La soumission des maires et de leurs adjoints à une autorisation du ministère de l'Intérieur pour pouvoir participer à une quelconque manifestation à l'étranger pose, aux regards des juristes, une problématique de la liberté de circulation des personnes. C'est ce que révèle le cas du maire de Ouaguenoun (Tizi Ouzou). Si le code communal est clair lorsqu'il s'agit d'engager l'assemblée communale dans une entreprise de jumelage ou de coopération avec une collectivité locale ou ville étrangères, ce n'est pas le cas pour ce qui est des mouvements des élus, notamment les présidents d'APC et leurs adjoints. Le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales, avait introduit en 2003, dans le code communal une disposition qui stipule qu'« une APC peut conclure, dans le cadre d'une convention, des projets de coopération avec une autre collectivité locale étrangère ». Mais rien ne précise de manière officielle, du moins publiquement, la soumission des maires et leurs adjoints à une autorisation de l'administration locale pour pouvoir participer à une activité à l'étranger. Pour en savoir plus sur « l'affaire du maire de Ouaguenoun », nous avons tenté vainement d'avoir l'avis du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. Mais ni le chef de cabinet du ministre ni la direction de la communication n'ont été joignables durant toute la journée d'hier. La seule explication a été fournie par le ministre délégué chargé des collectivités locales, Dahou Ould Kablia. Joint par téléphone, le ministre délégué a indiqué que « le code communal, l'ancien comme le nouveau, sont clairs lorsqu'il s'agit pour une commune d'engager une coopération avec une collectivité locale étrangère doit faire l'objet d'étude et d'approbation du ministère de l'Intérieur. Cette mesure n'est pas propre à l'Algérie, elle existe dans beaucoup de pays, y compris en France ». Mais, en ce qui concerne la participation à une manifestation à l'étranger, « le maire ou son adjoint doivent avoir un ordre de mission qui émane de la wilaya. Car il s'agit aussi de prendre en charge les frais de l'élu ». M. Ould Kablia reconnaît tout de même que ce dossier ne relève pas de son département mais plutôt de celui de l'Intérieur et « que les choses ne sont pas très explicites. Il faut faire un travail d'explication pour qu'il y ait plus de clarté à ce sujet ». Si le ministre délégué se défend de toute volonté de l'Etat de restreindre les pouvoirs des élus, pour des avocats et des juristes, il s'agit bel et bien d'une remise en cause du principe de la libre-circulation des personnes. C'est l'idée que défend le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), Mustapha Bouchachi. Selon lui, le maire, « en tant qu'élu du peuple, n'a pas besoin d'une quelconque autorisation ou ordre de mission pour se rendre dans un pays étranger. En sa qualité d'élu, il a le droit le plus absolu de prendre part à des activités auxquelles il est invité ». Il précise que « la Constitution consacre à tous les citoyens algériens le droit de quitter et de revenir au pays. Ni l'administration ni la police ne sont habilitées à empêcher un citoyen algérien, quelle que soit sa position, de quitter le territoire. En tout cas, il n'est pas soumis à une autorisation, surtout lorsqu'il s'agit d'un élu du peuple ».Pour lui, l'administration refuse au maire de la commune de Ouaguenoun de se rendre à Rotterdam, « cela relève de la libre-circulation des citoyens, qui est pourtant garantie par la Constitution algérienne ». Le président de la LaDDH précise que « seule une décision de justice peut effectivement interdire à un citoyen de quitter le territoire ». Mais « des mœurs se sont installées chez nous qui font que les décisions se prennent à tort, au mépris de la loi », ajoute Me Bouchachi.