et il se débrouilla si bien qu'à l'heure dite il était au rendez-vous devant le cinéma. L'heure avançant très vite dans ce genre de situation, il parcourait d'un regard inquiet les alentours et commençait à s'impatienter. Mais, avant qu'il ne se dise comme Jouvet : «Elle est en retard, donc elle arrivera», voilà qu'une dame élancée, portant avec élégance un haïk blanc à l'oranaise, ne laissant apparaître qu'un seul œil, s'arrêta près de lui. D'un ton tout à fait naturel, elle lui dit : «C'est moi que tu attends ! J'espère que tu as les places, car le film va commencer». Alors, nos deux futurs amoureux se retrouvèrent dans une salle magnifique, à distance idéale de l'écran, pour assister à la projection de Rocco et ses frères, un fabuleux film de Luchino Visconti. C'est un ami qui nous raconta cette belle histoire la semaine dernière. Mais, c'est avec un brin de désespoir qu'il l'avait conclue en nous disant : «De nos jours, les salles de cinéma et les trains ont presque totalement disparu de nos vies et je ne me fais pas à l'idée que mes enfants, adolescents aujourd'hui, pourraient ne jamais vivre une histoire comme la mienne, il y a vingt ans.» Optimistes invétérés, nous lui avons alors répondu, tentant par là-même de le réconforter : «Tu ne devrais pas t'inquiéter, car pour les jeunes, malgré tout et contre tous, il y a toujours un train qui roule, un cinéma qui tourne et au bout, une belle histoire d'amour ! Malgré l'incapacité des ex-responsables de la culture qui n'ont pas ouvert une seule salle de cinéma alors qu'ils étaient aux commandes pendant plus de douze ans.» – P. S. : Une information bien sympathique nous a été donnée cette semaine par ce Canadien, un Québécois plus précisément, qui a fait le tour du monde à pied en 11 ans et qui raconte les moments forts de son long périple dans un magnifique livre souvenirs et pour notre part nous avons retenu celui qui se rapporte à notre pays et voici ce qu'il y écrit : «Figurez-vous, en Algérie, dans la ville de Annaba, je suis tombé malade, assez gravement même. J'ai été hospitalisé. J'ai été convenablement soigné, j'ai même été gâté et en plus de tout ça…gratuitement». Dire qu'aujourd'hui des politicards, des apprentis-sorciers veulent supprimer la médecine gratuite chez nous !