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ABDERAHMANE BENKHALFA (SG de l'Association des banques et des établissements financiers) /
« Le marché national a besoin d'une mise à niveau »
Publié dans El Watan le 20 - 07 - 2004

Peut-on connaître le concours des banques au financement de l'économie ?
Le concours des banques au financement de l'économie est prééminent. En 2003, un portefeuille de crédits vivant dans les différentes banques oscille autour de 1300 milliards de dinars. Ce potentiel a évolué de près de 10% annuellement.
Est-ce qu'on peut connaître la destination de ces crédits ?
La destination a subi une métamorphose. Le tiers de ces crédits est destiné aux PME-PMI contre 15% de leur portefeuille auparavant . Les crédits sont actuellement de 500 millions de dinars et le secteur privé est en train de faire son entrée à travers la PME-PMI. La tendance de l'évolution des grandes banques va dans le sens où leur financement n'est pas orienté uniquement dans tous les secteurs mais également dans toutes les régions du pays. Il y a donc une problématique de financement qui n'est pas celui qui traque uniquement les affaires commerciales mais un financement qui vise également l'amélioration de la structure de portefeuilles. L'année 2004 correspond à cette volonté de faire en sorte que les financements bancaires, tout en correspondant à une orthodoxie qui leur est imposée, soient également des financements qui vont vers des projets où la bancabilité n'est pas évidente d'emblée. De plus en plus s'installe aujourd'hui une logique qui fait partager les risques entre les pouvoirs publics et les banques.
C'est-à-dire plus exactement...
Avant, on avait ce partage du risque autour du dispositif Ansej ; maintenant, il est élargi avec le megasystème de garantie. Les fonds de garantie et les banques espèrent que tous ces systèmes se dédoublent également d'un réseau de soutien aux entreprises. Il y a un pacte qui ne dit pas son nom entre les pouvoirs publics, d'une part, et les banques, d'autre part, pour que les risques conjoncturels ou structurels ou sur les entreprises existantes ou nouvelles ne soient pas posés uniquement sur les banques.
Quelle est la part des financements accordés à la sphère de production ? Et pouvez-vous nous parler de la maturité des crédits fournis à l'économie ainsi que de leurs structures ?
Sur 1300 milliards de dinars d'encours de crédits en 2003, il doit y avoir entre 350 et 400 millions de dinars de crédits à l'investissement. Il y a beaucoup de financement de l'industrie et des services créés en Algérie. Mais en règle générale, les opérations d'import ne sont financées que lorsqu'il s'agit d'une portion intégrée dans un financement global ; les simples opérations de la vente en l'état ne sont pas financées. Les banques, de ce point de vue-là, ne jouent que le rôle de prestataire de service.
Qu'en est-il de la répartition géographique des crédits d'investissement ?
Plus de deux tiers des communes sont touchées par l'effort du financement du pays, notamment les microentreprises. Nous sommes dans un marché excessivement ouvert, c'est pour cela que la conquête par les entreprises est une urgence nationale. Donc l'effort à porter au niveau de la bonification des taux et de la garantie de la solvabilité doit être soutenu à large échelle au niveau de l'entreprise.
Mais jusqu'ici, nous savons que les banques en état de surliquidités n'arrivent pas à absorber un paradoxe ! la demande croissante des financements d'entreprises existantes ou nouvelles...
La correspondance des maturités est excessivement importante. D'ailleurs, les autorités monétaires sont en train de penser à réglementer par texte la correspondance des maturités. Les ressources longues doivent correspondre à emploi long, et les ressources courtes ne peuvent couvrir un emploi long que pour un seuil donné. Or, beaucoup de ressources dans les banques ne sont pas des ressources longues.
Il paraît que 60% de ces ressources sont de court terme...
Les ressources qui vont dans les banques commerciales sont par nature de courte et de moyenne durée. Il y a certes un système de transformation pour financer les opérations d'investissement, mais les réglementations de par le monde et bientôt une réglementation nationale ne permet pas de financer les investissements à partir des ressources courtes sinon pour un certain seuil. Cela étant, il y a des capacités réelles mais qu'il ne faut pas exagérer au point qu'on pense que tous les milliards qui sont comptabilisés au niveau des banques sont tous susceptibles d'aller dans des opérations d'investissement.
Alors, que faire ?
Les banques au fur et à mesure qu'elles ont des demandes longues peuvent avoir une stratégie de stimulation des ressources longues. Elles ne peuvent pas cumuler des ressources longues en face de demandes courtes, ou alors de demandes longues non matures. Les banques peuvent ajuster et aménager des conditions qui leur permettent de drainer des ressources longues. Il faut peut-être penser à une banque d'investissement qui, elle, par nature prend des risques longs.
