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Il était une fois Selyuna, une princesse rebelle…
Publié dans El Watan le 20 - 11 - 2014

D'emblée, le film met en scène une vieille grand-mère, un homme adulte (le narrateur) et des petits enfants réunis autour d'un feu de bois et abrités sous le toit une maison traditionnelle kabyle. Le conteur entame son récit et les enfants étaient tenus en haleine par l'aventure de l'histoire. Ainsi donc commence le film. Comme autrefois, les spectateurs présents lors de la projection étaient baignés, 85 minutes durant, dans un cliché cinématographique ressuscitant le fabuleux conte dans ses plus infimes détails. Selyuna est une belle, intelligente et sage jeune princesse. Elle jouit du respect de tous les villageois.
Elle compte six amis, enfants, qui l'affectionnent et la chérissent, pour lesquels elle enseigne les valeurs morales et le respect d'autrui. Meksa est le berger du père (le roi). Un jour, le frère Mastene fait une découverte lorsqu'il emmène son cheval s'abreuver à la fontaine du village. Un long cheveu qui se trouve dans l'eau l'a envoûté. Obnubilé par sa découverte, il fait le serment d'épouser la femme à qui le cheveu appartenait, même s'il s'agirait de sa propre sœur. A sa surprise, il apprend qu'il s'agit bel est bien de celui de sa frangine, Selyuna. Ses parents (le roi et la reine) finissent par consentir le mariage consanguin, même au prix du déshonneur.
Plongé dans un sommeil, Selyuna fait un rêve prémonitoire. Elle apprend qu'elle allait être mariée à son frère. Sa mère lui confirme sa révélation. Furieuse, elle décide de prendre la fuite pour échapper à son sort. Elle part se réfugier dans la forêt. Fée qu'elle fut, Dame nature lui obéit au doigt et à l'œil.
Elle trouve refuge au sommet d'un arbre. En partant à sa recherche, Mastene tente de la rattraper, en vain. Elle s'engouffre à nouveau dans une grotte. Découverte par Meksa, il informe le roi. Ses parents ne l'ont pas convaincue pour autant de rentrer, ni encore moins d'abdiquer devant leur détermination. Mastene tente à nouveau de la persuader de rentrer. Fou furieux, il lui coupe le petit doigt de sa main apparue au travers de la portière de la grotte légèrement entrouverte.
Selyuna, comme pour se venger, lui jette un mauvais sort. De retour chez lui, il subit la malédiction de sa frangine. Rentré bredouille, un os lui transperce le pied au point de l'handicaper. Alité pendant plusieurs jours, personne n'a pu lui apporter guérison. Ayant eu vent du supplice causé à son frère, Selyuna finit par rentrer de son ermitage forcé. Elle délivre son frangin de ses souffrances et dissuade ses parents de revenir sur leur décision… Ainsi, a-t-elle mis fin à l'aventure sans lendemain de son frère. C'est le retour au bercail.
Les enfants, ses amis, dans toute leur innocence, lui ont ouvert les bras et l'ont accueillie dans une allégresse festive. Elle a su retrouver sa chasteté et sa loyauté envers les siens. Ainsi donc, le réalisateur a mis en évidence la détermination de Selyuna qui a eu raison d'un serment ô combien «sacré» dans une société où le simple fait de jurer outrepasse toute valeur morale ou pensée objective. «La femme (Selyuna) a cassé un tabou, c'est la morale de l'histoire», indique un amateur de cinéma en se disant «bercé» par la production comme c'était le cas, autrefois, avec la grand-mère qui racontait ces histoires fabuleuses, se rappelle-t-il.
Si le conte populaire, tel qu'il était conté autrefois, a tendance à disparaître de nos jours, le film a eu le mérite de le faire renaître de ses cendres et de le réinventer sous la forme la plus adaptée à notre époque, le 7e art. Tamacahuts N Selyuna a remis au goût du jour les valeurs morales, éducatives et culturelles de la famille. Les rôles de Selyuna et de Mastene ont été tenus respectivement par Kadir Wissam et Belkacem Aziz. Celui du roi est incarné par Sihaki Boussad et Mechoub Fadhila a joué la reine, pour ne citer que ceux-là. Le narrateur n'est autre que Mhenna Boudinar, inspecteur dans l'enseignement de tamazight. Les scènes de ce film, financé sur fonds propres, ont été tournées dans les forêts de Yakouren et Tala Guilef, au village Moknéa (Ifigha) et à Tigzirt (ruines romaines).
Sur le plan technique, le réalisateur a intégré des effets spéciaux dans deux scènes différentes (remontée d'une branche d'arbre et mouvement d'une portière rocheuse). D'ailleurs, la magie des images a impressionné le public présent pour qui le film a reçu un écho favorable. La musique introduite est tirée de l'œuvre d'Ali Meziane et de feu Abdelkader Meksa. A la fin de la projection, la production a été passée au peigne fin par des critiques plus au moins objectifs. Des intervenants au fait du domaine cinématographique, ont relevé des remarques concernant l'aspect technique (musique, décor, distribution des rôles, etc.)
Des critiques «susceptibles d'améliorer le niveau de la production cinématographique d'expression kabyle», estime un cinéphile, et d'ajouter que l'adaptation des contes populaires en films permettra de sauvegarder ce qui relève d'un patrimoine culturel et historique. Le conte est revivifié au grand bonheur du public, mais surtout des enfants. Interrogé au sujet de la diffusion dans les cinémathèques, le réalisateur, A. Chelmouni, dira : «Certes, c'est un film officiel, car nous avons toutes les autorisations pour sa réalisation. Mais c'est difficile de le diffuser dans les cinémathèques, car il faudra qu'il soit financé par l'Etat et qu'il soit sous-titré en d'autres versions pour le projeter à travers le territoire national.» Enfin, le réalisateur estime que sa production est à caractère éducatif. De ce fait, elle pourrait servir de support didactique aux enseignants de la langue amazighe.


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