Le premier président de la Russie post-URSS avait le sens de l'humour, mais l'on retiendra de Boris Eltsine son sens de l'analyse et de la perspective. Aussi disait-il alors même que l'on dissertait sur le monde de l'après-guerre froide, que «la Russie finira par adhérer à l'OTAN», l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, une organisation créée en pleine guerre froide, et qui a été maintenue en dépit de la chute du communisme et la disparition de l'URSS. Malgré également la disparition du Pacte de Varsovie, organisation militaire du bloc communiste. Et en ce sens, le propos de Boris Eltsine a accompagné cette tendance signifiant sans plus que l'Alliance atlantique ne disparaîtra jamais, en tout cas, pas avant longtemps, et qu'elle fera tout pour repousser au maximum ses frontières. Ce qui est déjà le cas avec l'adhésion de plusieurs républiques de l'ancien monde communiste. Et tout laisse entendre depuis quelques semaines que rien ne va entre l'Alliance et la Russie au point que cette dernière a décidé de revoir sa doctrine militaire pas si vieille que cela, puisqu'elle date de 2010 et l'adapter au renforcement de l'OTAN à ses frontières. Mikhaïl Popov, secrétaire adjoint du Conseil de sécurité russe, dresse d'abord un constat. «Tous les faits témoignent de la volonté des autorités des Etats-Unis et de l'OTAN de poursuivre leur politique de détérioration des relations avec la Russie», a-t-il ainsi déclaré, ajoutant que malgré les déclarations de «bonnes intentions», l'OTAN et la Russie ne sont «pas parvenues à établir un dialogue équitable». A suivre son propos, la suite est logique, et en ce sens, dira-t-il, n'avoir «aucun doute sur le fait que le rapprochement de l'infrastructure militaire des pays membres de l'OTAN des frontières de notre pays, y compris par l'élargissement du bloc, aura sa place parmi les menaces militaires extérieures». Ces propos font écho aux projets de l'Alliance atlantique d'adopter, lors de son sommet de jeudi et vendredi, un plan de réactivité (Readiness action plan, RAP), en réponse à l'attitude de la Russie dans la crise ukrainienne, perçue comme une menace directe par les alliés partageant une frontière avec ce pays (Etats baltes, Pologne, Roumanie, Bulgarie). Y aurait-il alors un risque d'affrontement entre les deux parties, mais de quel type ? Pourquoi et comment en sont-elles là ? Tout semble parti de la crise ukrainienne et de la position à son égard. De nombreux analystes et intellectuels ont tenté d'alerter au moins l'opinion internationale sur, selon eux, l'implication de la Russie dans ce conflit, ce que Moscou récuse, considérant même que celui-ci a servi de prétexte à l'OTAN pour se rapprocher de la Russie. Le monde, comme ils le disent, ressemble-t-il réellement dans son évolution à 1939 ? Ce qui semble infondé, selon d'autres approches qui considèrent que la peur que susciterait l'OTAN n'a pas lieu d'être, et que, tout au plus, elle est excessive. Il reste qu'un mouvement est perceptible en Europe. D'abord à travers les nombreuses adhésions à l'Alliance atlantique. Ensuite dans le fait que pour la plupart de ces pays de la Baltique et d'Europe centrale, la présence de l'OTAN sur leur territoire constituerait pour eux une «bonne assurance». D'où alors l'existence d'un risque, qu'a au moins atténué l'accord d'un « régime de cessez- le -feu » dans l'est de l'Ukraine, annoncé hier. Cela suffit-il pour que soit reconsidéré ce qui se dit aussi bien sur l'OTAN que la Russie ? Il y a, en effet, un enjeu majeur, celui de la gestion des relations internationales, avec une exclusion remarquée de l'ONU.