D'après vous, y a-t-il une volonté des pouvoirs publics à aller dans ce sens ?
A notre connaissance, la préoccupation est saisie... Cela étant, la communauté bancaire souhaite que l'activité faite par les banques commerciales soit relayée par les banques d'investissement. Nous sommes au cœur de cette problématique. Mais les banques ont déjà commencé à faire les premières opérations de crédits consortium. Mais, encore une fois, faut-il encore que les projets soient bancables. Car il faut que le marché donne des convictions, à la fois à l'entreprise et à la banque, que les nouveaux investissements ne seront pas fortement concurrencés par la structure actuelle du marché. D'ailleurs, certains parlent d'une mise à niveau des entreprises, nous, nous parlons au sein des banques d'une mise à niveau du marché. La sphère réelle est actuellement destructurée. Il y a une action à faire pour que l'entreprise, sur son marché, soit viable.
Vous vous êtes attardés sur l'aspect de la maturité des projets à financer. Peut-on connaître, par contre, le niveau des demandes de financement ?
Il y a de plus en plus de demandes. L'immobilier, par exemple, est un créneau qui, même s'il semble aux banques assez porteur, montre quand même que les éléments comme la qualité des titres de propriété pose un grand problème dans ce pays. Les banques font face à une problématique qui consiste à financer un marché porteur, mais la garantie de ce marché à travers les titres de propriété et la mobilisation d'hypothèque neutralise beaucoup d'efforts des banques et ce, en raison des problèmes de validité et de la disponibilité des titres de propriété complets.
Est-ce qu'on a une idée sur l'importance de la situation ?
Notamment dans les grands ensembles immobiliers, souvent les banques n'arrivent pas à mobiliser des hypothèques. Il y a d'abord le problème de fiabilité des titres de propriété, ensuite celui de leur gestion et enfin celui de l'inscription des hypothèques. La première garantie d'un financement c'est l'hypothèque.
Et le risque bancaire dans tout cela ?
La sphère réelle est encore très destructurée ; la concurrence déloyale neutralise des filières entières. Nous avons également perdu deux institutions, Khalifa et BCIA. Ces dernières ont été perdues parce que le risque bancaire n'a pas été suffisamment maîtrisé. Nous devons tirer des enseignements à la fois de l'assainissement ancien des portefeuilles que nous sommes en train de fiabiliser, des impératifs de sécurité de la place et donc de veiller à ce que le mouvement des financements se poursuive dans le respect de l'orthodoxie. Y a-t-il maintenant un niveau d'exagération des risques ? Je doute... Ce que nous savons par contre, c'est que les banques sont en train de moderniser toute la fonction crédit : instrument de contrôle, l'évaluation des risques, la comparaison des risques, le suivi des recouvrements, des instruments de notation des clients, et bientôt des instruments d'échanges d'informations. Bientôt avec la Banque d'Algérie, les centrales négatives de risque s'installeront. D'ici deux ans, les infrastructures seront mises en place. Les banques prendront ainsi moins de précaution comme cela permet d'aller rapidement à une décision de crédit.
Des centrales de risque existent-elles déjà au niveau de la Banque d'Algérie ?
Effectivement, elles existent. Mais, nous sommes en train de voir installer, avec la Banque d'Algérie, les centrales négatives aux filiales sur les engagements. Il y a une filiale interbancaire qui vient de développer une centrale négative de risques pour les emprunteurs particuliers.
Laquelle ?
La Satim et la Banque d'Algérie sont en train d'instrumenter le mécanisme pour qu'en matière d'immobilier et du crédit de consommation il y ait une information sur le niveau d'endettement des particuliers. Les centrales de risques négatives sont des instruments de gestion de risque, ce sont ces instruments de demain.
Autre sujet non moins problématique : la régénération des créances douteuses. Les derniers chiffres officiels font part de quelque 5 milliards de dollars.
Les banques ont géré un coût d'ajustement, de restructuration de l'économie nationale. Il ne faut pas que la lecture sur l'assainissement des portefeuilles de banques soit assimilée à des créances de non-gestion ou une gestion insuffisante de banques. Il y a toujours une amélioration à faire, mais c'est une facture au profit d'une collectivité nationale. La non-performance des financements est une non-performance d'un appareil économique. L'assainissement dans les portefeuilles qui a été supporté et continue à être supporté est en fait un financement d' une option d'un système de gestion économique qui a profité à toute la collectivité nationale. Il s'est exprimé au niveau des banques comme il aurait pu s'exprimer ailleurs. Mais, actuellement, les niveaux de dinars investis produisent moins d'impayés que les dinars anciennement investis.


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