Il est rare que ceux qui pensent dans leur inconscient se rappellent de l'imam Malek, de Abou Hanifa, de l'lmam El Haramein El jouini. Ceux qui ont brillé au cours du XIXe, les Taha Hussein, les Akad, les frères Teymour, heikel ont également pensé comme les Algériens d'aujourd'hui, ceux qui sont aux affaires, chez nous, pensent dans une autre langue que la leur. Le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, dans une de ses dernières interventions, a souligné l'importance de l'apprentissage des langues dans l'avenir : «Il nous faut revenir aux langues dans l'enseignement !» dit-il, «il nous faut apprendre l'anglais.» Il n'a pas osé faire allusion à la langue dans laquelle il pense. Le mérite de Bouteflika, c'est d'avoir subrepticement tabouisé l'utilisation du français. Les ministres, depuis 1962 et même avant ont libéré ce pays en se servant de la langue du colonisateur. Didouche parlait français, non par amour, mais par nécessité. quelle jouissance que de combattre et jongler avec la langue de Voltaire et que parlent ceux que l'on combat. Je ne connaissais pas le français, ni à l'école primaire ni au lycée. Nous ne faisions pas partie de ceux qui pouvaient aller au lycée. Assez d'hypocrisie ! 90% des décideurs dans ce pays ne peuvent décider qu'à travers le cadeau parfumé que le colonisateur leur a fait d'une manière inconsciente. J'en reviens à ceux qui ne pensent pas. Ceux-là, leur grande majorité, je ne parle pas des exceptions, ceux-ci n'ont pas étudié ni Le Canon d'Ibnou Sina, ni la Destruction des philosophes d'El Ghazali, et bien moins le diwan El Achwak d'Ibnou Arabi. Il s'agit d'un livre de l'amour, de Dieu ou celui d'une femme ? Et à qui me diriez-vous ce charivari ? La réponse est simple. Ceux qui ont pris en charge l'enseignement se divisaient en trois catégories : les anciens de l'association des oulemas, les gens qu'a bien voulu nous faire cadeau (! ?) Djamal Abdenasser au lendemain de l'indépendance ; on me dira : où se trouvait le corps enseignant algérien ? C'est simple, il n'existait pas ! L'enseignement à tous les niveaux était aux mains des Français d'Algérie ou ceux des Français qui avaient compris que ce pays était un paradis. C'est Camus ou Montherlant, la mémoire me fait défaut. Voilà donc en gros et pour un profane la situation réelle du secteur de l'éducation. Un ami m'a dit : «c'est simple, faisons comme les Hindous, adoptons l'anglais.» J'ai répondu que les Hindous qui pensent comme en Algérie pensent en anglais. Ils baragouinent plus de 2000 dialectes. Ce n'est pas avec leur langue qu'ils ont construit la bombe atomique. Il en est de même des Coréens, des Pakistanais, des Israéliens, des Chinois ou des Iraniens. J'ai estimé qu'il y avait environ deux millions d'étudiants dans les instituts et les universités. Combien parmi cette masse on peut rassembler d'éléments capables de concevoir, rédiger et transmettre un texte scientifique en langue nationale ? ou même dans la langue que le colonisateur nous un peu léguée inconsciemment. Les bacheliers algériens ne savent ni lire ni écrire. On le disait des élèves du primaire, maintenant c'est le secondaire et le supérieur. Anglicisons-nous, dit Monsieur le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur. Il vous a fallu soixante ans pour que vous soyez ce que vous êtes : ministre d'Etat, mais je pense, Monsieur le ministre, que vous avez occulté le facteur temps. Nos intellectuels immigrés, médecins, ingénieurs, financiers, économistes ne doivent rien à la langue arabe. Ils ont eu la chance d'avoir des parents qui ont vécu la France et pour les plus jeunes glané les restes, les miettes de ce cadeau que le colonisateur nous a légué. Je finis. On rapporte que le cheikh El Bachir El Ibrahimi devait décider de l'avenir de Si Ahmed Taleb, le ministre, l'érudit, le conseiller du président Boumediène. Le médecin est allé consulter le Cheikh Abdelhamid Ben Badis sur l'avenir de son fils Ahmed. «Que pense-tu ? Dois-je l'envoyer à El Azhar, ou alors dois-je l'orienter autrement ?» Le cheikh Ben Badis, le génie, l'auteur de la Nahda et à celui-ci de répondre. «Cette question est de trop», et c'est ainsi qu'Ahmed Taleb El Ibrahimi est devenu ce qu'il est devenu. Prenons sérieusement ce que nous avons, sortons nos enfants de l'analphabétisme, la langue amazighe est également une langue et sera officielle, ça ne gêne personne. Ne nous accrochons pas à une anglicisation problématique et utopique pour le moment. Commençons et attendons. Les jeunes, eux, n'attendent pas. La langue arabe dans l'état où elle est ne leur offre rien. Demander à Amimour. Il a reconnu. Il a dit : «J'ai échoué dans mes efforts pour amener les Algériens à l'arabe.» Oui, cinquante ans d'indépendance n'ont séduit personne, la plupart de ceux qui pensent baragouinent l'arabe.