On entend parler, ces derniers temps, du patrimoine immatériel de La Casbah, un héritage culturel qui semble ne plus faire recette présentement et que d'aucuns appellent de tous leurs vœux. Au moment où la vieille médina crie son lot de douleurs et peine à retrouver son lustre d'autrefois, on fouine dans notre mémoire pour renouer avec les composantes de notre histoire et l'atmosphère qui avaient pignon sur rue. Alors qu'on s'échine à donner un semblant de clinquant à un parcours qu'on dit touristique, nombre de bâtisses croulent sinon continuent à menacer ruine. En exhumant le patrimoine immatériel, serait-ce une manière d'avoir bonne conscience et éviter, du coup, le risque d'être voué aux gémonies ? Car comment interpréter les voix qui s'élèvent par-ci, par-là pour convoquer l'immatériel enfoui dans le dédale de l'histoire à l'heure même où il urge de sauver l'essentiel d'un tissu immobilier qui se morfond. Serait-il pertinent de déterrer un pan de mémoire sans lui préparer l'humus duquel il se nourrissait ? Les conteurs populaires dans certains cafés de Damas, le café Fishawi, - réceptacle culturel qui continue à perpétuer l'air de son temps au cœur du Caire - ou encore, l'atmosphère envoûtante de Marrakech pour ne citer que ces lieux jalousement préservés, conservent toujours le terreau duquel s'alimentent les petites gens. A dire vrai, chez nous et sans être un rabat-joie, on se plaît à vouloir mettre la charrue avant les bœufs. Comme si le gâteau est fin prêt et il ne manquait que la cerise. Depuis des décades, pas de stratégie globale en matière de restauration ne s'est révélée efficiente, sinon des opérations sporadiques réalisées par des structures qui se sont employées à faire bonne figure tout en se relayant autour d'un patrimoine dont l'immobilier ne cesse de se réduire à une portion congrue. Des entreprises sans génie et en faisant preuve de manque de professionnalisme se sont complues dans le rafistolage d'une cité qu'on peine à redorer son blason. Une cité autour de laquelle on s'escrime non sans agiter vivement notre mémoire pour perpétuer son legs immatériel. Soit. Encore faut-il ne pas s'emmêler les pattes et commencer par où l'on devrait finir.