Il dit clairement et sans détours ce que beaucoup pensent tout bas, que l'activité complémentaire, une des sources principales de la désintégration de notre système de santé, a vécu. Il ajoute, et c'est tout à son honneur, que le secteur public est la clef de toute notre politique sanitaire. Il reconnaît qu'il assure, bon an, mal an, plus de 85% des prestations médicales de nos patients. Ceci est clair et net, et venant de la part d'un médecin extra-hospitalier, dénote une prise de conscience remarquable et une connaissance profonde de l'état de nos structures hospitalières, (j'aurais aimé lire la même chose de la part de certains responsables syndicaux et médecins hospitalo universitaires). Nous ne devons avoir aucune retenue à le reconnaître et le dire, tant est vertigineuse la descente vers l'abîme de nos hôpitaux. Une prise de conscience générale est indispensable pour guider nos réflexions sur les réformes de santé qui deviennent urgentes et essayer de trouver des solutions pour régénérer notre système de santé. Les Assises nationales de la santé se tiendront bientôt semble-t-il, mais il faut craindre le fait qu'elles se tiennent à huis clos, excluant experts et personnes de bonne volonté qui ont toujours manifesté leur intérêt pour la santé et qui pourraient enrichir les débats. Ces assises devront être abordées avec la volonté de répondre positivement à l'attente des citoyens. Les discussions doivent être claires, sans langue de bois, clairvoyantes, ne refusant pas les critiques, qu'il faut espérer sans complaisance mais constructives, tenant compte des progrès réalisés, mais aussi des lacunes qui ont lézardé notre système de santé. Le président du conseil de l'Ordre a balisé un problème qui pouvait plomber le déroulement des assises, en affirmant la totale complémentarité des secteurs privé et public et en accordant la primauté à ce dernier. En toute logique, on ne devait pas s'attarder sur ce sujet car, comme le dit un certain Terzieff, «le système de santé ne doit pas être ceci ou cela, car il est ceci et cela». On ne peut qu'être d'accord avec lui et, de plus, c'est une question de morale et d'éthique. Un médecin doit faire un choix, il ne doit pas être ici et ailleurs, et doit être entièrement et totalement dans le secteur où il pense être le plus utile et, comme le dit si bien un dicton populaire, «Chami Chami, Baghdadi Baghdadi». La médecine est devenue une science exacte si on excepte l'homme qui n'est pas encore au rendez-vous. Ce rendez-vous aura lieu lorsque le médecin mettra au-dessus de tout l'intérêt du malade, lorsqu'il se consacrera totalement à sa tâche avec abnégation, disponibilité et passion. L'aspect mercantile doit s'effacer devant la grandeur de sa mission et comme aime le répéter le professeur émérite Legrain, «le futur médecin doit savoir qu'on gagnera de moins en moins dans ce métier». Il est malheureux de constater qu'à l'heure actuelle, dans beaucoup de domaines, ce qui se fait et les plans échafaudés ne vont pas dans la bonne direction. Nous ramons à contre-courant de ce qui se réalise dans le monde, où les structures hospitalières fonctionnent en bâti vertical et sont organisées en pôle d'excellence, regroupant dans une même entité, des disciplines complémentaires qui travaillent en parfaite communion pour traiter le patient avec rapidité, efficacité, tout en lui assurant le maximum de confort en évitant attentes et déplacements inutiles. Ce faisant, l'hôpital diminue de façon drastique les dépenses pour les besoins médicaux et maîtrise mieux le déplacement des auxiliaires médicaux et l'afflux des visiteurs, ce qui en ont fait de véritables havres de paix et de sérénité. C'est une conception relativement nouvelle, bien qu'elle existe depuis plusieurs décennies dans les pays industrialisés, car elle est en adéquation avec les technologies modernes et les modes de managements actuels. Nul doute que ces récents environnements et organisations propulseront notre médecine vers l'excellence et procureront une grande satisfaction à nos patients, quelque peu désemparés. Par ailleurs, l'énorme avantage de ce système, c'est qu'il fonctionne sans chef de service, et ceci éviterait l'organisation de concours source de conflits et d'incohérence et débouchant sur des résultats forcément injustes. Le dernier concours, comme on le sait, a donné lieu à un véritable scandale que l'on a vu venir, dès lors que l'on a signifié à certains enseignants la fin de leurs fonctions de chef de service, ce qui est illégal, alors qu'une mise à la retraite aurait été plus appropriée et plus légitime. Mais qu'importe la décision, il ne fallait surtout pas qu'ils figurent dans le jury et l'on comprend aisément pourquoi. On peut alors choisir et établir, en toute quiétude, des listes de jurys «dociles» (dans certaines spécialités) et bien sélectionnées par le syndicat dont on ne sait guère ce qu'il est venu faire dans cette galère. Et bien entendu, pour qu'il n'y ait pas de surprises, les grilles d'évaluation ont été élaborées par ce dernier. Cela n'est donc pas étonnant que les résultats ne soient appréciés que par ceux qui les ont façonnés, provoquant l'hilarité générale et une désapprobation unanime. Les autorités administratives n'ont pas d'autres alternatives que d'annuler ce concours «de la honte» et d'assainir le climat malsain qui règne dans notre système hospitalo-universitaire. De la même manière, elles n'ont pas d'autre choix que de faire respecter les lois qu'elles promulguent et que la majorité de nos collègues ignorent, continuant d'exercer comme bon leur semble. Quant aux prochaines Assises nationales, nous attendons : une identification claire et précise de nos problèmes épidémiologiques, une évaluation non moins précise de nos actions préventives et curatives, une approche correcte de nouveaux concepts d'enseignement et de traitement. Elles doivent également envisager des structures médicales modernes et performantes, établir des pré-requis pour la carrière universitaire et même revoir les critères pour l'entrée en médecine des étudiants, en privilégiant les aspects humains et de moralité. Il faut espérer également que des voix s'élèveront pour que nous disposions de structures autrement plus performantes, pour éviter ces prises en charge qui sont pour nous infamantes et humiliantes. Nous avons émis ce vœu au lendemain du décès du président Boumediène, nous n'avions pas été écoutés, espérant que nous n'attendrons pas longtemps pour les voir opérationnelles. La médecine est sortie de son ghetto médiéval, elle est devenue efficace se rapprochant du risque zéro et guérissant des maladies réputées jusque-là incurables. On ne doit pas décevoir nos patients. Ils attendent beaucoup de nous et espèrent des résultats identiques à ce que l'on observe ailleurs. Cette médecine est exigeante, elle demande un engagement total, des sacrifices aux médecins, une disponibilité à toute épreuve. Elle exige de la part des administrateurs de la santé, de l'imagination, de l'innovation, de la clairvoyance et de la méthodologie pour les actes de gestion. La réussite est à ce prix certes difficile mais, comme le dit Ghandi, «elle n'est pas impossible».
PS : Voici, à toutes fins utiles, ma conception pour l'évaluation de la chefferie de service . Notes : 1- Juger à part les professeurs nommés avant une certaine date, par exemple avant et après 2009. 2- Privilégier les travaux figurant sur les revues indexées, algériennes et internationales, les livres et manuscrits rédigés par le candidat, et les activités hospitalières et d'enseignement. 3- Les posters et abstracts présentés dans divers congrès ne doivent pas être surévalués. 4- Les comités pédagogiques doivent être consultés pour établir la liste du jury. 5- Le jury doit être composé de professeurs de la spécialité, incluant les anciens chefs de service récemment démis de leurs fonctions.