La météo et les tensions politiques en Europe de l'Est menacent les perspectives de la production céréalière. Les craintes d'une interruption des livraisons provenant d'Ukraine et de Russie font avaler aux marchés des poires d'angoisse. Les fournisseurs de l'Hexagone baissent pavillon, eux également, pénalisés par les mauvaises conditions météorologiques qui prévalent depuis plusieurs mois en France. La Russie et l'Ukraine, les deux principaux exportateurs de céréales de la mer Noire, se sont livrées à la pire crise politique depuis la disparition de l'ex-URSS. Le différend politique combiné aux sanctions économiques prises par les Européens et les Américains à l'encontre de la Russie risquent de remettre en cause l'espoir d'une amélioration des perspectives de la production céréalière. Bien que certains analystes estiment que l'incidence des sanctions financières sur le commerce russe et les crédits sont quasiment nulles à court terme. Il est ainsi probable que la Russie continue à jouer son rôle de grand exportateur cette année, en attendant que les sanctions plombent certains moteurs de l'économie du pays. De son côté, l'Ukraine, en attente d'aides financières européennes, dispose encore d'une bonne récolte à même de s'imposer sur les marchés, à moins que la crise politique s'aggrave dans le pays. Quoi qu'il en soit, les sanctions sur le commerce des céréales de la Russie devraient conduire à une hausse des prix mondiaux du blé dans les quatre années à venir. En 2010, la Russie avait choqué les marchés lorsqu'elle avait pris la décision d'interdire durant un an l'exportation de céréales sous l'effet d'une sécheresse qui avait ravagé les récoltes cette année-là. Cette décision s'est avérée le catalyseur d'une flambée des prix sur les marchés mondiaux. Du côté ouest du vieux continent, l'espoir des fournisseurs français de tirer profit de la crise russo-ukrainienne a été rapidement douché par une météo capricieuse. Le duel n'est pas pour autant renvoyé à la prochaine campagne de commercialisation 2015-2016. La Russie et l'Ukraine sont annoncées en concurrentes pour fournir l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Etant donné que la qualité du blé français subit un sérieux revers cette année, des traders s'attendent à ce que les exportations françaises connaissent une importante chute. La France n'a exporté que 52% de la récolte de blé tendre de la campagne 2013-14, soit l'équivalent de 19,1 millions de tonnes. Les agriculteurs risquent de réorienter leur récolte vers l'alimentation animale, faute d'une bonne qualité de grain. La France vient d'essuyer un important échec sur les marchés ; la Russie a raflé récemment un important appel d'offres provenant d'Egypte, le plus grand importateur de blé au monde. Un analyste est allé jusqu'à prédire que «les exportations françaises à destination de l'Algérie, le Maroc, l'Egypte et le Yémen sont en tout cas sérieusement en péril». L'Algérie (plus gros acheteur de blé français) ainsi que l'Egypte viennent d'établir des critères pour s'assurer qu'ils reçoivent un grain de qualité. L'Algérie a exigé que l'indice Hagberg soit supérieur à 240 pour le blé qu'elle achète, alors que le Maroc et l'Iran ont exigé un indice supérieur à 230, l'Egypte au moins 200 (indice mesurant la contenance du grain et l'activité de l'enzyme). Les analystes des marchés estiment que les valeurs Hagberg actuelles du blé français, se situant entre 180 et 200, ne répondent pas aux critères de l'Algérie. Un indice Hadberg de 150 signifie que le blé est déclassé à l'alimentation animale. Il faut donc s'attendre à ce que les exportations françaises de blé vers l'Algérie soient infimes cette année. L'Algérie devrait ainsi réorienter son gouvernail vers d'autres fournisseurs, probablement vers l'Allemagne, la Pologne et les pays baltes. Les importations de blé par l'Algérie devraient connaître une hausse significative cette année. Durant le premier semestre de l'année en cours, les achats du pays en blé ont fait un bond de 15% (lire l'article ci-contre de Lyes Mechti).